Contemporary Dynamics of the Bou Kounta Qadiri Community
By Maria Grosz-Ngaté
20150620_AmadouDiagneGaye
Audio File:
Download File: Download
Download File: Download
Transcript:
Open/Close
Entretien : Amadou Diagne Gaye, Ndiassane, le 20 Juin 2015
00:01: Maria Grosz-Ngaté (MGN): Bonjour Monsieur Gaye, merci d'avoir accepté d'être interviewé pour ce projet. Pourriez-vous vous présenter: votre nom, votre occupation et depuis quand vous êtes à Ndiassane ?
Amadou Diagne Gaye: Je m'appelle Monsieur Amadou Diagne Gaye, je suis à Ndiassane depuis 2005, Octobre 2005, et je suis professeur d'anglais.
00:24: MGN: Merci, et à part vos fonctions comme professeur d'anglais, est-ce que vous avez d'autres responsabilités au niveau de l'école, ici au niveau du CEM ?
Au niveau du CEM, je suis le premier adjoint du Principal. Si le Principal n'est pas là, je suis chargé d'assurer l'intérim. Ensuite, je suis le gestionnaire de l'école, dans le conseil de gestion de l'établissement et en même temps je suis chargé du partenariat entre Ndiassane et l'association « Des Racines et des Hommes » basée en France, à Vichy.
00:59: MGN: Merci, et qu'est-ce que vous faites à l'égard de la gestion, qu'est-ce que ça veut dire?
Pour la gestion, vous savez que maintenant au Sénégal on avait institué le conseil de gestion des établissements pour rendre beaucoup plus transparente la gestion au niveau des collèges et des lycées. Maintenant, le principal, c'est lui qui est chargé, c'est lui, en tant que chef d'établissement qui est chargé de tout. Maintenant, on crée des organes pour au moins rendre les choses plus visibles, que chacun puisse savoir que l'argent qui entre à l'école est dépensé là où il doit être dépensé, au vu et au su de tout le monde. C'est pourquoi, au niveau de ce conseil, il y a le gestionnaire. C'est moi qui suis chargé de l'argent. Si l'argent rentre de dire voilà ce qui est rentré, et si ça sort aussi de notifier cela, de garder les reçus et tout ça et pouvoir maintenant après faire un bilan financier et contrôler et voir que voilà ce qu'on avait, maintenant [voilà] ce qui reste. Et ça aussi dans l'organe il y a des élèves qui sont représentés, il y a des parents d'élèves qui sont représentés, le principal, les professeurs aussi choisissent un représentant et puis les surveillants aussi ont un représentant.
02:11: MGN: Et les élèves que vous avez ici, qui viennent au collège, est-ce qu'ils sont tous de Ndiassane ou est-ce qu'ils viennent des villages des alentours aussi?
Les élèves viennent, il y a une grande partie de ces élèves-là qui viennent des villages environnants, mais la plupart viennent de Ndiassane. Au temps, au début, il y avait beaucoup qui venaient des villages environnants mais maintenant on a créé des collèges de proximité ce qui fait que certains, maintenant, ont des collèges dans leur localité. Mais jusqu'à présent il y a d'autres qui n'ont pas de collège dans la leur. Il y a certains, beaucoup plus proches, ce qui fait que maintenant ils viennent ici. Il y en a qui viennent de deux ou trois kilomètres pour venir faire le cours et puis rentrer.
02:53: MGN: D'accord. Et quel est l'effectif actuellement à peu près : les garçons, filles?
L'effectif, à peu près, moi je ne sais pas exactement les chiffres, mais je sais que l'effectif total envoisine 460. Je pense bien, pas encore 500, ça ne fait pas encore 500, peut-être l'année prochaine. Garçons et filles aussi, je n'ai pas encore les chiffres. Ça, c'est peut-être le principal qui a ça avec lui, les chiffres. Presque souvent, il y en a qui partent. Des fois, on peut avoir le chiffre en début d'année, il y en a qui vont être transférés d'autres, souvent, abandonnent ce qui fait qu'à chaque fois on a besoin d'actualiser pour avoir le nombre de filles et le nombre de garçons.
03:28: MGN: Oui, oui, et est-ce que l'effectif a augmenté depuis que vous êtes ici?
Oui, vous imaginez qu'au début, en 2003, je n'étais pas là parce que l'école a ouvert en 2003. Je suis venu en 2005, deux ans après. Mais moi, j'ai trouvé ici, il y avait 68 ou 69 élèves quand je venais d'arriver et on m'avait dit au tout début, il y avait neuf (9) élèves, seulement en classe de sixième. Mais maintenant comme ici les collèges ça se crée maintenant comme ça, on crée par progression. On a une sixième cette année, l'année prochaine ils vont faire la cinquième, d'autres vont venir en sixième, ils vont passer maintenant jusqu'à avoir le cycle complet. Ce qui fait que, moi, quand je venais ici, il y avait, une sixième, une cinquième et une quatrième, en tout ça faisait presque 68 ou 69 [élèves] en tout. Alors dans certaines écoles, dans une seule classe on pouvait retrouver 80 élèves. Mais maintenant, on envoisine presque 500 élèves, pour dire que ça a progressé depuis 2003 jusque-là.
04:27: MGN: D'accord, et est-ce que vous avez observé une évolution à l'école en tant que professeur? Maintenant, en général, est ce qu'il y a du changement et s'il y en a eu, de quelle sorte?
C'est-à-dire qu'au début aussi… même pour créer le collège, comme je n'étais pas là, peut être j'ai appris par ce qui étaient déjà là. Donc au début, les gens n'en voulaient pas déjà, parce que peut-être c'est un village religieux. Au Sénégal dans la plupart des villages religieux, les gens sont un peu réticents par rapport à l'école, surtout l'école française, l'école à l'occidental. Finalement, il y a beaucoup qui ne veulent pas faire entrer leurs élèves à l'école, surtout dans les villages, dans les pôles religieux comme Touba, comme Ndiassane, peut-être pas Tivaouane parce que Tivaouane c'est un cas particulier, ce n'est pas strictement religieux. Ça, c'était des villages créés par leur fondateur, maintenant les talibés se sont regroupés ce qui fait que c'est lui le chef, guide spirituel et en même temps presque temporel.
Peut-être à Tivaouane, bon, c'était un village des sérères quand Mame El Hadji Malick est venu, bon, ils lui ont donné une terre pour qu'il puisse s'installer, donc il ne pouvait pas être plus royaliste que le roi. Là, ils sont venus dans un endroit où il y avait personne. Lui, il était là pour pouvoir bénéficier de la quiétude et ça et maintenant adorer Dieu et ensuite les talibés sont venus et se sont installés, ils ont créés le village. Ce qui fait que ce fief-là, il est le chef de la localité. Donc souvent Touba est comme ça, Ndiassane est un peu comme ça, ce qui fait que maintenant dans ces pôles-là les gens sont un peu réticents par rapport à l'école parce que pour eux c'est un facteur de perdition, c'est un facteur de contre-valeur.
Donc on va enseigner à leurs enfants d'autres choses qui ne sont pas leurs valeurs, leur culture etc. ce qui fait que maintenant ici le problème aussi s'est posé. Quand il a fallu créer le collège, beaucoup ont dit non, non. C'est un village religieux, Ndiassane on la connait pour la religion et tout donc il n'est pas question qu'on y installe une école française. Mais puisque à l'époque, il y avait un directeur d'école, c'est Monsieur Kounta, lui il était le directeur de l'école primaire. Lui aussi, il s'est battu pour que l'on puisse avoir une école primaire d'abord, et ensuite il a été le directeur parce que, lui au moins il a fait l'école coranique ici, il a fait l'école française jusqu'à sortir et être instituteur.
Maintenant, finalement comme il fait partie de la famille, son père même a été Khalife, donc il s'est un peu battu pour qu'on crée l'école élémentaire. Mais ensuite, quand on a voulu avoir un CEM, parce que maintenant les élèves étaient à l'école élémentaire, une fois qu'ils ont l'entrée en sixième, il fallait maintenant aller au-delà de la sixième, il y avait pas de collège donc il fallait aller soit à Thiès ou à Tivaouane, donc sortir du village et c'était difficile. Maintenant, il s'est battu pour avoir un collège pour qu'aussi les enfants puissent rester toujours à Ndiassane et continuer leurs études. Donc, quand il a demandé ça, maintenant les gens n'en ont pas voulu mais lui aussi s'est battu pour.
Finalement, ils lui ont dit « même si on le fait, ce n'est pas ici », parce que même pour même avoir le site là pour installer l'école ça pose un problème. Finalement le site a été donné par la communauté rurale. Ça fait partie de la communauté rurale de Chérif Lô, ils ont dit qu'ils vont donner ça, puisqu'à Ndiassane on refuse de donner leur terre, ici ça leur appartient ils vont donner ici pour qu'on puisse construire le Collège. C'est pourquoi quand on a ouvert, il y avait neuf élèves, ils n'ont pas voulu amener leurs enfants, mais neuf élèves. Et puis jusque-là, plus de dix ans après, on voit qu'il y a 500 et quelques. Ça veut dire que, peut-être, ils ont été convaincus, que peut-être l'école à l'occident, à la française ce n'est pas une école pour créer des contre-valeurs mais c'est aussi une école pour construire un homme. C'est-à-dire un homme qui puisse vivre dans son environnement et qui puisse vivre ici comme ailleurs.
Donc il a fallu tenir ce discours-là pour que certains commencent à comprendre. Ils ont voulu que leurs fils viennent, ils ont des Kounta qui apprennent à l'école et pourtant ils apprennent l'école coranique. Cela ne les empêche pas de prier, ça ne les empêche pas de jeûner, de faire ce qu'ils doivent faire par rapport à la religion. Et puis maintenant de pouvoir aussi trouver quelque chose qui peut leur permettre de sortir de la vie parce que nous vivons sur terre, dans l'au-delà. Peut-être la religion c'est pour l'au-delà, le paradis n'est pas terrestre. Bon là, je me dis que puisque ce n'est pas terrestre, on ne peut pas créer un paradis sur terre, moi je n'y crois pas.
Donc peut-être s'il y a un paradis, il n'est pas là, il est là-bas, il est là, en haut. Ici on est des hommes, Dieu nous a créés aussi pour vivre en tant qu'hommes. Et maintenant, peut-être à l'épreuve de ce que nous faisons et tout, peut-être après, on nous jugera et après maintenant chacun saura qu'est-ce qui va s'en suivre. Mais restons hommes, restons humains sur terre parce qu'il dit que j'ai créé la terre pour vous, multipliez-vous, remplissez la terre et habitez dans cette terre là et maintenant vous êtes dotés d'intelligence, utilisez votre intelligence pour transformer votre monde. Ce n'est pas lui qui va venir et transformer ce monde-là pour nous. « Mais donc je vous ai doté d'intelligence qui est vraiment un moteur extraordinaire qui vous permettra, si vous l'utilisez à bon escient de transformer votre environnement et d'y vivre convenablement ».
Peut-être c'est ce que l'occident a compris. Il ne faut pas aussi rechigner à le dire, c'est-à-dire, moi je n'ai pas honte de dire peut-être oui, ils l'ont bien compris parce qu'ils ont transformé le monde. Pas plus qu'hier je discutais avec un ami et je lui disais que, entre guillemet « tubaab dal amna njëriñ », c'est en wolof pour dire que le toubab, il est utile. C'est-à-dire, s'il n'était pas là dans quel monde nous allions vivre, on aurait toujours des bougies et on aurait toujours, peut-être pour avoir l'eau potable ça va être difficile et tout ça et beaucoup d'autres choses qu'on peut donner. Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Et maintenant aussi, si vous n'êtes pas restés là à vous dire que voilà, ils nous ont montré le chemin, on peut être ce que nous sommes, c'est-à-dire musulmans et participer, à ce que le président Senghor disait, au rendez-vous du donner et du recevoir. Quand on reçoit, on doit toujours penser à donner aussi. Maintenant, on nous donne toujours, on invente tout, on crée tout, nous on n'est là, à chaque fois on dit non ça passera, c'est bon ce n'est pas bon.
Bon là, je dis encore une fois que l'école aussi, ici à Ndiassane, pour moi ça c'est un plus, ça ne peut pas être un moins par rapport à leur vécu. Et peut-être il y en a qui l'ont compris, c'est la famille d'abord qui refusait, il y a des Kounta, parce que c'est un village où la plupart c'est des Kounta, mais on voit que maintenant dans nos classes presque la plupart des élèves c'est des Kounta. Anna un jour, elle m'a dit dans le parrainage là, bon il y a beaucoup d'élèves sur la liste, leur nom c'est des Kounta, Kounta, Kounta et elle, puisqu'elle ne comprenait pas la sociologie du village, un jour on a discuté chez elle là-bas, elle m'a dit « mais comment se fait-il que vous, c'est vous qui choisissez ces élèves là, sur la base des critères bien définis. Mais à chaque fois on voit que c'est des Kounta qu'on choisit est-ce qu'il n'y a pas de favoritisme ? » Je dis non, non, c'est parce qu'au Sénégal les villages se construisent comme ça. Parce qu'il y a une base sociologique qui fait que souvent, il y a quelqu'un qui vient avec sa femme, un peu ses enfants, maintenant il est là tout seul. D'autres vont venir, ses parents et finalement même des fois on lui donne le nom de famille. On parle de Ndiobéne ça veut dire les Diop, Kanéne ça veut dire les Kane.
Donc ça veut dire que finalement on crée comme ça. Ça veut dire que quand vous venez dans ce village-là, la plupart des gens que vous allez rencontrer vont porter ce nom-là. Donc ça ne veut pas dire qu'il y a un choix arbitraire mais c'est la sociologie du village. Ça veut dire qu'il y a beaucoup de Kounta et quand on va choisir forcément il y aura beaucoup des Kounta. Même si on devait choisir un président de la république ici dans toute la localité ou bien des ministres, un gouvernement vous allez voir dans ce gouvernement beaucoup seraient des Kounta et ce n'est pas parce que c'est arbitraire, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de démocratie. Il y a une démocratie, mais on choisit aussi d'ajouter une certaine réalité sociologique, on ne veut pas faire fi de cette réalité-là.
Maintenant pour dire que si ces Kounta-là sont nombreux maintenant alors qu'au début c'est eux qui n'en voulaient pas, qui craignaient un peu, bon, maintenant ils sont un peu rassurés. Pour dire que ah bon, il y en a qui sont là, maintenant ils sont à l'université, y en a d'autres qui m'appelle parfois pour me dire qu'ils préparent leur master, d'autres qui me disent que des fois ils font la pharmacie, ils font leur deuxième année, troisième année, ils sont passés par là. Il y en a qui ont commencé à enseigner, donc ils ont commencé un peu à sentir l'utilité pour dire que on ne fabrique pas des hommes pour pervertir qui que ce soit mais on voulait en faire des citoyens et de bons citoyens Sénégalais, des gens qui peuvent apporter quelque chose à leur pays, quelque chose à leur communauté, une plus-value aussi à leur être, c'est-à-dire à eux-mêmes.
De plus en plus on voit que le nombre d'élève augmente chaque fois. Chaque année, on envoisine les 40 et quelques, cette année on envoisine les 500. On pense que l'année prochaine ça va aussi augmenter, les gens envisagent même d'en faire un lycée parce que si les élèves ont leur BFEM1, ils sont obligés d'aller encore soit à Tivaouane, de se déplacer. On veut qu'à partir de l'école maternelle, qu'un enfant puisse être à Ndiassane, faire ses cours à l'école maternelle, l'école primaire, l'école élémentaire, le lycée et peut-être pour sortir aller à Tivaouane, à Thiès, à Dakar ou à Saint Louis pour faire l'université.
13:11: MGN: Oui, bien, merci, c'est bien. Et puisque vous avez déjà entamé le sujet du parrainage à travers l'Association des Racines et des Hommes du Sénégal aussi ici, pourriez-vous décrire le parrainage et l'appui qu'apporte l'association selon votre observation et l'implication…vous-même vous êtes impliqué?
Le parrainage aussi, ça m'a trouvé sur place. Ça veut dire que je suis venu ici en 2005 et en 2006, ils sont venus. Au début le parrainage c'était entre l'école primaire et l'association. Parce qu'ils ont contacté Monsieur Kounta qui ensuite était devenu même surveillant ici à l'école, il est décédé. Donc Monsieur Kounta était directeur là-bas. Puisque l'école venait de naître il y avait pas beaucoup de moyens, il y a le maire de Ngékhokh, l'ancien maire de Ngékhokh, puisque c'est un maire, il a des relations. Il lui a dit je vous mets en rapport pour pouvoir les aider, puisque c'est son talibé (disciple). Puis l'association vient ici et commence à aider les élèves, surtout vu qu'ils n'étaient pas sûrs sur la cantine, pour l'achat des fournitures etc.
Finalement quand on a créé le Collège, Monsieur Kounta aussi est devenu par la suite le surveillant ici, il n'était plus directeur, il était surveillant dans l'établissement, c'était le premier surveillant. Finalement il a proposé au principal qui était venu, Monsieur Sow, Kalidou Sow qui est à Thiés maintenant, on veut parler à l'association pour qu'il puisse venir à l'école et faire la même chose que ce qu'elle a fait à l'école élémentaire, pour qu'ils puissent nous aider. Parce qu'à l'époque on n'avait que les classes là, quatre, cinq salles de classes, toilettes y a plus rien. L'école c'était ça au début. Il y avait même pas de mur, il y avait cinq salles comme ça, les toilettes et c'est fini. Il y avait rien.
Donc l'école avait besoin d'énormément de choses, il y avait même pas d'eau, il y avait même pas d'électricité, les tables bancs il y'en avait pas assez et tout ça. Maintenant on peut les contacter et comme ça ils peuvent nous aider sur des choses puisque ici c'est l'Etat. On écrit à chaque fois pour dire ce qui manque, on vous promet mais on ne vous donne jamais. On ne peut pas aussi croiser les bras donc il faut voir des partenariats etc. Finalement on a contacté l'association pour leur demander de venir voir ce qu'ils peuvent faire pour l'école et tout. Ils sont venus, ils ont regardé l'école, des fois ils étaient étonné de voir comment est qu'on peut créer une école où il y a pas d'eau, il y a même quelqu'un qui m'a dit qu'en France on ne peut pas imaginer, la première chose à faire c'est quand des gens se regroupent quelque part, il faut de l'eau. Mais on ne peut pas regrouper plus d'une centaine d'élèves plus de cent élèves dans un endroit où il n'y'a même pas d'eau.
Donc comment on va faire pour utiliser les toilettes, comment on va… Ils disent qu'ils vont penser sur ça pour voir comment ils vont faire pour nous amener l'eau ensuite d'autres. Pour un premier temps c'était ça, l'eau. Ensuite ils vont voir qu'est-ce qu'ils vont faire ensuite. Mais bon, comme ils ont été bien accueillis, ils ont dit que bon, parce qu'ils étaient venus une première fois ici, c'était en 2003, au tout début de l'école. Mais ils ont trouvé un principal qui était là, qui était « ibadou rahman ». Ibadou rahman, c'est un peu, comme cela que nous appelons les salafistes, ils sont un peu fondamentaliste comme ça. Lui, il était ibadou rahman avec une barbe et tout ça, il ne saluait pas les filles, etc. Quand ils sont venus ici, puisque dans la délégation des filles, il y a des femmes, il n'a pas voulu donner la main aux dames. Anna en faisait partie, ce qui fait qu'ils ont été frustrés. Te tendre la main, tu ne veux pas prendre !
Quand maintenant ils sont retournés, ils disent qu'il n'était pas question d'aider l'école parce qu'ils ne veulent même pas nous donner leur main. Après ils ont fait blackout sur l'école. En 2006, maintenant qu'on a dit il y a un nouveau principal qui est venu, il n'est pas comme ça, il faut revenir pour voir, ils ont accepté. Ils ont été bien accueillis et tout, finalement ils ont commencé à nous aider. Au début, ils ont amené l'électricité, pardon l'eau pour qu'au moins les élèves puissent avoir de l'eau. Il fallait aller jusque dans les villages avec un âne, sur une charrette pour chercher de l'eau etc., pour avoir l'eau à l'école. Et maintenant, ils ont dit que puisqu'ici la plupart des élèves venaient de, à trois kilomètres, il y'en a qui étaient même à cinq kilomètres, ils venaient ensuite, rentraient à midi des fois pour revenir à 15h, rentrer à …
Donc c'était un peu difficile, finalement ils ont dit que même certains quand ils rentraient, quand ils descendaient à 12h, ils ne rentraient pas, donc ils restaient ici sous l'arbre qui était là. Des fois ils achètent des cacahuètes pour manger en attendant 16h pour faire cours jusqu'à 18h. Des fois à 18h aussi, soit ils marchaient ou bien même s'ils prennent une voiture ils peuvent rester jusqu'à des fois 20h pour avoir une voiture. Des fois ils arrivent chez eux à 22h moins. Ce qui fait que c'était dangereux, ils n'avaient pas le temps d'apprendre leurs leçons, bon parce qu'ils étaient fatigués. Finalement on a dit que ça, ça ne peut pas continuer il faut trouver quelqu'un qui puissent nous aider à avoir au moins une cantine comme ça là on pourra sortir à midi, et entre midi et midi trente, les élèves vont manger etc. un peu, on continue jusqu'à 16h, 15h et là on rentre une bonne fois pour toute. Ça veut dire qu'ils vont venir peut-être une fois, rentrer aussi une fois, ils auront aussi le temps de se reposer, de manger, d'apprendre leurs leçons. Finalement l'association aussi nous a aidées dans ce sens-là en créant une cantine. Maintenant comme la cantine, ils n'ont pas beaucoup de moyens pour tout le monde, ils vont créer une cantine mais là ça sera au moins pour les élèves, il aura une priorité, des élèves qu'on va choisir pour faire partie de la cantine.
C'était les élèves-là qui travaillaient bien et aussi qui appartenaient à des familles un peu déshéritées. Il fallait choisir ces gens-là. Les élèves qui travaillaient et qui appartenaient à des familles où ils n'avaient pas beaucoup de moyens. Il y'en a qui avaient des familles au moins, on peut leur donner un morceau de pain quand ils viennent, ils peuvent manger ça à midi. Mais il y'en a qui n'avaient rien, des fois il y'en a qui ne pouvaient même pas s'inscrire. Ils ont dit pour ces élèves-là, ils vont payer leur inscription. En plus quelqu'un qui ne peut pas s'inscrire des fois aussi il aura des problèmes pour acheter des fournitures. Maintenant ils ont dit donc, ils vont non seulement les inscrire en début d'école ensuite ils vont leur acheter des fournitures et maintenant donner de l'argent pour la cantine.
Comme ça ces élèves-là seront pris en charge presque totalement par l'association. Et depuis 2006, ils prennent ces élèves-là, généralement le nombre augmente à chaque fois parce qu'il y a des gens aussi…C'est une association de parrainage en même temps, ils se font parrainer par des français, des françaises qui donnent l'argent pour les fournitures, la cantine et tout ça. Maintenant eux ils se chargent de l'amener, et de donner à chacun ce qui lui appartient pour qu'au moins ces élèves-là puissent au moins être dans des conditions plus favorables.
Maintenant on a vu qu'après cela il y a des répercutions dans les résultats scolaires. Les élèves ont travaillé mieux et ça avait créé aussi de l'émulation chez certains qui voulaient aussi faire partie de la cantine parce qu'après, ils ont dit que bon, puisque […] pour que, les critères sociaux c'était un peu difficiles, des fois on nous demandait de choisir ce qui était plus favorable, mais des fois quelqu'un venait dire que bon ça c'est mon fils, c'est mon neveu comme en Afrique. Ça me mettait un peu mal à l'aise, bon finalement j'ai demandé est ce qu'on ne pouvait pas choisir ces élèves là sur la base de leur, sur une base beaucoup plus objective, c'est-à-dire sur la base de leur performance. Là ça sera beaucoup plus, je serai beaucoup plus à l'aise quand on dit que les meilleurs seront parrainés, ils feront partie de la cantine, les meilleurs. Ils feront les compositions en classe on aura les résultats, sur la base des résultats on pourra dire que voilà les élèves qui sont choisis et là personne ne pourra contester et dire …
Maintenant ceux qui voudront en faire partie, on leur dira tout simplement de travailler bien, faites tout pour faire partie de ces élèves là et on va choisir. Ça a créé des élèves, maintenant ça a créé un peu quelque chose comme une concurrence etc. Chacun veut en faire partie et ça nous a aidés pour avoir d'assez bons résultats, des résultats plus ou moins bons par rapport à la moyenne nationale souvent au BFEM, ou bien à la moyenne au niveau du département. On se comporte bien au BFEM. Ce qui fait que l'association, maintenant pour le volet, le parrainage souvent aussi les parrains envoient de façon ponctuelle, ils envoient des fois de l'argent à leur filleuls, des fois ils envoient quelque chose quand quelqu'un vient de France, des fois ils donnent des habits, des t-shirts, c'est-à-dire des objets, des fois des livres etc. à leur partenaire, il y'en a même qui ont continué jusqu'à présent à parrainer leur filleul jusqu'à l'université. Il y'en a qui sont allés jusqu'à l'université et jusqu'à présent ils ont payés leur frais d'inscription à l'université. Des fois ils les ont même promis d'acheter des ordinateurs portables pour les aider, parce qu'il leur faut avoir ça. Pour dire que bon vraiment, ils nous ont aidés sur beaucoup de choses.
Ensuite ils ont permis d'avoir une photocopieuse parce que même pour avoir des bulletins de compositions, on écrivait tout et ça prenait du temps. Quand ils ont vu ça aussi, ils avaient écrit une lettre, à l'unanimité et tout et au niveau de notre conseil d'administration, ils l'ont lu, ils ont dit que d'accord, la photocopieuse est indispensable. Parce qu'il fallait aller à Thiès, souvent j'amenais mes bagages, je photocopiais là-bas, ensuite ramenais ici. Des fois c'était nombreux et c'était cher aussi. Finalement, ils nous ont acheté une photocopieuse neuve à 680 000 F [CFA], ils nous ont donnés aussi une imprimante et un ordinateur au début, là on a commencé même à, on travaille beaucoup plus facilement. Même pour remplir les bulletins, on le fait en quelques minutes alors que des fois on prenait une semaine pour remplir les bulletins de nos élèves parce qu'on les prenait un à un, on écrivait, on signait.
Maintenant avec la machine, on met les notes, la machine fait tout, ce qui fait que maintenant en une journée, moi je viens ici en une journée, je remplis toutes mes… J'ai quatre ou cinq classes, je remplis toutes mes cinq classes et j'en ai terminé. Comme ça les délais sont écourtés, on tient nos conseils de classes à temps. Vraiment, ils nous ont aidés, ils nous ont même ensuite donnés un autre ordinateur. Ensuite il y a une association américaine qui veut nous offrir encore d'autres ordinateurs, cinq, avec des tables de bureau qu'ils nous ont donnés. Je pense que l'association, c'est l'association du révérend Saluven. Je pense que l'association est appelée comme ça, Révérend Saluven. Je pense que c'est ça le nom. Parce qu'aussi ils sont passés il y a quatre ans ou cinq ans. Maintenant, ils nous ont offert les tables de bureau, cinq ordinateurs, cinq tables de bureau, aussi une imprimante plus l'autre que nous avions, ça nous a un peu aidé aussi à commencer à… Même la cantine là aussi, ils ont aidé à construire la salle, cette salle là pour pouvoir préparer etc. Cette école-là, l'essentiel de ce qui est fait ici, c'est l'association, même les murs, les romans que les élèves doivent lire. Souvent ils nous ont donnés l'argent, on achetait les romans pour que les élèves puissent lire. Les manuels qu'on utilise, les manuels en anglais, en français. Ils nous ont aidés beaucoup sur ça, achat de manuels, achat de livres, l'achat de romans, l'achat des ordinateurs et tout ça.
24:09: MGN: Et dans la cantine, qu'est-ce qu'il y a à manger ? Et est ce qu'il y a des femmes qui viennent préparer? Comment est-ce que ça fonctionne?
Il y a une dame, c'est la surveillante, Madame Kounta, c'est de la famille, son père est l'actuel Khalife. Elle est surveillante ici, c'est elle qui est chargée de la cantine. Finalement dans la cantine, on dit comme ici elle, elle a une bonne chez elle, femme de ménage, maintenant on lui donne de l'argent, maintenant elle vient ici pour préparer pour les élèves. Comme on a dit que pour préparer en grand morceau on veut préparer les plats africains parce qu'ici souvent, les élèves mangent du riz au poisson, mafé etc., c'est un peu difficile d'en préparer pour un grand nombre. Finalement on a opté pour les repas qu'on peut préparer très rapidement puisqu'il y a du temps, les élèves doivent aller à l'école. C'est pourquoi maintenant on cuisine des sandwiches à base de corned-beef, ou bien des sardines, thons, donc souvent on varie, soit aujourd'hui c'est le corned-beef, demain c'est thon. On en a acheté un stock et à chaque fois on vend des sandwiches avec, comme ça c'est beaucoup plus rapide à préparer, aussi ils mangent rapidement et on peut regagner nos classes.
25:25: MGN: Oui, et si j'ai bien compris, il y a une différence entre l'appui qu'on peut faire aux élèves et le parrainage. C'est-à-dire, il y a certains élèves qui ont un appui par exemple pour l'inscription et d'autres qui sont parrainés. Et quelle exactement est la différence de choix etc.?
Ceux qui sont parrainés, c'est-à-dire, ces élèves-là qui sont pris en charge pour leur inscription, pour la cantine etc. ce sont ces élèves-là, parce que c'est leur parrain qui cotise, qui donne ça. Donc l'association rend l'argent, chaque parrain choisit, il faut me choisir un élève en tel classe. On choisit, on leur propose des noms, les élèves écrivent des lettres, on les donne aux parrains. Maintenant, selon le parrain, chaque parrain donne sa cotisation pour l'inscription, la cantine et les fournitures. Donc globalement on leur fixe un montant, ils donnent ça pour sa filleule ou son filleul. Maintenant, l'association envoie ça on donne ça à l'élève. Maintenant, la partie qui concerne la cantine on garde ça dans le compte de l'école au niveau du Crédit Mutuel, comme ça là aussi on achètera les stocks de sardines et tout ça, qu'on laisse maintenant selon le stock, parce qu'il y a les dépenses journalières qu'on fait c'est-à-dire les oignons et ingrédients, vinaigre etc. On achète ça presque mensuellement, chaque fois aussi que c'est fini, on achète encore, donc ce qui fait que l'argent pour la cantine on garde ça pour l'achat des…
Maintenant, l'argent pour les inscriptions, on met ça aussi dans l'argent de l'école concernant aussi le budget de fonctionnement. Et pour les fournitures, on achète les fournitures, à l'époque moi, je venais ici à Thiès, on allait ensemble, moi j'habite à Thiès, il y a une librairie à Thiès, ils vont là-bas, on va faire la commande, on achète tout et ils viennent avec moi amener ça à l'école. Ça après on va distribuer, chaque élève va avoir son lot de fournitures. C'est comme ça qu'on faisait. Maintenant après, c'est eux qui viennent, je leur dit maintenant vous pouvez acheter ça depuis Somone ou bien même vous pouvez acheter ça et amener ça directement à l'école. Ça vaut mieux qu'aller à Thiès, revenir. Bon, finalement depuis presque cinq ans ils achètent ça maintenant à Somone, ils viennent directement ici. Maintenant après, nous on se charge maintenant de distribuer ça aux élèves parrainés.
27:53: MGN: Et puisque vous dites que l'appui est à la base ou en fonction de la performance d'un élève, est-ce que ça veut que il n'y a pas d'élèves qui ont un appui durant la première année au collège?
Oui, ça veut dire que durant la première année il y'avait pas d'appui. On choisissait à partir de la cinquième parce que je leur avais dit que, puisque c'est moi qui choisis ici, des fois, bon, les élèves, ils viennent de l'école primaire, je ne les connais pas, je ne connais pas leur performance, donc je ne pourrai pas choisir. Souvent on choisit en cinquième, quatrième, troisième. Maintenant, j'ai dit si on choisit quelqu'un aussi en troisième, des fois ce n'est même pas bon pour l'école parce qu'en troisième, il fait une année, s'il a le BFEM, il part. Finalement, j'ai dit je préfère quelqu'un qui est en sixième ou cinquième. Au moins il reste à l'école, l'école en tire des bénéfices [contrairement à] quelqu'un qu'on choisit en troisième, il obtient son BFEM, il s'en va. Le parrain peut ne plus parrainer etc.
Finalement ils ont dit ça aussi c'est la meilleure idée de choisir maintenant à partir de la sixième ou cinquième. Maintenant comme aussi la sixième, ils viennent d'arriver, souvent je ne les connais pas, la plupart des élèves venus de cinquième, comme ça cinquième, sixième. A ceux qui sont en sixième, soit on leur fait comprendre le projet comment ça marche et tout, pour les inciter à travailler pour au moins l'année prochaine pouvoir faire partie des élèves là. Mais à partir de cette année-là, souvent certains écrivent et vous disent « je veux un élève en classe de sixième ». Un parrain, il écrit une lettre et il dit qu'il faut me choisir un élève en classe de sixième. Puisque nous aussi, nous ne pouvons pas, c'est eux qui choisissent, c'est eux qui aident donc on ne peut que respecter leur choix. Finalement là on va être obligé de choisir des élèves de sixième, là je viens pour poser des questions, des fois on est obligé de voir l'instituteur ou bien quelqu'un qui connait, des fois on te dit que c'était un bon élève.
On choisit, c'est-à-dire là aussi c'est plus arbitraire parce qu'on ne connait exactement pas l'élève. Des fois même ça nous arrive, moi j'ai eu à choisir certains élèves mais après je me suis rendu compte que si c'était à refaire je ne vais pas les choisir. Parce que c'était au début, je les ai vus, ils étaient enthousiastes, ils participaient aux cours et comme ça, finalement quand il fallait choisir, j'ai demandé on m'a dit « oui, oui, bon, ils se débrouillent bien ». Je les ai choisis mais j'ai vu qu'après les compositions, pour voir les notes, il y'en a presque deux ou trois que j'ai choisis, mais ils n'ont même pas eu la moyenne, une moyenne de neuf virgule et quelques, alors que les autres ont 13, 14, il y'en a même qui ont eu des moyennes de 17, alors qu'on a certains qui ont une moyenne de 18 en sixième qu'on n'a pas du tout choisi. Il y a eu une élève qui, c'est d'ailleurs la meilleure moyenne de tout l'établissement, il a eu une moyenne de 18,51 et on ne l'a pas du tout choisi. D'abord lui, il est très bien dans toutes les matières, dans toutes les matières c'est un élève qui se comporte très bien, ensuite c'est un élève qui, aussi, vit dans des conditions un peu défavorables. On ne le connaissait pas, mais il a fallu attendre la fin voir que pourtant c'est un, il a une moyenne de 18,5.
Aucun élève ne l'a jamais eu depuis qu'on a créé l'école et il n'a pas du tout été, et ça m'a un peu fait mal. Parce que je sais que, du point de vue de sa moyenne, on devrait le choisir et puis aussi il vit des conditions un peu difficiles. Donc il a tous les critères pour pouvoir être choisi. Finalement, je l'ai appelé pour lui dire, bon tu vas me donner ton nom et tout ça, comme ça l'année prochaine quand on va venir, qu'on va demander de choisir, tu seras le premier à être choisi parce que tu es le premier de l'école aussi. Pour dire donc que ce choix-là, on nous a demandé de choisir en sixième mais c'est un peu difficile en sixième parce qu'on ne connait pas leur performance. La première fois c'est quelqu'un qui te dit seulement oui bon, maintenant si ce quelqu'un-là veut simplement te pousser à choisir son, peut-être des fois c'est des amis, c'est des cousins etc. soit c'est la surveillante puisque c'est elle qui connait le village, moi je n'habite pas dans le village. Souvent je lui demande pour dire mais tel élève comment il est, elle me dit comme ça, comme ça.
Finalement, tu choisis sur la base de ce qu'elle t'a dit. Mais des fois, après tu vois que bon, ce n'était pas ça et on ne peut pas revenir en arrière parce que presque l'année est terminée. On attend un peu l'année prochaine pour voir si le parrain, parce que des fois il y a certains parrains si leur filleul ne travaille pas bien, ils vont écrire pour dire je veux un autre. Des fois il y'en a qui l'ont fait cette année, ils disent bon, choisissez moi un autre qui est en classe de tel. Là aussi bon, si l'élève, si quelqu'un n'est pas satisfait pour les résultats, il dit ça, on est obligé de choisir quelqu'un d'autre, s'il continue avec lui, là aussi c'est son choix.
32:21: MGN: D'accord, oui. Bon, Ismaïla et Anna, quand on leur a parlé hier, quand on a causé avec eux hier, ils ont vraiment exprimé leur pleine satisfaction avec Ndiassane et comment ça marche ici. Ils ont dit que vraiment, ils sont ravis. Ils ont beaucoup loué ce que vous faites ici. Ils sont très, très contents, il faut le dire. Euh, bon est-ce que vous avez un mot de la fin, pour conclure?
Mot de la fin, ce que je voulais dire c'est d'abord vous remercier pour peut-être ce que vous faites ; est-ce que ce n'est pas nous qui devrons le faire à votre place? C'est une question que je me pose. C'est-à-dire que ce que vous faites aussi, vous êtes à des milliers de kilomètres, Sénégal c'est loin, peut-être aux Etats Unis il y a des religions, comme ici il y a des sectes, on pouvait s'arrêter là-bas. Il y a beaucoup de choses à voir, mais si on vient jusqu'ici peut-être c'est pour rendre notre pays beaucoup plus visibles parce que Ndiassane ça fait partie du Sénégal. Ou peut-être vous qui quittez votre localité très loin avec, le temps et tout ça, les contraintes de temps aussi, le milieu, donc le changement climatique et tout ça, les intempéries, bon braver tout ça pour venir jusqu'au Sénégal rien que pour faire émerger quelque chose que peut-être les gens ne connaissaient pas, c'est quelque chose qui est louable. D'autant plus que ceci nous appartient à nous.
Donc moi ce que je veux dire, c'est pour dire simplement que moi la compréhension que j'ai pour le monde c'est une compréhension qui est un peu comme ça, globale. C'est-à-dire du moment où on est des êtres humains, on est humain, soit on l'est ou bien on ne l'est pas et moi je suppose qu'on l'est. Comme on est des êtres humains tout ce que l'humain peut faire pour son prochain, moi je pense que c'est quelque chose de salutaire. Moi je ne suis pas, mon père il est khadre, c'est-à-dire, il fait partie de cette communauté-là, moi je ne le suis pas. Et d'ailleurs, il a été le seul khadre de la famille, c'est-à-dire que nous sommes dans une famille de 11, il a eu 11 enfants, notre père il est le seul qui a été khadre.
Tout le reste, la plus grande partie c'est des tidianes. Moi je suis mouride. Pour dire que, pourtant c'est des gens que j'aime le plus au monde. Ce n'est pas cette différence-là qui fait que je vais, cette différence-là qui fait que mon frère est tidiane ou mon père est khadre, moi je suis mouride que je vais…, non, non c'est l'être que j'aime le plus au monde, ce sont des êtres qui me sont les plus chers. Donc pour dire que cette différence-là qui existe entre nous, mon père me disait simplement, parce que jamais il nous a demandé de venir parce qu'ici il y a des… Il dit que je suis là, tous mes enfants doivent être là, parce que c'est moi qui vous donne à manger etc., lui à chaque fois il nous laisse choisir librement comme ça. Des fois, il te pose des questions pour voir pourquoi tu fais ça et ça, tu l'expliques s'il est convaincu, il te dit c'est un bon chemin, tous les chemins mènent à Rome, l'essentiel c'est d'être dans le chemin. Moi ce que je veux, c'est que là où vous êtes, essayer de faire partie des meilleurs. Tu ne peux pas être dans un endroit où je me charge seulement de dire oui merci, je ne fais rien, je ne mets rien en pratique mais simplement de parler.
Mais là où vous êtes, essayer de faire partie des meilleurs. Que ce soit khadre, tidiane ou mouride, toutes ces voies-là mènent vers Dieu. Parce que les voies vers le Seigneur, ce n'est pas une seule voie. Dieu, il est là, soit on dit qu'il est partout, il est partout, donc ça veut dire qu'il voit tout, qu'il connait tout le monde. Moi souvent je dis, il n'est pas partout. Entre Dieu et nous c'est comme ça, c'est comme une boule qu'on a ici, je regarde la boule je vois tout ce qui se passe. S'il est partout, peut-être il se déplace, alors que lui il se déplace pas, donc il a un monde comme ça, il nous voit et il aide son monde. Dans l'Islam comme dans le Christianisme, on dit que Dieu dit que parmi tout ce qu'Il a créé, l'homme est la créature qu'Il aime le plus. Maintenant, chez nous même en Islam on dit que la famille dans le monde est ma famille préférée.
Et quel intérêt Dieu a-t-il à nous préférer? Nous n'avons rien fait pour Lui, nous ne pouvons rien Lui augmenter ou bien rabaisser. Donc ça veut dire, si en tant que Dieu il a de l'affection pour nous, de la compassion pour nous, pour moi c'est l'exemple qu'il nous donne pour nous dire que voilà ce que vous devez suivre, aimez-vous les uns les autres. Et le Christianisme ne dit pas autre chose. Et au Sénégal, on a la chance et cette chance-là, si vous regardez mes arrières-parents, ils sont originaires de Saint Louis, mes arrières-parents, la plupart c'est des chrétiens parce que le Christianisme est entré en premier au Sénégal et c'est aussi la première religion de plus 600 ans avant l'Islam. Donc ils sont venus en premier, les missionnaires sont venus en Afrique, ils se sont installés. Moi mes parents, mes arrières parents étaient des chrétiens de Saint Louis. Dans la famille, il y en a quelques qui sont restés jusqu'à présent des chrétiens. La grande majorité, ils sont des musulmans. Vous allez à Joal, c'est la même chose. Dans une même famille, le père ou bien son frère, il est musulman, on construit une mosquée ensemble.
Ça veut dire si on doit construire une mosquée tout le monde cotise, musulman comme chrétien on construit la mosquée. On construit une église tout le monde cotise, on le fait et c'est fini. A Ziguinchor c'est la même chose, les cimetières c'est un même cimetière, vous entrez ici on enterre les chrétiens, les musulmans, il y a pas de cloisonnement. Ce qui fait que c'est un bel exemple qu'on ne retrouve nulle part dans le monde. Ici la religion n'est pas un frein, ce n'est pas un obstacle pour nous. On a appris à vivre entre chrétiens, musulmans etc. Moi, là où j'habite, la plupart de mes voisins c'est des chrétiens et j'ai bien fait de choisir d'habiter avec eux. Quand j'habite avec eux, je me sens bien, ils ne me dérangent pas. Il me respecte et je leur rends ce respect-là. On n'est pas de la même religion. J'ai habité dans un endroit où peut-être ceux qui habitaient avec moi c'était des musulmans, mais ils me dérangeaient plus. C'était eux qui versaient l'eau devant ma porte alors que je n'avais rien à dire. Si tu dis quelque chose, ils disent que oui « moom day tubaab tubaab lu » ça veut dire qu'ils me disent oui il fait le blanc. Bon, souvent moi je me dis que quand tout ce qui est bon on l'attribue au blanc, chez nous des fois quand tu te comportes bien, tu salues bien on dit « moom day tubaab tubaab lu » ça veut dire qu'il fait le blanc.
Donc il faut accepter aussi que le blanc est meilleur ou bien que ce n'est pas quelque chose qui appartient seulement au blanc, mais à l'être humain en tant qu'être. Moi je dis donc, si on veut construire ce monde-là, il faut aller vers ça. Ça veut dire oublier, on ne peut pas forcer les gens à, Dieu a aimé son monde tel qu'il est. Moi je dis qu'il pouvait, Dieu est puissant et je pense qu'il l'est. Si Dieu est omniprésent et je pense qu'il l'est et si Dieu est omnipotent comme on le dit et je pense qu'il l'est, il pouvait faire en sorte que tout le monde soit blanc, il pouvait faire en sorte que tout le monde soit noir, il pouvait faire en sorte que tout le monde soit riche, il pouvait faire en sorte que tout le monde vive dans de bonnes conditions, ne tombe jamais malade, mais il ne l'a pas fait. C'est parce que c'est ça qui lui plait. Et je pense que cette diversité-là fait le charme du monde. Moi je me dis que si tout le monde était blanc dans ce monde, ça serait un monde qui n'est pas beau, si tout le monde était noir, ça serait un monde qui n'est pas beau. C'est comme si tout le monde était riche, qui va devenir ouvrier pour travailler pour qui que ce soit. Si tout le monde était riche donc personne ne va s'occuper de personne ce qui fait que chacun va vivre dans son vase clos, personne ne s'occupera de personne et ça ce n'est pas bon, ce n'est pas agréable.
L'homme a besoin de, nous avons besoin de vivre en communauté et pour vivre en communauté, il faut une différence. Maintenant nous devons essayer de vivre dans l'indifférence de nos différences. C'est-à-dire ne pas trop s'appesantir sur cette différence-là pour pouvoir créer un monde nouveau. Se dire que voilà les religions, peut-être l'homme a besoin de quoi? Nous avons un besoin de croire, même si on ne croit en rien, on croit en quelque chose c'est-à-dire on ne croit en rien, ça veut dire donc on a besoin de croire quelque part à quelque chose parce que c'est ça qui donne un sens à notre vécu, à notre monde, ce que nous croyons comme vrai. Les philosophes disent que la vérité on ne la connait pas, la vérité des fois même, est ce que c'est unique, n'est pas unique, ni univoque. Ce qui est vrai au Sénégal peut ne pas l'être aux Etats Unis.
Donc est-ce qu'il faut condamner les gens parce qu'ils sont d'une telle couleur, est-ce qu'il faut dire du mal des gens parce que celui-là il est de telle ethnie ou bien celui-là il n'est pas riche. Donc au Sénégal on a dépassé toutes ces choses-là depuis longtemps. Et moi je prie vivement chaque jour pour dire que je veux que ça continue pour des générations et des générations. Et ceux qui sont de l'étranger et qui viennent au Sénégal quand ils viennent ici, ils se sentent comme chez eux parce que c'est ça notre culture, c'est ça notre être profond. C'est-à-dire l'autre n'est pas autre, l'autre il est nous-mêmes. Peut-être il habite ailleurs parce que notre monde est un village, on dit que c'est un village tout le monde ne peut pas habiter dans la même chambre, dormir dans la même chambre. Il y en a qui vont habiter dans l'autre chambre, mais ça veut dire que l'autre, il n'est pas autre, il est nous-mêmes.
Maintenant, si on regarde l'autre comme moi-même des fois on ne le fera pas du mal. Des fois on va le respecter parce que celui qui se respecte ne va pas manquer de respect aux autres. Donc respectons tous ceux qui viennent, laissons les étrangers venir au Sénégal. Pour moi c'est un honneur parce qu'ils pouvaient dire que je n'ai rien à faire là-bas etc. Mais s'ils viennent ici, nous on dit que l'étranger, il est roi. Quand il vient, il est roi. Donc traitons-le comme un roi. C'est pourquoi ça aussi, jusqu'à présent ça continue. Nous voulons aussi que ça continue jusqu'à la fin des temps, que cela ne cesse jamais parce que c'est ça qui fait le charme de notre pays. Nous aussi, il y a beaucoup de gens qui aiment aller aux Etats Unis, au Sénégal on aime, les Sénégalais vous leur faites un sondage, vous leur demandez dans quel pays vous voulez aller. Vous allez voir que la plupart, je ne sais pas encore, ce n'est pas scientifique, mais c'est ce que je crois, ça veut dire que vous allez voir que peut-être le plus grand pourcentage vous diront nous voulons aller aux Etats Unis. Parce que c'est la première puissance au monde, les Etats Unis nous ont montré quelque chose, peut-être c'est comme un être humain, on ne peut pas être bon partout et toujours. Mais il y a des bons côtés des choses, c'est-à-dire ils nous ont apportés quelque chose à la civilisation humaine que personne d'autre n'a pu amener.
Vous savez que un pays où il y avait rien au début, il y avait rien. Quand des gens sont venus aujourd'hui on en a fait aujourd'hui une première puissance, c'est une prouesse. Aussi ces gens-là ont des valeurs qui permettent au monde d'avancer. C'est-à-dire ils croient au travail. Et on nous dit le travail, seul le travail paie, on a fait toute une philosophie autour du travail. Pour dire que si ces gens-là mettent en avant le travail, on a vu les résultats que cela a donnés, on doit se dire que donc c'est l'exemple à suivre. Il ne faut pas avoir honte de dire que voilà c'est l'exemple à suivre. Ces gens-là, ces gens qui aiment travailler. Bien que peut-être des fois ils leur arrivent de passer du bon temps, c'est comme ça. Mais quand il faut travailler, il faut travailler. Quand il faut jouer de la musique, il faut jouer de la musique. Mais chaque chose a son temps. Et eux ils font ça très bien. Ce qui fait qu'à chaque fois que nous les regardons faire aussi bien en matière de technologie et même en matière de politique des fois on se dit que voilà là où nous voulons arriver. Même en matière de politique arriver à un moment où le président puisse être, quand il est en faute par rapport au règlement, à la constitution à la loi fondamentale de notre pays, que ce président-là puisse être attrait devant les tribunaux pour maintenant rendre compte.
De plus en plus nos pays ont tout un ensemble d'organe pour dire que nous voulons ça et ça parce que c'est l'exemple qu'on nous montre. Que quel que soit votre puissance, si vous êtes même président des Etats Unis vous travaillez pour les Américains, quand vous travaillez pour les Américains, moi en quelque sorte je me dis que le président, on ne dit pas un homme de ménage peut-être, mais une femme de ménage qui est là. Mais est ce que cette personne-là, quand il doit même venir à Ndiassane, on doit mobiliser toute une communauté, les élèves vont laisser leurs cours et tout ça pour être sur la route pour applaudir et tout. On ne le fait pas aux Etats Unis, est ce que le président des Etats Unis peut prendre de l'argent comme ça et discuter avec moi et voilà je te donne ça ? Ça ne se fait pas. Il donne au nom du peuple américain. Nous recevons souvent des dons, mais moi je lis à chaque fois sur les sacs de riz ou bien quelque chose comme ça, on lit don du peuple américain.
Donc c'est le peuple américain qui donne ça au peuple sénégalais. Ça n'appartient pas au président du Sénégal, ce n'est pas donné par le président des Etats Unis. Ça veut dire que lui il n'a pas gardé de l'argent au palais ou à chaque fois appeler les gens de leur donner par ci par là. Mais nous on le fait jusqu'à présent. Maintenant est ce qu'il ne faut changer, ensuite voir ces exemples-là, c'est-à-dire que voilà là où nous devons arriver si nous voulons maintenant que chacun travaille. Et que chacun croit au travail mais pas peut-être corrompre quelqu'un, faire des choses qui n sont pas du tout catholiques pour gagner de l'argent. J'ai beaucoup d'estime pour les américains, beaucoup d'estime pour les américains, pour leur amour du travail, et pour leur amour du travail bien fait. Et de la persévérance, ça veut dire qu'ils commencent quelque chose, ils sont capables de faire ça sur 20 ans. Ils ne vont pas dire que je suis fatigué, ce que nous ne faisons pas nous. On dit souvent que l'homme noir ne peut pas sucer des bonbons. C'est un proverbe wolof qui dit ça, qui dit que l'homme noire ne peut pas sucer des bonbons, il les croque par impatience. Parce qu'un blanc, il peut prendre ça et sucer ça jusqu'à la fin. Mais nous on les croque parce qu'on ne peut pas attendre tout ce temps-là des fois. Et souvent, Dieu aime ceux qui endurent et ceux qui sont patients.
Je voulais terminer par ça, dire que nous sommes dans un village religieux, bon souvent la religion, dès qu'on dit Ndiassane les gens pensent à la religion, aussi les gens se comportent comme tel. Bon finalement nous aussi, des fois ça nous scotche un peu aussi à la religion. Ce qui fait que des fois on ne peut pas, tout ce que nous faisons on ne peut pas ne pas tenir compte de Dieu. Qu'est-ce qu'il a dit, qu'est-ce qu'il nous demande de faire par rapport à telle chose ou de telle autre? Pour au moins ne pas faire du mal aux autres. C'est pourquoi que je dis aussi c'est une communauté que j'aime bien. Les gens ici nous ont bien accueillis, moi je suis leur doyen. C'est-à-dire en matière de […], je suis celui qui a le plus idées ici. Tous ceux qui étaient là avec moi sont affectés ailleurs.
Depuis 2005 je suis là, dix ans presque, ce qui fait que bon je les connais. S'il y avait un problème peut-être, je vais aller ailleurs. Je me dis que si je dois quitter Ndiassane peut-être c'est pour aller chez moi, à Thiès, mais pas pour aller ailleurs ; pour être autre chose oui. Mais si je dois seulement être prof d'anglais, je préfère rester ici. Parce que les élèves travaillent mieux, par rapport aux autres élèves, ils sont plus ou moins disciplinés et tout ça on arrive à faire nos cours convenablement. Alors que ce n'est pas le cas dans d'autres écoles, surtout en ville. Maintenant de plus en plus avec la mondialisation et tout ça on a tendance à voir ce qui se fait ailleurs et vouloir faire la même chose. Quand un élève vient à l'école avec un couteau, qu'est-ce qu'il fait avec un couteau ? Souvent il y en a qui le font, des fois de temps en temps on dit que tel élève a poignardé son prof, son maître, il a fait comme ça. Donc pour dire que ça on ne l'avait jamais connu quand on était élève. C'était impensable, de plus en plus on entend peut-être des choses comme ça. Et là je pense que c'est avec la mondialisation et tout, le monde est devenu un village où tout ce qui se passent ailleurs on le connait à l'instant même. Les gens ont tendance à vouloir uniformiser tout. Tout le monde fait de la même façon. Je pense qu'à part ça, c'est un village agréable, les gens sont accueillants. Moi je fais mes cours correctement, les gens ont du respect pour vous, et vous aussi vous les rendez ça. Et ça, ça favorise un peu l'entraide, ça favorise un peu aussi le vivre ensemble.
48:02: MGN: Merci beaucoup. Merci pour l'interview et merci aussi pour votre travail ici et votre engagement, merci.
Merci beaucoup.
~~~~~~~
1 Brevet de fin d'études moyen, le diplôme qui donne accès au lycée.
00:01: Maria Grosz-Ngaté (MGN): Bonjour Monsieur Gaye, merci d'avoir accepté d'être interviewé pour ce projet. Pourriez-vous vous présenter: votre nom, votre occupation et depuis quand vous êtes à Ndiassane ?
Amadou Diagne Gaye: Je m'appelle Monsieur Amadou Diagne Gaye, je suis à Ndiassane depuis 2005, Octobre 2005, et je suis professeur d'anglais.
00:24: MGN: Merci, et à part vos fonctions comme professeur d'anglais, est-ce que vous avez d'autres responsabilités au niveau de l'école, ici au niveau du CEM ?
Au niveau du CEM, je suis le premier adjoint du Principal. Si le Principal n'est pas là, je suis chargé d'assurer l'intérim. Ensuite, je suis le gestionnaire de l'école, dans le conseil de gestion de l'établissement et en même temps je suis chargé du partenariat entre Ndiassane et l'association « Des Racines et des Hommes » basée en France, à Vichy.
00:59: MGN: Merci, et qu'est-ce que vous faites à l'égard de la gestion, qu'est-ce que ça veut dire?
Pour la gestion, vous savez que maintenant au Sénégal on avait institué le conseil de gestion des établissements pour rendre beaucoup plus transparente la gestion au niveau des collèges et des lycées. Maintenant, le principal, c'est lui qui est chargé, c'est lui, en tant que chef d'établissement qui est chargé de tout. Maintenant, on crée des organes pour au moins rendre les choses plus visibles, que chacun puisse savoir que l'argent qui entre à l'école est dépensé là où il doit être dépensé, au vu et au su de tout le monde. C'est pourquoi, au niveau de ce conseil, il y a le gestionnaire. C'est moi qui suis chargé de l'argent. Si l'argent rentre de dire voilà ce qui est rentré, et si ça sort aussi de notifier cela, de garder les reçus et tout ça et pouvoir maintenant après faire un bilan financier et contrôler et voir que voilà ce qu'on avait, maintenant [voilà] ce qui reste. Et ça aussi dans l'organe il y a des élèves qui sont représentés, il y a des parents d'élèves qui sont représentés, le principal, les professeurs aussi choisissent un représentant et puis les surveillants aussi ont un représentant.
02:11: MGN: Et les élèves que vous avez ici, qui viennent au collège, est-ce qu'ils sont tous de Ndiassane ou est-ce qu'ils viennent des villages des alentours aussi?
Les élèves viennent, il y a une grande partie de ces élèves-là qui viennent des villages environnants, mais la plupart viennent de Ndiassane. Au temps, au début, il y avait beaucoup qui venaient des villages environnants mais maintenant on a créé des collèges de proximité ce qui fait que certains, maintenant, ont des collèges dans leur localité. Mais jusqu'à présent il y a d'autres qui n'ont pas de collège dans la leur. Il y a certains, beaucoup plus proches, ce qui fait que maintenant ils viennent ici. Il y en a qui viennent de deux ou trois kilomètres pour venir faire le cours et puis rentrer.
02:53: MGN: D'accord. Et quel est l'effectif actuellement à peu près : les garçons, filles?
L'effectif, à peu près, moi je ne sais pas exactement les chiffres, mais je sais que l'effectif total envoisine 460. Je pense bien, pas encore 500, ça ne fait pas encore 500, peut-être l'année prochaine. Garçons et filles aussi, je n'ai pas encore les chiffres. Ça, c'est peut-être le principal qui a ça avec lui, les chiffres. Presque souvent, il y en a qui partent. Des fois, on peut avoir le chiffre en début d'année, il y en a qui vont être transférés d'autres, souvent, abandonnent ce qui fait qu'à chaque fois on a besoin d'actualiser pour avoir le nombre de filles et le nombre de garçons.
03:28: MGN: Oui, oui, et est-ce que l'effectif a augmenté depuis que vous êtes ici?
Oui, vous imaginez qu'au début, en 2003, je n'étais pas là parce que l'école a ouvert en 2003. Je suis venu en 2005, deux ans après. Mais moi, j'ai trouvé ici, il y avait 68 ou 69 élèves quand je venais d'arriver et on m'avait dit au tout début, il y avait neuf (9) élèves, seulement en classe de sixième. Mais maintenant comme ici les collèges ça se crée maintenant comme ça, on crée par progression. On a une sixième cette année, l'année prochaine ils vont faire la cinquième, d'autres vont venir en sixième, ils vont passer maintenant jusqu'à avoir le cycle complet. Ce qui fait que, moi, quand je venais ici, il y avait, une sixième, une cinquième et une quatrième, en tout ça faisait presque 68 ou 69 [élèves] en tout. Alors dans certaines écoles, dans une seule classe on pouvait retrouver 80 élèves. Mais maintenant, on envoisine presque 500 élèves, pour dire que ça a progressé depuis 2003 jusque-là.
04:27: MGN: D'accord, et est-ce que vous avez observé une évolution à l'école en tant que professeur? Maintenant, en général, est ce qu'il y a du changement et s'il y en a eu, de quelle sorte?
C'est-à-dire qu'au début aussi… même pour créer le collège, comme je n'étais pas là, peut être j'ai appris par ce qui étaient déjà là. Donc au début, les gens n'en voulaient pas déjà, parce que peut-être c'est un village religieux. Au Sénégal dans la plupart des villages religieux, les gens sont un peu réticents par rapport à l'école, surtout l'école française, l'école à l'occidental. Finalement, il y a beaucoup qui ne veulent pas faire entrer leurs élèves à l'école, surtout dans les villages, dans les pôles religieux comme Touba, comme Ndiassane, peut-être pas Tivaouane parce que Tivaouane c'est un cas particulier, ce n'est pas strictement religieux. Ça, c'était des villages créés par leur fondateur, maintenant les talibés se sont regroupés ce qui fait que c'est lui le chef, guide spirituel et en même temps presque temporel.
Peut-être à Tivaouane, bon, c'était un village des sérères quand Mame El Hadji Malick est venu, bon, ils lui ont donné une terre pour qu'il puisse s'installer, donc il ne pouvait pas être plus royaliste que le roi. Là, ils sont venus dans un endroit où il y avait personne. Lui, il était là pour pouvoir bénéficier de la quiétude et ça et maintenant adorer Dieu et ensuite les talibés sont venus et se sont installés, ils ont créés le village. Ce qui fait que ce fief-là, il est le chef de la localité. Donc souvent Touba est comme ça, Ndiassane est un peu comme ça, ce qui fait que maintenant dans ces pôles-là les gens sont un peu réticents par rapport à l'école parce que pour eux c'est un facteur de perdition, c'est un facteur de contre-valeur.
Donc on va enseigner à leurs enfants d'autres choses qui ne sont pas leurs valeurs, leur culture etc. ce qui fait que maintenant ici le problème aussi s'est posé. Quand il a fallu créer le collège, beaucoup ont dit non, non. C'est un village religieux, Ndiassane on la connait pour la religion et tout donc il n'est pas question qu'on y installe une école française. Mais puisque à l'époque, il y avait un directeur d'école, c'est Monsieur Kounta, lui il était le directeur de l'école primaire. Lui aussi, il s'est battu pour que l'on puisse avoir une école primaire d'abord, et ensuite il a été le directeur parce que, lui au moins il a fait l'école coranique ici, il a fait l'école française jusqu'à sortir et être instituteur.
Maintenant, finalement comme il fait partie de la famille, son père même a été Khalife, donc il s'est un peu battu pour qu'on crée l'école élémentaire. Mais ensuite, quand on a voulu avoir un CEM, parce que maintenant les élèves étaient à l'école élémentaire, une fois qu'ils ont l'entrée en sixième, il fallait maintenant aller au-delà de la sixième, il y avait pas de collège donc il fallait aller soit à Thiès ou à Tivaouane, donc sortir du village et c'était difficile. Maintenant, il s'est battu pour avoir un collège pour qu'aussi les enfants puissent rester toujours à Ndiassane et continuer leurs études. Donc, quand il a demandé ça, maintenant les gens n'en ont pas voulu mais lui aussi s'est battu pour.
Finalement, ils lui ont dit « même si on le fait, ce n'est pas ici », parce que même pour même avoir le site là pour installer l'école ça pose un problème. Finalement le site a été donné par la communauté rurale. Ça fait partie de la communauté rurale de Chérif Lô, ils ont dit qu'ils vont donner ça, puisqu'à Ndiassane on refuse de donner leur terre, ici ça leur appartient ils vont donner ici pour qu'on puisse construire le Collège. C'est pourquoi quand on a ouvert, il y avait neuf élèves, ils n'ont pas voulu amener leurs enfants, mais neuf élèves. Et puis jusque-là, plus de dix ans après, on voit qu'il y a 500 et quelques. Ça veut dire que, peut-être, ils ont été convaincus, que peut-être l'école à l'occident, à la française ce n'est pas une école pour créer des contre-valeurs mais c'est aussi une école pour construire un homme. C'est-à-dire un homme qui puisse vivre dans son environnement et qui puisse vivre ici comme ailleurs.
Donc il a fallu tenir ce discours-là pour que certains commencent à comprendre. Ils ont voulu que leurs fils viennent, ils ont des Kounta qui apprennent à l'école et pourtant ils apprennent l'école coranique. Cela ne les empêche pas de prier, ça ne les empêche pas de jeûner, de faire ce qu'ils doivent faire par rapport à la religion. Et puis maintenant de pouvoir aussi trouver quelque chose qui peut leur permettre de sortir de la vie parce que nous vivons sur terre, dans l'au-delà. Peut-être la religion c'est pour l'au-delà, le paradis n'est pas terrestre. Bon là, je me dis que puisque ce n'est pas terrestre, on ne peut pas créer un paradis sur terre, moi je n'y crois pas.
Donc peut-être s'il y a un paradis, il n'est pas là, il est là-bas, il est là, en haut. Ici on est des hommes, Dieu nous a créés aussi pour vivre en tant qu'hommes. Et maintenant, peut-être à l'épreuve de ce que nous faisons et tout, peut-être après, on nous jugera et après maintenant chacun saura qu'est-ce qui va s'en suivre. Mais restons hommes, restons humains sur terre parce qu'il dit que j'ai créé la terre pour vous, multipliez-vous, remplissez la terre et habitez dans cette terre là et maintenant vous êtes dotés d'intelligence, utilisez votre intelligence pour transformer votre monde. Ce n'est pas lui qui va venir et transformer ce monde-là pour nous. « Mais donc je vous ai doté d'intelligence qui est vraiment un moteur extraordinaire qui vous permettra, si vous l'utilisez à bon escient de transformer votre environnement et d'y vivre convenablement ».
Peut-être c'est ce que l'occident a compris. Il ne faut pas aussi rechigner à le dire, c'est-à-dire, moi je n'ai pas honte de dire peut-être oui, ils l'ont bien compris parce qu'ils ont transformé le monde. Pas plus qu'hier je discutais avec un ami et je lui disais que, entre guillemet « tubaab dal amna njëriñ », c'est en wolof pour dire que le toubab, il est utile. C'est-à-dire, s'il n'était pas là dans quel monde nous allions vivre, on aurait toujours des bougies et on aurait toujours, peut-être pour avoir l'eau potable ça va être difficile et tout ça et beaucoup d'autres choses qu'on peut donner. Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Et maintenant aussi, si vous n'êtes pas restés là à vous dire que voilà, ils nous ont montré le chemin, on peut être ce que nous sommes, c'est-à-dire musulmans et participer, à ce que le président Senghor disait, au rendez-vous du donner et du recevoir. Quand on reçoit, on doit toujours penser à donner aussi. Maintenant, on nous donne toujours, on invente tout, on crée tout, nous on n'est là, à chaque fois on dit non ça passera, c'est bon ce n'est pas bon.
Bon là, je dis encore une fois que l'école aussi, ici à Ndiassane, pour moi ça c'est un plus, ça ne peut pas être un moins par rapport à leur vécu. Et peut-être il y en a qui l'ont compris, c'est la famille d'abord qui refusait, il y a des Kounta, parce que c'est un village où la plupart c'est des Kounta, mais on voit que maintenant dans nos classes presque la plupart des élèves c'est des Kounta. Anna un jour, elle m'a dit dans le parrainage là, bon il y a beaucoup d'élèves sur la liste, leur nom c'est des Kounta, Kounta, Kounta et elle, puisqu'elle ne comprenait pas la sociologie du village, un jour on a discuté chez elle là-bas, elle m'a dit « mais comment se fait-il que vous, c'est vous qui choisissez ces élèves là, sur la base des critères bien définis. Mais à chaque fois on voit que c'est des Kounta qu'on choisit est-ce qu'il n'y a pas de favoritisme ? » Je dis non, non, c'est parce qu'au Sénégal les villages se construisent comme ça. Parce qu'il y a une base sociologique qui fait que souvent, il y a quelqu'un qui vient avec sa femme, un peu ses enfants, maintenant il est là tout seul. D'autres vont venir, ses parents et finalement même des fois on lui donne le nom de famille. On parle de Ndiobéne ça veut dire les Diop, Kanéne ça veut dire les Kane.
Donc ça veut dire que finalement on crée comme ça. Ça veut dire que quand vous venez dans ce village-là, la plupart des gens que vous allez rencontrer vont porter ce nom-là. Donc ça ne veut pas dire qu'il y a un choix arbitraire mais c'est la sociologie du village. Ça veut dire qu'il y a beaucoup de Kounta et quand on va choisir forcément il y aura beaucoup des Kounta. Même si on devait choisir un président de la république ici dans toute la localité ou bien des ministres, un gouvernement vous allez voir dans ce gouvernement beaucoup seraient des Kounta et ce n'est pas parce que c'est arbitraire, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de démocratie. Il y a une démocratie, mais on choisit aussi d'ajouter une certaine réalité sociologique, on ne veut pas faire fi de cette réalité-là.
Maintenant pour dire que si ces Kounta-là sont nombreux maintenant alors qu'au début c'est eux qui n'en voulaient pas, qui craignaient un peu, bon, maintenant ils sont un peu rassurés. Pour dire que ah bon, il y en a qui sont là, maintenant ils sont à l'université, y en a d'autres qui m'appelle parfois pour me dire qu'ils préparent leur master, d'autres qui me disent que des fois ils font la pharmacie, ils font leur deuxième année, troisième année, ils sont passés par là. Il y en a qui ont commencé à enseigner, donc ils ont commencé un peu à sentir l'utilité pour dire que on ne fabrique pas des hommes pour pervertir qui que ce soit mais on voulait en faire des citoyens et de bons citoyens Sénégalais, des gens qui peuvent apporter quelque chose à leur pays, quelque chose à leur communauté, une plus-value aussi à leur être, c'est-à-dire à eux-mêmes.
De plus en plus on voit que le nombre d'élève augmente chaque fois. Chaque année, on envoisine les 40 et quelques, cette année on envoisine les 500. On pense que l'année prochaine ça va aussi augmenter, les gens envisagent même d'en faire un lycée parce que si les élèves ont leur BFEM1, ils sont obligés d'aller encore soit à Tivaouane, de se déplacer. On veut qu'à partir de l'école maternelle, qu'un enfant puisse être à Ndiassane, faire ses cours à l'école maternelle, l'école primaire, l'école élémentaire, le lycée et peut-être pour sortir aller à Tivaouane, à Thiès, à Dakar ou à Saint Louis pour faire l'université.
13:11: MGN: Oui, bien, merci, c'est bien. Et puisque vous avez déjà entamé le sujet du parrainage à travers l'Association des Racines et des Hommes du Sénégal aussi ici, pourriez-vous décrire le parrainage et l'appui qu'apporte l'association selon votre observation et l'implication…vous-même vous êtes impliqué?
Le parrainage aussi, ça m'a trouvé sur place. Ça veut dire que je suis venu ici en 2005 et en 2006, ils sont venus. Au début le parrainage c'était entre l'école primaire et l'association. Parce qu'ils ont contacté Monsieur Kounta qui ensuite était devenu même surveillant ici à l'école, il est décédé. Donc Monsieur Kounta était directeur là-bas. Puisque l'école venait de naître il y avait pas beaucoup de moyens, il y a le maire de Ngékhokh, l'ancien maire de Ngékhokh, puisque c'est un maire, il a des relations. Il lui a dit je vous mets en rapport pour pouvoir les aider, puisque c'est son talibé (disciple). Puis l'association vient ici et commence à aider les élèves, surtout vu qu'ils n'étaient pas sûrs sur la cantine, pour l'achat des fournitures etc.
Finalement quand on a créé le Collège, Monsieur Kounta aussi est devenu par la suite le surveillant ici, il n'était plus directeur, il était surveillant dans l'établissement, c'était le premier surveillant. Finalement il a proposé au principal qui était venu, Monsieur Sow, Kalidou Sow qui est à Thiés maintenant, on veut parler à l'association pour qu'il puisse venir à l'école et faire la même chose que ce qu'elle a fait à l'école élémentaire, pour qu'ils puissent nous aider. Parce qu'à l'époque on n'avait que les classes là, quatre, cinq salles de classes, toilettes y a plus rien. L'école c'était ça au début. Il y avait même pas de mur, il y avait cinq salles comme ça, les toilettes et c'est fini. Il y avait rien.
Donc l'école avait besoin d'énormément de choses, il y avait même pas d'eau, il y avait même pas d'électricité, les tables bancs il y'en avait pas assez et tout ça. Maintenant on peut les contacter et comme ça ils peuvent nous aider sur des choses puisque ici c'est l'Etat. On écrit à chaque fois pour dire ce qui manque, on vous promet mais on ne vous donne jamais. On ne peut pas aussi croiser les bras donc il faut voir des partenariats etc. Finalement on a contacté l'association pour leur demander de venir voir ce qu'ils peuvent faire pour l'école et tout. Ils sont venus, ils ont regardé l'école, des fois ils étaient étonné de voir comment est qu'on peut créer une école où il y a pas d'eau, il y a même quelqu'un qui m'a dit qu'en France on ne peut pas imaginer, la première chose à faire c'est quand des gens se regroupent quelque part, il faut de l'eau. Mais on ne peut pas regrouper plus d'une centaine d'élèves plus de cent élèves dans un endroit où il n'y'a même pas d'eau.
Donc comment on va faire pour utiliser les toilettes, comment on va… Ils disent qu'ils vont penser sur ça pour voir comment ils vont faire pour nous amener l'eau ensuite d'autres. Pour un premier temps c'était ça, l'eau. Ensuite ils vont voir qu'est-ce qu'ils vont faire ensuite. Mais bon, comme ils ont été bien accueillis, ils ont dit que bon, parce qu'ils étaient venus une première fois ici, c'était en 2003, au tout début de l'école. Mais ils ont trouvé un principal qui était là, qui était « ibadou rahman ». Ibadou rahman, c'est un peu, comme cela que nous appelons les salafistes, ils sont un peu fondamentaliste comme ça. Lui, il était ibadou rahman avec une barbe et tout ça, il ne saluait pas les filles, etc. Quand ils sont venus ici, puisque dans la délégation des filles, il y a des femmes, il n'a pas voulu donner la main aux dames. Anna en faisait partie, ce qui fait qu'ils ont été frustrés. Te tendre la main, tu ne veux pas prendre !
Quand maintenant ils sont retournés, ils disent qu'il n'était pas question d'aider l'école parce qu'ils ne veulent même pas nous donner leur main. Après ils ont fait blackout sur l'école. En 2006, maintenant qu'on a dit il y a un nouveau principal qui est venu, il n'est pas comme ça, il faut revenir pour voir, ils ont accepté. Ils ont été bien accueillis et tout, finalement ils ont commencé à nous aider. Au début, ils ont amené l'électricité, pardon l'eau pour qu'au moins les élèves puissent avoir de l'eau. Il fallait aller jusque dans les villages avec un âne, sur une charrette pour chercher de l'eau etc., pour avoir l'eau à l'école. Et maintenant, ils ont dit que puisqu'ici la plupart des élèves venaient de, à trois kilomètres, il y'en a qui étaient même à cinq kilomètres, ils venaient ensuite, rentraient à midi des fois pour revenir à 15h, rentrer à …
Donc c'était un peu difficile, finalement ils ont dit que même certains quand ils rentraient, quand ils descendaient à 12h, ils ne rentraient pas, donc ils restaient ici sous l'arbre qui était là. Des fois ils achètent des cacahuètes pour manger en attendant 16h pour faire cours jusqu'à 18h. Des fois à 18h aussi, soit ils marchaient ou bien même s'ils prennent une voiture ils peuvent rester jusqu'à des fois 20h pour avoir une voiture. Des fois ils arrivent chez eux à 22h moins. Ce qui fait que c'était dangereux, ils n'avaient pas le temps d'apprendre leurs leçons, bon parce qu'ils étaient fatigués. Finalement on a dit que ça, ça ne peut pas continuer il faut trouver quelqu'un qui puissent nous aider à avoir au moins une cantine comme ça là on pourra sortir à midi, et entre midi et midi trente, les élèves vont manger etc. un peu, on continue jusqu'à 16h, 15h et là on rentre une bonne fois pour toute. Ça veut dire qu'ils vont venir peut-être une fois, rentrer aussi une fois, ils auront aussi le temps de se reposer, de manger, d'apprendre leurs leçons. Finalement l'association aussi nous a aidées dans ce sens-là en créant une cantine. Maintenant comme la cantine, ils n'ont pas beaucoup de moyens pour tout le monde, ils vont créer une cantine mais là ça sera au moins pour les élèves, il aura une priorité, des élèves qu'on va choisir pour faire partie de la cantine.
C'était les élèves-là qui travaillaient bien et aussi qui appartenaient à des familles un peu déshéritées. Il fallait choisir ces gens-là. Les élèves qui travaillaient et qui appartenaient à des familles où ils n'avaient pas beaucoup de moyens. Il y'en a qui avaient des familles au moins, on peut leur donner un morceau de pain quand ils viennent, ils peuvent manger ça à midi. Mais il y'en a qui n'avaient rien, des fois il y'en a qui ne pouvaient même pas s'inscrire. Ils ont dit pour ces élèves-là, ils vont payer leur inscription. En plus quelqu'un qui ne peut pas s'inscrire des fois aussi il aura des problèmes pour acheter des fournitures. Maintenant ils ont dit donc, ils vont non seulement les inscrire en début d'école ensuite ils vont leur acheter des fournitures et maintenant donner de l'argent pour la cantine.
Comme ça ces élèves-là seront pris en charge presque totalement par l'association. Et depuis 2006, ils prennent ces élèves-là, généralement le nombre augmente à chaque fois parce qu'il y a des gens aussi…C'est une association de parrainage en même temps, ils se font parrainer par des français, des françaises qui donnent l'argent pour les fournitures, la cantine et tout ça. Maintenant eux ils se chargent de l'amener, et de donner à chacun ce qui lui appartient pour qu'au moins ces élèves-là puissent au moins être dans des conditions plus favorables.
Maintenant on a vu qu'après cela il y a des répercutions dans les résultats scolaires. Les élèves ont travaillé mieux et ça avait créé aussi de l'émulation chez certains qui voulaient aussi faire partie de la cantine parce qu'après, ils ont dit que bon, puisque […] pour que, les critères sociaux c'était un peu difficiles, des fois on nous demandait de choisir ce qui était plus favorable, mais des fois quelqu'un venait dire que bon ça c'est mon fils, c'est mon neveu comme en Afrique. Ça me mettait un peu mal à l'aise, bon finalement j'ai demandé est ce qu'on ne pouvait pas choisir ces élèves là sur la base de leur, sur une base beaucoup plus objective, c'est-à-dire sur la base de leur performance. Là ça sera beaucoup plus, je serai beaucoup plus à l'aise quand on dit que les meilleurs seront parrainés, ils feront partie de la cantine, les meilleurs. Ils feront les compositions en classe on aura les résultats, sur la base des résultats on pourra dire que voilà les élèves qui sont choisis et là personne ne pourra contester et dire …
Maintenant ceux qui voudront en faire partie, on leur dira tout simplement de travailler bien, faites tout pour faire partie de ces élèves là et on va choisir. Ça a créé des élèves, maintenant ça a créé un peu quelque chose comme une concurrence etc. Chacun veut en faire partie et ça nous a aidés pour avoir d'assez bons résultats, des résultats plus ou moins bons par rapport à la moyenne nationale souvent au BFEM, ou bien à la moyenne au niveau du département. On se comporte bien au BFEM. Ce qui fait que l'association, maintenant pour le volet, le parrainage souvent aussi les parrains envoient de façon ponctuelle, ils envoient des fois de l'argent à leur filleuls, des fois ils envoient quelque chose quand quelqu'un vient de France, des fois ils donnent des habits, des t-shirts, c'est-à-dire des objets, des fois des livres etc. à leur partenaire, il y'en a même qui ont continué jusqu'à présent à parrainer leur filleul jusqu'à l'université. Il y'en a qui sont allés jusqu'à l'université et jusqu'à présent ils ont payés leur frais d'inscription à l'université. Des fois ils les ont même promis d'acheter des ordinateurs portables pour les aider, parce qu'il leur faut avoir ça. Pour dire que bon vraiment, ils nous ont aidés sur beaucoup de choses.
Ensuite ils ont permis d'avoir une photocopieuse parce que même pour avoir des bulletins de compositions, on écrivait tout et ça prenait du temps. Quand ils ont vu ça aussi, ils avaient écrit une lettre, à l'unanimité et tout et au niveau de notre conseil d'administration, ils l'ont lu, ils ont dit que d'accord, la photocopieuse est indispensable. Parce qu'il fallait aller à Thiès, souvent j'amenais mes bagages, je photocopiais là-bas, ensuite ramenais ici. Des fois c'était nombreux et c'était cher aussi. Finalement, ils nous ont acheté une photocopieuse neuve à 680 000 F [CFA], ils nous ont donnés aussi une imprimante et un ordinateur au début, là on a commencé même à, on travaille beaucoup plus facilement. Même pour remplir les bulletins, on le fait en quelques minutes alors que des fois on prenait une semaine pour remplir les bulletins de nos élèves parce qu'on les prenait un à un, on écrivait, on signait.
Maintenant avec la machine, on met les notes, la machine fait tout, ce qui fait que maintenant en une journée, moi je viens ici en une journée, je remplis toutes mes… J'ai quatre ou cinq classes, je remplis toutes mes cinq classes et j'en ai terminé. Comme ça les délais sont écourtés, on tient nos conseils de classes à temps. Vraiment, ils nous ont aidés, ils nous ont même ensuite donnés un autre ordinateur. Ensuite il y a une association américaine qui veut nous offrir encore d'autres ordinateurs, cinq, avec des tables de bureau qu'ils nous ont donnés. Je pense que l'association, c'est l'association du révérend Saluven. Je pense que l'association est appelée comme ça, Révérend Saluven. Je pense que c'est ça le nom. Parce qu'aussi ils sont passés il y a quatre ans ou cinq ans. Maintenant, ils nous ont offert les tables de bureau, cinq ordinateurs, cinq tables de bureau, aussi une imprimante plus l'autre que nous avions, ça nous a un peu aidé aussi à commencer à… Même la cantine là aussi, ils ont aidé à construire la salle, cette salle là pour pouvoir préparer etc. Cette école-là, l'essentiel de ce qui est fait ici, c'est l'association, même les murs, les romans que les élèves doivent lire. Souvent ils nous ont donnés l'argent, on achetait les romans pour que les élèves puissent lire. Les manuels qu'on utilise, les manuels en anglais, en français. Ils nous ont aidés beaucoup sur ça, achat de manuels, achat de livres, l'achat de romans, l'achat des ordinateurs et tout ça.
24:09: MGN: Et dans la cantine, qu'est-ce qu'il y a à manger ? Et est ce qu'il y a des femmes qui viennent préparer? Comment est-ce que ça fonctionne?
Il y a une dame, c'est la surveillante, Madame Kounta, c'est de la famille, son père est l'actuel Khalife. Elle est surveillante ici, c'est elle qui est chargée de la cantine. Finalement dans la cantine, on dit comme ici elle, elle a une bonne chez elle, femme de ménage, maintenant on lui donne de l'argent, maintenant elle vient ici pour préparer pour les élèves. Comme on a dit que pour préparer en grand morceau on veut préparer les plats africains parce qu'ici souvent, les élèves mangent du riz au poisson, mafé etc., c'est un peu difficile d'en préparer pour un grand nombre. Finalement on a opté pour les repas qu'on peut préparer très rapidement puisqu'il y a du temps, les élèves doivent aller à l'école. C'est pourquoi maintenant on cuisine des sandwiches à base de corned-beef, ou bien des sardines, thons, donc souvent on varie, soit aujourd'hui c'est le corned-beef, demain c'est thon. On en a acheté un stock et à chaque fois on vend des sandwiches avec, comme ça c'est beaucoup plus rapide à préparer, aussi ils mangent rapidement et on peut regagner nos classes.
25:25: MGN: Oui, et si j'ai bien compris, il y a une différence entre l'appui qu'on peut faire aux élèves et le parrainage. C'est-à-dire, il y a certains élèves qui ont un appui par exemple pour l'inscription et d'autres qui sont parrainés. Et quelle exactement est la différence de choix etc.?
Ceux qui sont parrainés, c'est-à-dire, ces élèves-là qui sont pris en charge pour leur inscription, pour la cantine etc. ce sont ces élèves-là, parce que c'est leur parrain qui cotise, qui donne ça. Donc l'association rend l'argent, chaque parrain choisit, il faut me choisir un élève en tel classe. On choisit, on leur propose des noms, les élèves écrivent des lettres, on les donne aux parrains. Maintenant, selon le parrain, chaque parrain donne sa cotisation pour l'inscription, la cantine et les fournitures. Donc globalement on leur fixe un montant, ils donnent ça pour sa filleule ou son filleul. Maintenant, l'association envoie ça on donne ça à l'élève. Maintenant, la partie qui concerne la cantine on garde ça dans le compte de l'école au niveau du Crédit Mutuel, comme ça là aussi on achètera les stocks de sardines et tout ça, qu'on laisse maintenant selon le stock, parce qu'il y a les dépenses journalières qu'on fait c'est-à-dire les oignons et ingrédients, vinaigre etc. On achète ça presque mensuellement, chaque fois aussi que c'est fini, on achète encore, donc ce qui fait que l'argent pour la cantine on garde ça pour l'achat des…
Maintenant, l'argent pour les inscriptions, on met ça aussi dans l'argent de l'école concernant aussi le budget de fonctionnement. Et pour les fournitures, on achète les fournitures, à l'époque moi, je venais ici à Thiès, on allait ensemble, moi j'habite à Thiès, il y a une librairie à Thiès, ils vont là-bas, on va faire la commande, on achète tout et ils viennent avec moi amener ça à l'école. Ça après on va distribuer, chaque élève va avoir son lot de fournitures. C'est comme ça qu'on faisait. Maintenant après, c'est eux qui viennent, je leur dit maintenant vous pouvez acheter ça depuis Somone ou bien même vous pouvez acheter ça et amener ça directement à l'école. Ça vaut mieux qu'aller à Thiès, revenir. Bon, finalement depuis presque cinq ans ils achètent ça maintenant à Somone, ils viennent directement ici. Maintenant après, nous on se charge maintenant de distribuer ça aux élèves parrainés.
27:53: MGN: Et puisque vous dites que l'appui est à la base ou en fonction de la performance d'un élève, est-ce que ça veut que il n'y a pas d'élèves qui ont un appui durant la première année au collège?
Oui, ça veut dire que durant la première année il y'avait pas d'appui. On choisissait à partir de la cinquième parce que je leur avais dit que, puisque c'est moi qui choisis ici, des fois, bon, les élèves, ils viennent de l'école primaire, je ne les connais pas, je ne connais pas leur performance, donc je ne pourrai pas choisir. Souvent on choisit en cinquième, quatrième, troisième. Maintenant, j'ai dit si on choisit quelqu'un aussi en troisième, des fois ce n'est même pas bon pour l'école parce qu'en troisième, il fait une année, s'il a le BFEM, il part. Finalement, j'ai dit je préfère quelqu'un qui est en sixième ou cinquième. Au moins il reste à l'école, l'école en tire des bénéfices [contrairement à] quelqu'un qu'on choisit en troisième, il obtient son BFEM, il s'en va. Le parrain peut ne plus parrainer etc.
Finalement ils ont dit ça aussi c'est la meilleure idée de choisir maintenant à partir de la sixième ou cinquième. Maintenant comme aussi la sixième, ils viennent d'arriver, souvent je ne les connais pas, la plupart des élèves venus de cinquième, comme ça cinquième, sixième. A ceux qui sont en sixième, soit on leur fait comprendre le projet comment ça marche et tout, pour les inciter à travailler pour au moins l'année prochaine pouvoir faire partie des élèves là. Mais à partir de cette année-là, souvent certains écrivent et vous disent « je veux un élève en classe de sixième ». Un parrain, il écrit une lettre et il dit qu'il faut me choisir un élève en classe de sixième. Puisque nous aussi, nous ne pouvons pas, c'est eux qui choisissent, c'est eux qui aident donc on ne peut que respecter leur choix. Finalement là on va être obligé de choisir des élèves de sixième, là je viens pour poser des questions, des fois on est obligé de voir l'instituteur ou bien quelqu'un qui connait, des fois on te dit que c'était un bon élève.
On choisit, c'est-à-dire là aussi c'est plus arbitraire parce qu'on ne connait exactement pas l'élève. Des fois même ça nous arrive, moi j'ai eu à choisir certains élèves mais après je me suis rendu compte que si c'était à refaire je ne vais pas les choisir. Parce que c'était au début, je les ai vus, ils étaient enthousiastes, ils participaient aux cours et comme ça, finalement quand il fallait choisir, j'ai demandé on m'a dit « oui, oui, bon, ils se débrouillent bien ». Je les ai choisis mais j'ai vu qu'après les compositions, pour voir les notes, il y'en a presque deux ou trois que j'ai choisis, mais ils n'ont même pas eu la moyenne, une moyenne de neuf virgule et quelques, alors que les autres ont 13, 14, il y'en a même qui ont eu des moyennes de 17, alors qu'on a certains qui ont une moyenne de 18 en sixième qu'on n'a pas du tout choisi. Il y a eu une élève qui, c'est d'ailleurs la meilleure moyenne de tout l'établissement, il a eu une moyenne de 18,51 et on ne l'a pas du tout choisi. D'abord lui, il est très bien dans toutes les matières, dans toutes les matières c'est un élève qui se comporte très bien, ensuite c'est un élève qui, aussi, vit dans des conditions un peu défavorables. On ne le connaissait pas, mais il a fallu attendre la fin voir que pourtant c'est un, il a une moyenne de 18,5.
Aucun élève ne l'a jamais eu depuis qu'on a créé l'école et il n'a pas du tout été, et ça m'a un peu fait mal. Parce que je sais que, du point de vue de sa moyenne, on devrait le choisir et puis aussi il vit des conditions un peu difficiles. Donc il a tous les critères pour pouvoir être choisi. Finalement, je l'ai appelé pour lui dire, bon tu vas me donner ton nom et tout ça, comme ça l'année prochaine quand on va venir, qu'on va demander de choisir, tu seras le premier à être choisi parce que tu es le premier de l'école aussi. Pour dire donc que ce choix-là, on nous a demandé de choisir en sixième mais c'est un peu difficile en sixième parce qu'on ne connait pas leur performance. La première fois c'est quelqu'un qui te dit seulement oui bon, maintenant si ce quelqu'un-là veut simplement te pousser à choisir son, peut-être des fois c'est des amis, c'est des cousins etc. soit c'est la surveillante puisque c'est elle qui connait le village, moi je n'habite pas dans le village. Souvent je lui demande pour dire mais tel élève comment il est, elle me dit comme ça, comme ça.
Finalement, tu choisis sur la base de ce qu'elle t'a dit. Mais des fois, après tu vois que bon, ce n'était pas ça et on ne peut pas revenir en arrière parce que presque l'année est terminée. On attend un peu l'année prochaine pour voir si le parrain, parce que des fois il y a certains parrains si leur filleul ne travaille pas bien, ils vont écrire pour dire je veux un autre. Des fois il y'en a qui l'ont fait cette année, ils disent bon, choisissez moi un autre qui est en classe de tel. Là aussi bon, si l'élève, si quelqu'un n'est pas satisfait pour les résultats, il dit ça, on est obligé de choisir quelqu'un d'autre, s'il continue avec lui, là aussi c'est son choix.
32:21: MGN: D'accord, oui. Bon, Ismaïla et Anna, quand on leur a parlé hier, quand on a causé avec eux hier, ils ont vraiment exprimé leur pleine satisfaction avec Ndiassane et comment ça marche ici. Ils ont dit que vraiment, ils sont ravis. Ils ont beaucoup loué ce que vous faites ici. Ils sont très, très contents, il faut le dire. Euh, bon est-ce que vous avez un mot de la fin, pour conclure?
Mot de la fin, ce que je voulais dire c'est d'abord vous remercier pour peut-être ce que vous faites ; est-ce que ce n'est pas nous qui devrons le faire à votre place? C'est une question que je me pose. C'est-à-dire que ce que vous faites aussi, vous êtes à des milliers de kilomètres, Sénégal c'est loin, peut-être aux Etats Unis il y a des religions, comme ici il y a des sectes, on pouvait s'arrêter là-bas. Il y a beaucoup de choses à voir, mais si on vient jusqu'ici peut-être c'est pour rendre notre pays beaucoup plus visibles parce que Ndiassane ça fait partie du Sénégal. Ou peut-être vous qui quittez votre localité très loin avec, le temps et tout ça, les contraintes de temps aussi, le milieu, donc le changement climatique et tout ça, les intempéries, bon braver tout ça pour venir jusqu'au Sénégal rien que pour faire émerger quelque chose que peut-être les gens ne connaissaient pas, c'est quelque chose qui est louable. D'autant plus que ceci nous appartient à nous.
Donc moi ce que je veux dire, c'est pour dire simplement que moi la compréhension que j'ai pour le monde c'est une compréhension qui est un peu comme ça, globale. C'est-à-dire du moment où on est des êtres humains, on est humain, soit on l'est ou bien on ne l'est pas et moi je suppose qu'on l'est. Comme on est des êtres humains tout ce que l'humain peut faire pour son prochain, moi je pense que c'est quelque chose de salutaire. Moi je ne suis pas, mon père il est khadre, c'est-à-dire, il fait partie de cette communauté-là, moi je ne le suis pas. Et d'ailleurs, il a été le seul khadre de la famille, c'est-à-dire que nous sommes dans une famille de 11, il a eu 11 enfants, notre père il est le seul qui a été khadre.
Tout le reste, la plus grande partie c'est des tidianes. Moi je suis mouride. Pour dire que, pourtant c'est des gens que j'aime le plus au monde. Ce n'est pas cette différence-là qui fait que je vais, cette différence-là qui fait que mon frère est tidiane ou mon père est khadre, moi je suis mouride que je vais…, non, non c'est l'être que j'aime le plus au monde, ce sont des êtres qui me sont les plus chers. Donc pour dire que cette différence-là qui existe entre nous, mon père me disait simplement, parce que jamais il nous a demandé de venir parce qu'ici il y a des… Il dit que je suis là, tous mes enfants doivent être là, parce que c'est moi qui vous donne à manger etc., lui à chaque fois il nous laisse choisir librement comme ça. Des fois, il te pose des questions pour voir pourquoi tu fais ça et ça, tu l'expliques s'il est convaincu, il te dit c'est un bon chemin, tous les chemins mènent à Rome, l'essentiel c'est d'être dans le chemin. Moi ce que je veux, c'est que là où vous êtes, essayer de faire partie des meilleurs. Tu ne peux pas être dans un endroit où je me charge seulement de dire oui merci, je ne fais rien, je ne mets rien en pratique mais simplement de parler.
Mais là où vous êtes, essayer de faire partie des meilleurs. Que ce soit khadre, tidiane ou mouride, toutes ces voies-là mènent vers Dieu. Parce que les voies vers le Seigneur, ce n'est pas une seule voie. Dieu, il est là, soit on dit qu'il est partout, il est partout, donc ça veut dire qu'il voit tout, qu'il connait tout le monde. Moi souvent je dis, il n'est pas partout. Entre Dieu et nous c'est comme ça, c'est comme une boule qu'on a ici, je regarde la boule je vois tout ce qui se passe. S'il est partout, peut-être il se déplace, alors que lui il se déplace pas, donc il a un monde comme ça, il nous voit et il aide son monde. Dans l'Islam comme dans le Christianisme, on dit que Dieu dit que parmi tout ce qu'Il a créé, l'homme est la créature qu'Il aime le plus. Maintenant, chez nous même en Islam on dit que la famille dans le monde est ma famille préférée.
Et quel intérêt Dieu a-t-il à nous préférer? Nous n'avons rien fait pour Lui, nous ne pouvons rien Lui augmenter ou bien rabaisser. Donc ça veut dire, si en tant que Dieu il a de l'affection pour nous, de la compassion pour nous, pour moi c'est l'exemple qu'il nous donne pour nous dire que voilà ce que vous devez suivre, aimez-vous les uns les autres. Et le Christianisme ne dit pas autre chose. Et au Sénégal, on a la chance et cette chance-là, si vous regardez mes arrières-parents, ils sont originaires de Saint Louis, mes arrières-parents, la plupart c'est des chrétiens parce que le Christianisme est entré en premier au Sénégal et c'est aussi la première religion de plus 600 ans avant l'Islam. Donc ils sont venus en premier, les missionnaires sont venus en Afrique, ils se sont installés. Moi mes parents, mes arrières parents étaient des chrétiens de Saint Louis. Dans la famille, il y en a quelques qui sont restés jusqu'à présent des chrétiens. La grande majorité, ils sont des musulmans. Vous allez à Joal, c'est la même chose. Dans une même famille, le père ou bien son frère, il est musulman, on construit une mosquée ensemble.
Ça veut dire si on doit construire une mosquée tout le monde cotise, musulman comme chrétien on construit la mosquée. On construit une église tout le monde cotise, on le fait et c'est fini. A Ziguinchor c'est la même chose, les cimetières c'est un même cimetière, vous entrez ici on enterre les chrétiens, les musulmans, il y a pas de cloisonnement. Ce qui fait que c'est un bel exemple qu'on ne retrouve nulle part dans le monde. Ici la religion n'est pas un frein, ce n'est pas un obstacle pour nous. On a appris à vivre entre chrétiens, musulmans etc. Moi, là où j'habite, la plupart de mes voisins c'est des chrétiens et j'ai bien fait de choisir d'habiter avec eux. Quand j'habite avec eux, je me sens bien, ils ne me dérangent pas. Il me respecte et je leur rends ce respect-là. On n'est pas de la même religion. J'ai habité dans un endroit où peut-être ceux qui habitaient avec moi c'était des musulmans, mais ils me dérangeaient plus. C'était eux qui versaient l'eau devant ma porte alors que je n'avais rien à dire. Si tu dis quelque chose, ils disent que oui « moom day tubaab tubaab lu » ça veut dire qu'ils me disent oui il fait le blanc. Bon, souvent moi je me dis que quand tout ce qui est bon on l'attribue au blanc, chez nous des fois quand tu te comportes bien, tu salues bien on dit « moom day tubaab tubaab lu » ça veut dire qu'il fait le blanc.
Donc il faut accepter aussi que le blanc est meilleur ou bien que ce n'est pas quelque chose qui appartient seulement au blanc, mais à l'être humain en tant qu'être. Moi je dis donc, si on veut construire ce monde-là, il faut aller vers ça. Ça veut dire oublier, on ne peut pas forcer les gens à, Dieu a aimé son monde tel qu'il est. Moi je dis qu'il pouvait, Dieu est puissant et je pense qu'il l'est. Si Dieu est omniprésent et je pense qu'il l'est et si Dieu est omnipotent comme on le dit et je pense qu'il l'est, il pouvait faire en sorte que tout le monde soit blanc, il pouvait faire en sorte que tout le monde soit noir, il pouvait faire en sorte que tout le monde soit riche, il pouvait faire en sorte que tout le monde vive dans de bonnes conditions, ne tombe jamais malade, mais il ne l'a pas fait. C'est parce que c'est ça qui lui plait. Et je pense que cette diversité-là fait le charme du monde. Moi je me dis que si tout le monde était blanc dans ce monde, ça serait un monde qui n'est pas beau, si tout le monde était noir, ça serait un monde qui n'est pas beau. C'est comme si tout le monde était riche, qui va devenir ouvrier pour travailler pour qui que ce soit. Si tout le monde était riche donc personne ne va s'occuper de personne ce qui fait que chacun va vivre dans son vase clos, personne ne s'occupera de personne et ça ce n'est pas bon, ce n'est pas agréable.
L'homme a besoin de, nous avons besoin de vivre en communauté et pour vivre en communauté, il faut une différence. Maintenant nous devons essayer de vivre dans l'indifférence de nos différences. C'est-à-dire ne pas trop s'appesantir sur cette différence-là pour pouvoir créer un monde nouveau. Se dire que voilà les religions, peut-être l'homme a besoin de quoi? Nous avons un besoin de croire, même si on ne croit en rien, on croit en quelque chose c'est-à-dire on ne croit en rien, ça veut dire donc on a besoin de croire quelque part à quelque chose parce que c'est ça qui donne un sens à notre vécu, à notre monde, ce que nous croyons comme vrai. Les philosophes disent que la vérité on ne la connait pas, la vérité des fois même, est ce que c'est unique, n'est pas unique, ni univoque. Ce qui est vrai au Sénégal peut ne pas l'être aux Etats Unis.
Donc est-ce qu'il faut condamner les gens parce qu'ils sont d'une telle couleur, est-ce qu'il faut dire du mal des gens parce que celui-là il est de telle ethnie ou bien celui-là il n'est pas riche. Donc au Sénégal on a dépassé toutes ces choses-là depuis longtemps. Et moi je prie vivement chaque jour pour dire que je veux que ça continue pour des générations et des générations. Et ceux qui sont de l'étranger et qui viennent au Sénégal quand ils viennent ici, ils se sentent comme chez eux parce que c'est ça notre culture, c'est ça notre être profond. C'est-à-dire l'autre n'est pas autre, l'autre il est nous-mêmes. Peut-être il habite ailleurs parce que notre monde est un village, on dit que c'est un village tout le monde ne peut pas habiter dans la même chambre, dormir dans la même chambre. Il y en a qui vont habiter dans l'autre chambre, mais ça veut dire que l'autre, il n'est pas autre, il est nous-mêmes.
Maintenant, si on regarde l'autre comme moi-même des fois on ne le fera pas du mal. Des fois on va le respecter parce que celui qui se respecte ne va pas manquer de respect aux autres. Donc respectons tous ceux qui viennent, laissons les étrangers venir au Sénégal. Pour moi c'est un honneur parce qu'ils pouvaient dire que je n'ai rien à faire là-bas etc. Mais s'ils viennent ici, nous on dit que l'étranger, il est roi. Quand il vient, il est roi. Donc traitons-le comme un roi. C'est pourquoi ça aussi, jusqu'à présent ça continue. Nous voulons aussi que ça continue jusqu'à la fin des temps, que cela ne cesse jamais parce que c'est ça qui fait le charme de notre pays. Nous aussi, il y a beaucoup de gens qui aiment aller aux Etats Unis, au Sénégal on aime, les Sénégalais vous leur faites un sondage, vous leur demandez dans quel pays vous voulez aller. Vous allez voir que la plupart, je ne sais pas encore, ce n'est pas scientifique, mais c'est ce que je crois, ça veut dire que vous allez voir que peut-être le plus grand pourcentage vous diront nous voulons aller aux Etats Unis. Parce que c'est la première puissance au monde, les Etats Unis nous ont montré quelque chose, peut-être c'est comme un être humain, on ne peut pas être bon partout et toujours. Mais il y a des bons côtés des choses, c'est-à-dire ils nous ont apportés quelque chose à la civilisation humaine que personne d'autre n'a pu amener.
Vous savez que un pays où il y avait rien au début, il y avait rien. Quand des gens sont venus aujourd'hui on en a fait aujourd'hui une première puissance, c'est une prouesse. Aussi ces gens-là ont des valeurs qui permettent au monde d'avancer. C'est-à-dire ils croient au travail. Et on nous dit le travail, seul le travail paie, on a fait toute une philosophie autour du travail. Pour dire que si ces gens-là mettent en avant le travail, on a vu les résultats que cela a donnés, on doit se dire que donc c'est l'exemple à suivre. Il ne faut pas avoir honte de dire que voilà c'est l'exemple à suivre. Ces gens-là, ces gens qui aiment travailler. Bien que peut-être des fois ils leur arrivent de passer du bon temps, c'est comme ça. Mais quand il faut travailler, il faut travailler. Quand il faut jouer de la musique, il faut jouer de la musique. Mais chaque chose a son temps. Et eux ils font ça très bien. Ce qui fait qu'à chaque fois que nous les regardons faire aussi bien en matière de technologie et même en matière de politique des fois on se dit que voilà là où nous voulons arriver. Même en matière de politique arriver à un moment où le président puisse être, quand il est en faute par rapport au règlement, à la constitution à la loi fondamentale de notre pays, que ce président-là puisse être attrait devant les tribunaux pour maintenant rendre compte.
De plus en plus nos pays ont tout un ensemble d'organe pour dire que nous voulons ça et ça parce que c'est l'exemple qu'on nous montre. Que quel que soit votre puissance, si vous êtes même président des Etats Unis vous travaillez pour les Américains, quand vous travaillez pour les Américains, moi en quelque sorte je me dis que le président, on ne dit pas un homme de ménage peut-être, mais une femme de ménage qui est là. Mais est ce que cette personne-là, quand il doit même venir à Ndiassane, on doit mobiliser toute une communauté, les élèves vont laisser leurs cours et tout ça pour être sur la route pour applaudir et tout. On ne le fait pas aux Etats Unis, est ce que le président des Etats Unis peut prendre de l'argent comme ça et discuter avec moi et voilà je te donne ça ? Ça ne se fait pas. Il donne au nom du peuple américain. Nous recevons souvent des dons, mais moi je lis à chaque fois sur les sacs de riz ou bien quelque chose comme ça, on lit don du peuple américain.
Donc c'est le peuple américain qui donne ça au peuple sénégalais. Ça n'appartient pas au président du Sénégal, ce n'est pas donné par le président des Etats Unis. Ça veut dire que lui il n'a pas gardé de l'argent au palais ou à chaque fois appeler les gens de leur donner par ci par là. Mais nous on le fait jusqu'à présent. Maintenant est ce qu'il ne faut changer, ensuite voir ces exemples-là, c'est-à-dire que voilà là où nous devons arriver si nous voulons maintenant que chacun travaille. Et que chacun croit au travail mais pas peut-être corrompre quelqu'un, faire des choses qui n sont pas du tout catholiques pour gagner de l'argent. J'ai beaucoup d'estime pour les américains, beaucoup d'estime pour les américains, pour leur amour du travail, et pour leur amour du travail bien fait. Et de la persévérance, ça veut dire qu'ils commencent quelque chose, ils sont capables de faire ça sur 20 ans. Ils ne vont pas dire que je suis fatigué, ce que nous ne faisons pas nous. On dit souvent que l'homme noir ne peut pas sucer des bonbons. C'est un proverbe wolof qui dit ça, qui dit que l'homme noire ne peut pas sucer des bonbons, il les croque par impatience. Parce qu'un blanc, il peut prendre ça et sucer ça jusqu'à la fin. Mais nous on les croque parce qu'on ne peut pas attendre tout ce temps-là des fois. Et souvent, Dieu aime ceux qui endurent et ceux qui sont patients.
Je voulais terminer par ça, dire que nous sommes dans un village religieux, bon souvent la religion, dès qu'on dit Ndiassane les gens pensent à la religion, aussi les gens se comportent comme tel. Bon finalement nous aussi, des fois ça nous scotche un peu aussi à la religion. Ce qui fait que des fois on ne peut pas, tout ce que nous faisons on ne peut pas ne pas tenir compte de Dieu. Qu'est-ce qu'il a dit, qu'est-ce qu'il nous demande de faire par rapport à telle chose ou de telle autre? Pour au moins ne pas faire du mal aux autres. C'est pourquoi que je dis aussi c'est une communauté que j'aime bien. Les gens ici nous ont bien accueillis, moi je suis leur doyen. C'est-à-dire en matière de […], je suis celui qui a le plus idées ici. Tous ceux qui étaient là avec moi sont affectés ailleurs.
Depuis 2005 je suis là, dix ans presque, ce qui fait que bon je les connais. S'il y avait un problème peut-être, je vais aller ailleurs. Je me dis que si je dois quitter Ndiassane peut-être c'est pour aller chez moi, à Thiès, mais pas pour aller ailleurs ; pour être autre chose oui. Mais si je dois seulement être prof d'anglais, je préfère rester ici. Parce que les élèves travaillent mieux, par rapport aux autres élèves, ils sont plus ou moins disciplinés et tout ça on arrive à faire nos cours convenablement. Alors que ce n'est pas le cas dans d'autres écoles, surtout en ville. Maintenant de plus en plus avec la mondialisation et tout ça on a tendance à voir ce qui se fait ailleurs et vouloir faire la même chose. Quand un élève vient à l'école avec un couteau, qu'est-ce qu'il fait avec un couteau ? Souvent il y en a qui le font, des fois de temps en temps on dit que tel élève a poignardé son prof, son maître, il a fait comme ça. Donc pour dire que ça on ne l'avait jamais connu quand on était élève. C'était impensable, de plus en plus on entend peut-être des choses comme ça. Et là je pense que c'est avec la mondialisation et tout, le monde est devenu un village où tout ce qui se passent ailleurs on le connait à l'instant même. Les gens ont tendance à vouloir uniformiser tout. Tout le monde fait de la même façon. Je pense qu'à part ça, c'est un village agréable, les gens sont accueillants. Moi je fais mes cours correctement, les gens ont du respect pour vous, et vous aussi vous les rendez ça. Et ça, ça favorise un peu l'entraide, ça favorise un peu aussi le vivre ensemble.
48:02: MGN: Merci beaucoup. Merci pour l'interview et merci aussi pour votre travail ici et votre engagement, merci.
Merci beaucoup.
~~~~~~~
1 Brevet de fin d'études moyen, le diplôme qui donne accès au lycée.
Transcript: Download (198 KB)
Courtesy of Maria Grosz-Ngaté
Related Essay
Education And DevelopmentCreator: Gaye, Amadou Diagne
Grosz-Ngaté, Maria
Grosz-Ngaté, Maria
Contributing Institutions: Maria Grosz-Ngate; MATRIX: Center for Digital Humanities and Social Sciences at Michigan State University
Description: Amadou Diagne Gaye has been teaching English at the Collège (Middle School) of Ndiassane since 2005. At the time of the interview he was also vice-principal, a member of the school’s Management Council, and the coordinator of the partnership with the Association des Racines et des Hommes.
Mr. Gaye discusses the history of the partnership; its contributions; the sponsorship of children by families of St. Benoît Catholic School in Moulin, France; his own responsibilities; the evolution of the school, including some of the challenges over time; and the school’s student body. Mr. Gaye concludes the interview with his reflections on human and cross-national relationships, religious and ethnic diversity, and personal responsibility.
Interview conducted in French by Maria Grosz-Ngaté. Transcribed by Gana Ndiaye.
Date: June 20, 2015
Date Range: 2010-2019
Location: Ndiassane, Thies, Senegal
Format: Audio/mp3
Language: French
Rights Management: For educational use only.
Digitizer: Maria Grosz-Ngaté