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Cheikh Bou Diop, Ndiassane, 27-12-2007
Contemporary Dynamics of the Bou Kounta Qadiri Community
By Maria Grosz-Ngaté
Cheikh Bou Diop, Ndiassane, 27-12-2007
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Entretien: Cheikh Bou Diop, Ndiassane, le 27 Décembre 2007
00:00 Madame Toba Diagne Haïdara (MH): Assalamou Alaikum1Cheikh Bou Diop. D'abord nous excusons des éventuels désagréments que notre visite pourrait vous causer. Nous sommes venus dans le cadre des recherches que nous menons sur la confrérie Khadiriya. Les résultats de cette recherche sont destinés à la publication dans l'internet pour le bénéfice des étudiants chercheurs. Par conséquent, il fait partie de notre travail en amont, recueillir l'autorisation de publier les paroles ou les images des personnes que nous interrogeons. C'est pour cela que nous vous demandons votre accord au préalable.
01:41 Cheikh Bou Diop: Après avoir répondu à vos salutations, je tiens à préciser qu'en tant que fervent talibé de Bou Kounta, je m'intéresse à tout ce qui touche à la famille de Bou Kounta. Je suis l'homonyme de Cheikh Bou Kounta. Il est décédé en 1914 et moi je suis né en 1976. Le plus important est que moi, je ne crois qu'en lui. Et c'est seulement cette foi en lui qui permet d'expliquer ce que Bou Kounta incarne. A présent je vous donne mon accord.
2:29 MH: Pouvez-vous, après s'être présenté, nous parler de la généalogie de votre famille ?
Je m'appelle Cheikh Bou Diop. Je réside à Ndiassane. Je suis fils de Ndèye Marème Diop et mon père Papa Diop, est plus connu sous le nom de Médoune Diop. Ce dernier est fils d'Abdou Diop. Le père d'Abdou Diop [mon arrière-grand-père] qui fut un contemporain de Cheikh Bou Kounta s'appelait lui aussi Médoune. En plus, la mère de Mame Médoune qui s'appelait Sénéba Ndiaye fut mariée à Cheikh Bou Kounta et ils eurent un enfant nommé Abdou Rahmane Sénéba. Celui-ci fut chargé de diriger l'enseignement coranique chez Bou Kounta. Voici en bref notre généalogie.
03:22 MH: Votre grand-père a fini par s'installer à Ndiassane. Quelle relation existait-il entre lui et Cheikh Bou Kounta ?
Nous sommes originaires du Cayor, de Pire précisément. Mon arrière-grand-père fut un disciple de Cheikh Bou Kounta. Il s'appelait Ndéri. Puisque les Ndéri, on en compte plusieurs, je ne peux pas les nommer tous ici. Cependant on peut citer entre autres Ndéri Mati, Ndéri Yacine et Ndéri Madiguène Diop. Mon arrière-grand-père Ndéri avait une épouse du nom de Mame Sénéba Ndiaye, et de leur union est né Mame Médoune. Après la mort de Ndéri, Cheikh Bou épousa Mame Sénéba Ndiaye et ils s'installèrent à Ndiassane. Mon arrière-grand-père Mame Médoune entendait souvent les gens parler de Cheikh Bou. Aussi se rendait-il fréquemment à Ndiassane pour rendre visite à sa mère. C'est pendant ces visites récurrentes qu'il s'est rendu compte que Cheikh Bou était un véritable homme de Dieu. C'est ainsi qu'il décida de faire acte d'allégeance à ce dernier. Donc, au-delà de son statut de fils adoptif [enfant de sa conjointe], il devint aussi un disciple dévoué. C'est de cette manière que nous sommes liés à Ndiassane.
04:42 MH: Vous êtes célèbre en tant que chanteur principal de la famille Kounta. Comment êtes-vous parvenu à cette fonction ?
Je l'ai héritée de mon père. Chaque disciple a une manière particulière de servir son guide religieux. Autrefois, le métier de chanteur était réservé aux griots mais nous ne sommes pas des griots. Quand je suis venu au monde, mon père faisait déjà ce travail. Comme vous le savez chaque disciple à son rôle à jouer au sein de la confrérie. Puisqu'il est de coutume au Sénégal de réserver ce métier aux griots, il convient alors de poser la question de savoir les raisons qui nous poussent à chanter les éloges de Cheikh Bou Kounta. Notre rôle principal est de chanter le Prophète Mohammed. Et chanter Cheikh Bou Kounta équivaut à chanter Mohammed (PSL)2 Mon père a cessé de chanter quand il s'est rendu compte que moi aussi je chantais bien.
L'autre chose est que Cheikh Bou Kounta est mon homonyme. Ma naissance en 1976 coïncide avec le Khalifat d'un de ses fils. C'est cette année que Serigne Mamadou Kounta – le père du présent Khalife [Elhadji Mame Bou Mamadou] est décédé. Il fut remplacé par Cheikh Sidy Yakhya. Et c'est ce dernier qui m'a baptisé et m'a donné le nom que je porte aujourd'hui. Il a fait appeler mon grand-père et mon père aussi pour leur dire ceci: « J'ai appris que Ndèye Marième a eu un enfant de sexe masculin. Mon père demande à être le parrain de l'enfant ». C'est ainsi que le nom de Cheikh Bou Kounta me fut donné. J'ai grandi en ayant une foi très solide en Cheikh Bou Kounta. Je disais tout à l'heure qu'il est mort en 1914 et moi je suis né en 1976. Le fait que j'ai une si grande foi en lui en dépit du fait que je ne l'ai pas connu, est une bonne illustration de ce que signifie la foi. Par ailleurs, cela se voit à travers le fait que presque chaque sénégalais se réjouit d'entendre le nom de Mohammed (PSL). J'aime Cheikh Bou Kounta très profondément, et le seul moyen dont je dispose pour le manifester et propager son message, c'est ma voix que Dieu m'a donnée.
07:33 MH: Plusieurs chanteurs religieux chantent en wolof. Mais vous, vous chantez en arabe. Pourriez-vous nous parler un peu de votre cursus dans l'apprentissage de l'arabe qui vous a permis de produire de si belles chansons?
Pourtant, j'ai beaucoup écrit sur Cheikh Bou en langue wolof. Il est difficile de le croire mais je n'ai pas fait l'école arabe. Et ceci fait partie des merveilles de Cheikh Bou. Tous ceux qui écoutent mes chansons peuvent le confirmer. J'ai fréquenté l'école publique (en langue française). J'ai interrompu mes études quand je me suis subitement intéressé aux chansons religieuses. Cependant, ici à Ndiassane, envoyer son enfant à l'école coranique fait partie des devoirs fondamentaux d'un parent. Le peu que je connais en langue arabe est parti de là. Dieu soit loué, même si j'ai des difficultés à parler la langue, je lis couramment et j'arrive néanmoins à comprendre pas mal de choses dans une communication en arabe. En définitive, le fait de lire des chansons en arabe m'a permis de composer mes propres chansons avec l'aide de personnes instruites en arabe, car l'arabe est une langue avec l'une des grammaires les plus complexes. Mais l'essentiel de mes écrits est en langue wolof. Je chante la vie et l'œuvre de Cheikh Bou Kounta mais aussi celle de sa descendance. Ceci constitue à mon avis l'effort (jihad) que je déploie au service de la famille de Cheikh Bou Kounta. Toutes les chansons qu'on trouve dans mon répertoire sont le produit de ma propre imagination, de mon originalité.
09:44 : MH: La plupart de vos chansons proviennent donc de votre répertoire personnel ?
Tout à fait. C'est mon répertoire personnel.
09:47 : MH: Est-ce qu'il y a d'autres chansons parce que j'ai appris que Cheikh Sidy Lamine écrivait des chansons qu'il donnait à Cheikh Mamadou Mbodj. Puisque votre père était chanteur aussi, est-ce qu'il y a des chansons que Cheikh Sidy Lamine ou d'autres khalifes lui auraient donné et que vous avez toujours dans votre répertoire ?
Je n'ai pas d'informations concernant cela. Ce que je sais des guides, c'est qu'ils parlaient peu. Ils ne s'intéressaient pas à beaucoup de choses [mondaines] aussi. S'il s'agit de marque de la tarikha à savoir Soubhallah, wal hamdilah wa laa ilaaha illlah3, c'est Cheikh Sidy Lamine qui l'a créée. C'est devenu un signe distinctif de la famille Kounta. C'est ce qu'il chante tout le temps. Cheikh Sidy Lamine en est le compositeur. Cela fait partie aussi de nos chansons phares. C'est la seule chanson, à ma connaissance, que Cheikh Sidy Lamine (Que la miséricorde de Dieu soit avec lui) a composé.
11:08 : MH: Toujours, vous chantez les louanges de Cheikh Bou. Vous disiez tout à l'heure que chanter les louanges de Cheikh Bou est synonyme de chanter les louanges du prophète. Je voudrai savoir quel est le lien que vous avez établi entre les deux.
Cheikh Bou Mouhamed Kounta, nous devons prêter une attention particulière à cela, est apparenté au Prophète (PSL) à deux niveaux. En fonction de l'un ou de l'autre, il est petit-fils du Prophète ou qu'il a le même arrière-grand-parent que le Prophète. Pour que ça soit plus clair, je vais pouvoir détailler. Pour le démonter, Cheikh Bounama est le père de Cheikh Bou. Voilà le lignage. Cheikh Sidy Bécaye est le père de Cheikh Bounama. Cheikh Sidy Bécaye est le fils de Cheikh Sidy Mouhamed, qui est fils de Abderrahmane, qui à son tour est fils d'Ahmed Sahibou Nahame. Ahmed Sahibou Nahame est fils d'Abderrahmane, qui est fils d'El Hadji Aboubacar. El Hadji Aboubacar est fils de Cheikh Sidy Ahmadoul Bécaye. Ce dernier était de Walata. Son vrai nom est Sidy Ahmed. Le « Bécaye » qu'on ajoute au nom des Kounta est un surnom. « Bécaye » veut dire « celui qui pleure », al baaka. La raison est qu'un jour, il enseignait le Coran et vint en retard à la mosquée et perdit une raka. Il se mit à pleurer pour cette raka qu'il avait raté4. Cela vous montre combien les Kounta tiennent à la prière. Cette raka qui l'a échappé alors qu'il enseignait le Coran lui fit très mal et il pleurait à cause de cela jusqu'à sa mort. Même après son enterrement, il continuait à pleurer dans sa tombe. Quelques temps après, il eut une sècheresse à Walata. Un saint homme leur dit, « Il y a un saint qui a été enterré ici. Sa tombe se trouve dans une zone basse et elle risque d'être affectée s'il pleut. L'eau de ruissellement y amènerait des saletés et ce monsieur est un élu de Dieu. Si vous ne déplaçait pas son corps à la montagne, il ne va pas pleuvoir dans cette cité. Entre le jour où le saint disait cela et le jour du décès de Cheikh Sidy Ahmadoul Bécaye, il y a 100 ans, un siècle. Ils se dirent que ce n'est pas possible. Vous ne trouverez rien dans une tombe qui date d'un siècle. Ils ouvrirent la tombe et trouvèrent que même le linceul n'avait pas changé. Ils virent les larmes. C'est pourquoi Cheikh Sidy Makhtar dit que : Wa najlouhoo khad bakaa. Tishiina tadba ouha ajroul makhaafati raboul kawni moujdajiri, c'est-à-dire, le fils de Mouhamedoul Kountiyou a pleuré pendant 100 ans que son linceul ne change. Voilà pourquoi on surnomme Sidy Ahmadoul Bécaye al bakaa mais son vrai nom est Sidy Ahmed. Sidi Mouhamdoul Kountiyou est le père de Sidy Ahmadoul Bécaye. Il faudra aussi qu'on prête attention au mot Kounta, pour savoir s'il s'agit d'un nom de famille ou d'un prénom. Kounta est un prénom à vrai dire. On sait que les arabes, surtout pour quelqu'un de la famille du Prophète, n'ont traditionnellement pas de noms de famille. Ils disent tel fils de tel. Pourquoi dit-on Sidy Mouhamedoul Kountiyou ? Il était une grande personnalité et avaient des contacts. C'est pourquoi tous les rois qui étaient ses contemporains le respectaient. Il avait des relations avec Aboul Farisi, roi de Tunis (Malikoul Siratoul hafsiya) dans les années 1433. Il avait aussi des relations avec les Cheikhs berbères de Sanhaja ainsi que les arabes hassani. Un jour, un arabe du nom de Mouhamed Alime vit la fille de Mouhamedoul Kountiyou, Ahwa, et l'épousa. Mouhamed Alime faisait des pérégrinations dans le but d'adorer Dieu. Un jour, alors que sa femme était enceinte d'un mois, il mourut lors d'un de ses voyages. L'enfant naquit et on lui donna le nom de Sidy Mouhamed. Puisque l'enfant avait été élevé par son grand-père et que ce dernier se nomma Kounta, on appela l'enfant Sidy Mouhamed, fils de Kounta. Voilà l'origine du nom de famille Kounta que tout le monde utilise aujourd'hui. Ce Cheikh Mouhamed Kountiyou est le fils de Cheikh Sidy Ali, fils de Cheikh Sidy Yahya Sahir [Jr], fils de Cheikh Sidy Yahya al Kabir [Sr.], fils Cheikh Sidy Ousmane, fils de Dawmane, fils de Chakir, fils de Akhib, fils de Oukhabtoul Moustadiab. Oukhabtoul Moustadiab est celui qui a la baraka. C'est celui qui a introduit l'Islam en Afrique.
16:19 : MH: C'est lui que les blancs appellent Oukhba Ben Nafi.
Oukhba Ben Nafi, c'est ça. Oukhba Ben Nafi on l'appelle Al Moustadiab, « celui dont la prière a été exaucée ». A sa naissance, Safiyatou Bitou Moutalib – la tante du Prophète Mouhamed et la mère d'un compagnon de ce dernier du nom Zoubeyrou Ibnoul Awaam – l'amena auprès du Prophète et lui demanda de prier pour le nouveau-né. Le prophète fit une prière dans la bouche du nouveau-né et dit : « voilà celui dont la prière sera exaucée jusqu'au jour du jugement dernier ». Nous savons qu'Oukhba n'est pas immortel, donc nous savons que c'est sa descendance dont on faisait référence. Voilà pourquoi tous les Kounta ont la baraka. Oukhab est de même mère que deux autres sahaba [compagnons du prophète Mouhamed] : Omar Ibnou Aas a Sahni et Omar Ibn Ousata al Adawi. Leur maman s'appelait Nabihatou Bintou Harmalata. Oukhba ibn [fils de] Nafi, Nafi ibn Khaiss, ibn Loukhyata, ibn Oumaya, ibn Zarbr, ibn Kharis. Kharis est fils de Fihir, et Fihr est l'arrière-grand-père de dixième degré du Prophète Mouhamed. Voilà donc comment il a le même ancêtre que le Prophète. Vous avez Mouhamed [fils de] Abdallah, Moutalib, Hjim, Abdi Manaf, Houssai, Kilab, Mourata, Louhay, Kaab, Fikhr. Fihr est donc le point de convergence [entre le Prophète et Mouhamed Kountiyou] car à partir de lui c'est les même ancêtres : Fihr est Malick, fils de Danar ( ….)5. Voilà pourquoi on peut dire qu'il a le même ancêtre que le Prophète Mouhamed. Vu sous un autre angle, ce dernier est son arrière-grand-père. Il est toujours important de bien éclairer les choses, voilà pourquoi je dis tout ceci. Vu sous l'angle du père de Cheikh Bou, Cheikh Bounama, le Prophète est un arrière-grand-père à Cheikh Bou. La mère de Cheikh Bounama s'appelle Moumna Bintou Bajloul. Moumna est fille de Lahbib, fils de Seydi Sahir, fils de Mouhamed, fils de Seydi Aboubacar, fils Seydi Ibrahim, fils de Ousmane, fils de Moulaye Souleymane, fils de Seydi Mouhamed Moutadar, fils Abdou Samat, fils de Ouhibatou Lahi, fils de Ahmed Taib, fils de Oussouss, fils de Chamasoul Mahili, fils de Youssouf, fils de Assane, fils de Halal, fils de Moulaye Ibrahim, fils de Assane, fils de Alioune Seyfoul Houja, fils de Moulaye Zeydane, fils de Mouhamed Mahdine, fils Moulaye Abdoul Karim, fils de Hadil, fils de Imam Sarim, fils de Moulaye Ahmed, fils de Moulaye Abderrahmane, fils de Moulaye Yahya. Ce Moualaye Yahya est fils de Cheikh Abdou Khadre Zeilani. Cheikh Abdou Khadre Zeilani est fils de Moussa, fils de Abdoullah, fils de Yahya Zahir, fils de Mouhamed Sahir, fils de Dawoud, fils de Moussa, fils de Abdoullah, fils de Moussa al Jawni, fils de Abdoullah Hassanal Moussana, fils de Hassan. Hassane est le fils de la fille de prophète (PSL), Fatima Zahra. Le prophète est donc un arrière-grand-père de Cheikh Bou. Voilà pourquoi je vous ai dit que si vous nommez Cheikh Bou, vous avez par la même occasion nommé le prophète (PSL).
19:17: MH: Quelle est la source de cet arbre généalogique que vous venez de détailler ?
C'est Cheikh Sidy Mokhtar, dans son ouvrage qui s'intitule Louboul Albab Fi Khakhiti Lansaab, qui a fait la généalogie. C'est aussi quelque chose d'international. Le livre a été édité à Boulonwar. Partout où il y a un Kounta, que ce soit à la Mecque, à Tunis, au Niger, en Lybie, voilà son arbre généalogique dont la source est l'ouvrage que je viens de citer, Louboul Albab Fi Khakhiti Lansaab. L'ouvrage traite de généalogie.
19:57 : MH: Avez-vous une copie du livre qui a été édité à Boulonwar ?
C'est là que se trouve le problème. Le Cheikh a écrit beaucoup de livres et l'entretien qu'il y avait au début a diminué surtout que c'est une famille dans laquelle tout le monde est productif. Les bibliothèques sont récentes. Elles ont permis de garder les ouvrages et ont du matériel pour entretenir certains documents. Anciennement, chez les maures, ce n'était pas le cas. Vous avez des documents, ce sont vos enfants qui vont les hériter. Il y a des copies de certains ouvrages, mais moi je n'ai pas de copie de l'ouvrage.
20:40 : MH: Un historien du nom de Charles Becker était venu ici, il y a de cela longtemps. Il dit qu'il y avait ici une bibliothèque dans les années 60. Il demande à ce qu'on vérifie s'il y a toujours cette bibliothèque et où se trouve les ouvrages. Il dit qu'il y avait trouvé des livres. C'était à l'époque de Cheikh Sidy Lamine. Quand je venais ici en 1984, je n'avais pas vu de bibliothèque. Je vais continuer à demander. Je n'ai toujours pas d'information concernant cette bibliothèque.
Oui, il se peut que cette bibliothèque ait existé. C'est fort possible. Cheikh Sidy Lamine avait des endroits ou des objets dans lesquelles il pouvait garder des documents. C'est là toute la question. Il donnait une importance capitale au savoir car c'est une tradition dans cette cité. Cheikh al Bécaye, en son temps, valorisait beaucoup le savoir et cette tradition se perpétue de nos jours. Quoiqu'ils aient valorisé le savoir, il y a des choses qui n'existaient pas en leur temps. Aujourd'hui, il y a plusieurs façons de garder un livre afin qu'il soit disponible à tout le monde et facilement. Ils n'avaient pas les moyens que nous avons aujourd'hui. Ils écrivaient tout à la main. Il se peut que ces livres soient là, dans un endroit que je ne connais pas. Si on vous dit qu'il y avait une bibliothèque ici, c'est vrai. Cela remonte même à l'époque de Cheikh al Bécaye.
22:14 MH: Il [Becker] avait vu cette bibliothèque.
C'est donc localiser cette bibliothèque qui pose problème pour moi. Je ne sais pas où elle se trouve. Je suis trop jeune. (Rires)
22:25 MH: En tant que membre du mouvement des jeunes khadres, quel est l'objectif dudit mouvement ? Quel est l'intérêt de créer un mouvement à côté de la fédération des daaira? Bref, quelle appréciation faites-vous de ce mouvement des jeunes?
La jeunesse est une étape importante dans la vie d'un individu. Toutes les capacités, y compris celles de nuire sont réunies chez le sujet jeune. Compte tenu de cette réalité, le mouvement des jeunes existe depuis le temps de Cheikh Bou Mouhamed Kounta, qui a fondé Ndiassane en 1883. Son premier petit fils à accéder à la tête de la confrérie lui aussi se nomme Cheikh Mouhamed Kounta, mais il est plus connu sous le nom d'El-Hadj Mame Mouhamedou. Pour redynamiser le mouvement nous nous sommes réunis et avons discuté du rôle fondamental que la jeunesse a toujours joué en religion. Le Prophète Mohamed (PSL) donnait beaucoup d'importance à la jeunesse. Je veux [citer] pour exemple Ali Ibn Abii Taalib parmi tant d'autres qui ont embrassé la religion à la fleur de l'âge. C'est cette réalité qui nous a poussés à réfléchir sur la relève de nos parents dont la noblesse du travail accompli ne fait aucun doute. Sachant qu'ils ne seront pas avec nous éternellement, nous avons décidé de créer une association qui s'investi pour la cause de l'Islam d'abord, car Cheikh Bou nous invite à s'identifier à toute personne qui atteste une foi en Allah l'Unique, même si cette dernière vient avec l'intention de nous exploiter. C'est des choses qu'il a écrites et les écrits sont encore disponibles. C'est des paroles qu'on peut trouver dans l'une de ses œuvres les plus célèbres. Diafara Dramé, Alpha Drame, Abdou Karim Déme, Cheikh Malamine Senghor et Cheikh Mohamad Tandjigoro faisaient partie de ceux qui étaient chargés d'enregistrer par écrit les diverses déclarations de Cheikh Bou.
Ensuite vient le fait que l'association s'accroche à la confrérie Khadriya et s'éclaire des enseignements de Cheik Bou Kounta. Quand nous sommes allés recueillir l'avis de Bou Mouhamed Kounta qui est son représentant, il nous a répondu en relatant l'histoire du Prophète Mouhamed (PSL) quand son épouse Khadidia le conduisit chez Waraqah ibn Nawfal6, suite à la première apparition de Gabriel auprès de lui. Ibn Nawfal fit une analogie entre les signes de la prophétie de Moise et ce qu'il venait de constater chez Mouhamed (PSL). Ensuite il regretta son âge avancé en disant qu'il allait être parmi les premiers à suivre le Prophète Mouhamed s'il était encore dans sa jeunesse. A travers cette anecdote, Bou Mouhamed Kounta nous fit comprendre que s'il était de notre âge, il allait prendre la tête du mouvement. Cette rencontre avec le Cheikh m'a même donné l'inspiration d'une de mes chansons dans laquelle j'invite les personnes âgées à nous appuyer et à nous accompagner. Quand le mouvement fut mis sur pied, on me confia les affaires de la presse et de la propagande. A la suite de ma nomination à ce poste j'ai composé une chanson qui comporte des rimes en noun7, pour traduire notre engagement à répandre la confrérie au-delà des frontières du Soudan. Donc, le but de la création du Mouvement des Jeunes Khadres n'est rien d'autre que de contribuer à l'expansion de l'héritage de Cheikh Bou Kounta.
28:40 MH: Peut-on considérer que votre mouvement a contribué à la récente montée en puissance de la confrérie ? Est-ce que le mouvement a des projets dans le court terme?
Encore une fois, les merveilles de Bou Kounta se suffisent d'eux-mêmes. Cheikh Bou Kounta ne s'intéressait pas aux choses mondaines. Il n'a jamais quitté Ndiassane et pourtant chaque année on voit une affluence de gens en provenance du Mali, du Burkina et d'ailleurs, vers Ndiassane. Il ne s'intéressait qu'à la formation spirituelle des individus. Sa popularité qui ne cesse d'augmenter témoigne de la qualité de son œuvre, à l'image du Prophète Mouhamed (PSL) dont la renommée a connu une dimension sans précèdent après sa disparition. Nous voulons prendre le contrepied de ceux qui dissent qu'ils croient en Cheikh Bou Kounta tout en restant inactif. Notre mission consiste à amener les jeunes disciples à s'engager davantage au service de la confrérie pour perpétuer le sacrifice auquel leurs parents ont consenti auprès de Cheikh Bou Kounta. Quiconque adhère à cette cause ne le fait que pour son propre compte car Cheikh Bou Kouta a disparu depuis 1914 et pourtant les gens continuent à se recueillir auprès de sa tombe et voient leurs prières exaucées. Nous voulons rendre tout le monde fier de leur identité de disciple de Cheikh Bou Kounta. Telle est notre mission et nous avons la chance qu'elle coïncide avec l'avancée technologique. Nous avons eu des prédécesseurs parmi lesquels on peut citer Cheikh Modou Mbodj, Cheikh Karamokho Konaté, Cheikh Abdou Mbarka, Sidi Diakhaté qui avaient beaucoup plus de talents que nous mais qui n'avaient pas les moyens dont nous disposons aujourd'hui.
32:10 MH: La première organisation a vu le jour à Guediawaye, et c'est elle qui a évolué jusqu'à donner le mouvement actuel, n'est-ce pas ? On avait même souhaité rencontrer Papa Ndiaga Koné. C'est une personne ressource. Il fait partie de ceux qui ont grandi sous l'ombre des vertueux prédécesseurs.
Notamment des gens comme notre fameux père Sidy Koné. L'époque où ils étaient à Dakar, les temps étaient dures pour la famille de Ndiassane qui était sans ressources et sans soutien majeur. A cette époque, on chantait et on battait le tabala8. Mais le problème est qu'il y a des gens qui battent le tabala par imposture. Battre le tabala est une sounna9. On l'utilisait au temps du Prophète (PSL) pour annoncer le ralliement et le départ pour une guerre. J'ai même lu Léopold Sedar Senghor qui a parlé du tabala en tant que tambour de guerre. Je ne me souviens plus du titre du livre mais j'ai encore un souvenir très net de cela. C'est donc une tradition en Islam. Je dis que c'est une sounna car toute pratique faite en présence du Prophète sans qu'il s'y oppose est considérée comme étant une sounna, tout comme ce qu'il a accompli ou recommandé. Un jour, Aicha était en compagnie d'autres femmes et elles étaient en train de battre le tabala. Abou Bakr alla dire au Prophète ce à quoi elles s'adonnaient. Le Prophète alla vérifier puis ordonna à Abu Bakr de les laisser faire car il s'agissait d'un jour de fête. Donc, il n'y a pas de péché à battre le tabala pendant un jour de fête. On rapporte aussi que à la Medina Al Mounawwara10, les Ansars11 réservèrent un accueil chaleureux au Prophète (PSL) aux rythme du tabala battu par des femmes qui entonnaient des chansons, et ceci continua jusqu'au moment où son chameau s'agenouilla à Médine. El-Hadj Malick aussi aurait dit qu'il n'y a pas de péché à battre le tabala. Toute chose a son contexte mais aujourd'hui on constate qu'il y a des gens qui s'y mêlent et font quelque chose qui ressemble plutôt au sabar12. Je trouve que c'est du sabotage. Quiconque joue au tabala sans être à mesure d'interrompre à l'heure de la prière obligatoire, qu'il sache qu'il n'est aucunement lié à la famille Kounta. Chez nous, le tabala se joue dans la discipline. Le son est accompagné des paroles de façon mesurée. Mais quand il y a plus de bruit que de parole, ma foi, c'est plutôt du loisir.
36:58 MH: Y aurait-il des gens chargés de veiller sur la bonne pratique du tabala ?
Le contrôle existe bel et bien. A Bargny par exemple, il y avait des hommes expérimentés qui contrôlaient l'accord entre le battement du tabala et l'entonnement des paroles. Ce contrôle existe toujours à Ndiassane et je fais partie de ceux qui s'en chargent au sein du Daaira Nourou Cheikh Bou [La Lumière de Cheikh Bou Kounta]. Le daaira existe depuis le temps de Cheikh Bou et a continué d'exister au temps de Cheikh Sidy Lamine. Il fut créé, il y a longtemps, par nos prédécesseurs. Mais en un moment donné les choses ne marchaient plus normalement. Avec Cheikh Baye Bécaye Kounta, fils de Cheikh Bou Sidi Mokhtar Kounta, nous avons décidé de créer un daaira. Et immédiatement il proposa de m'en confier la direction. Je refusai catégoriquement et il finit par prendre lui-même la direction du daaira. Au fil du temps, j'ai fini par obtenir mon propre groupe diffèrent du daaira.
Il s'agit d'un groupe de personnes qui m'accompagnent en studio quand je dois produire une cassette ou lors des veillées religieuses. Le groupe est nommé « Beug Cheikh Bou », [Aimer Cheikh] et il est diffèrent du daaira mais reste sous l'égide de ce dernier. Il n'y a qu'un seul daaira à Ndiassane, il s'agit de Nourou Cheikh Bou. Par contre à Bargny, il y en a plusieurs. Cela est dû au fait que les quartiers sont éloignés les uns des autres. Mais le moment venu, ils se réunissent toujours autour d'un même objectif. Ils suivent tous sans exception le mot d'ordre du Mouvement des Jeunes Khadres qui est l'instance unificatrice. Chaque daaira a son uniforme pour marquer sa présence devant le marabout.
40:35 MH: Que pensez-vous des cellules? Sont-elles différentes des daairas ?
Les cellules sont des démembrements des daaira. Cependant, un membre de daaira n'est pas obligé d'appartenir à une cellule. L'important c'est d'être au service de la famille de Cheikh Bou Kounta.
41:18 MH: On nous dit souvent que Baye Sidy Lamine avait toujours pris ses distances par rapport au pouvoir temporel. Néanmoins, nos recherches révèlent que son père Cheikh Bou entretenait une certaine relation avec l'administration coloniale. Il aurait même soutenu financièrement certains dans leurs campagnes électorales car il était un homme plus ou moins prospère. En ce qui concerne Baye Sidy Lamine, il a aussi vécu à Saint Louis. A votre avis, n'y aurait-il pas un incident qui aurait provoqué une interruption de ses liens avec les colons?
Au lieu de ce que j'en sais, je dirais plutôt ce que j'en pense. Car quand on n'est pas témoin d'un fait, on ne peut que compter sur des faits relatés. Cheikh Sidy Lamine ressemble au fondateur de Ndiassane sur tous les plans. Cheikh était très respectueux des gens qui ont le sens de la responsabilité, mais il manifestait aussi beaucoup de prudence et de retenue surtout quand les intérêts de la religion sont susceptibles d'être menacés. Il était toujours prompt à répondre à tout appel pour le bien de l'Islam et de la confrérie. Il respectait l'être humain en soit mais avait toujours des réserves. Cheikh Bou Kounta parlait très peu mais était très actif. Cheikh Sidy Lamine venait de Saint Louis où il y avait une présence assez importante des français. Il y a des versions très corrompues de cette affaire. Il n'a jamais dit qu'il ne dialogue pas avec les blancs. Tout ce qu'il voulait c'est préserver sa religion et sa dignité mais n'avait aucune haine envers eux. Telle est ma compréhension de la situation et c'est exactement ce qu'on m'a raconté. Cependant, ses relations n'étaient pas aussi étroites qu'ont l'été celles de certains marabouts avec le pouvoir temporel. Tu sais sans doute que les hommes de Dieu maitrisent mieux le contexte dans lequel ils font leurs déclarations. Sérigne Touba par exemple avait l'habitude de dire que la sagesse envers les hommes de Dieu consiste à dire qu'ils sont qui ils sont, et moi je suis qui je suis. Peut-être à cause de sa dimension spirituelle Cheikh Sidy Lamine arrivait à s'éloigner des clinquants de ce bas monde et de tout ce qui paraissait futile. S'il émettait des réserves envers quiconque, c'est parce qu'il avait la capacité de comprendre, par la grâce de Dieu ce qu'incarnaient son vis à vis. Telle est ma vision de la situation.
49:42 MH: On constate par exemple qu'à Touba, au-delà du fait que tous les mourides vénèrent Sérigne Touba, il y a le fait que les gens ont parallèlement leurs marabouts personnels. On constate le même phénomène à Tivaouane également, où d'autant diront qu'ils sont disciples de Sérigne Babacar, d'El Hadj Malick etc. Ici à Ndiassane on ne parle que de disciple de Cheikh Bou.
Voilà une question très importante. Cheikh Bou Kounta appartient à une famille très noble. C'est une généalogie qui remonte jusqu'au Prophète (PSL). Par conséquent, composée de membres qui sont tous musulmans. La confrérie Khadriyya porte le nom de Abd Qadr Jeylani à cause de son œuvre colossal, mais elle date bien d'avant lui. Elle date du temps du Prophète qui l'a transmise à Ali. Elle a certes connue des moments de latence jusqu'à l'époque de Mokhtar qui accompli un travail de restauration d'où l'appellation Mokhtariya. Même avant cela, son grand-père Cheikh Sidi Amar Cheikh fut le premier à embrasser la confrérie. Mais au lieu de lui donner son propre nom, il préféra la nommer à l'honneur de son père Bécaye, d'où le nom de Béca'yya. Partout, tu entendras parler de disciple de Bou Kounta à cause du respect que les fils ont envers leurs pères. Nous sommes tous des disciples et le véritable guide c'est Cheikh Bou Mouhamed Kounta. C'est notre seule référence. Les gens auront du mal à me comprendre mais hormis mes parents, le respect que je voue à une personne dépend largement de la considération qu'elle a pour Sidy Lamine Bou Kounta. Cheikh Sidy Lamine avait fait acte d'allégeance à son père, qu'il avait pris pour guide religieux en dépits de la relation père-fils. Un jour Cheikh Bou fut sollicité au sujet d'un malade mental. Il ordonna Cheikh Sidy d'aller faire boire au patient une potion composée de suies trempée dans un verre d'eau comme pour fabriquer de l'encre. Sidy Lamine était très hésitant. Quand son père réalisa qu'il doutait des vertus thérapeutiques de la potion, il lui fit savoir qu'avec l'aide du Tout Puissant, même son regard suffit pour guérir le malade. Sidy Lamine compris que son père avait la capacité de lire la pensée d'autrui. C'est ainsi qu'il décida de faire allégeance à son père. Tous les enfants de Cheikh Bou Kounta n'ont de guide à part lui-même. Certes, ils ont des disciples, mais ils reconnaissent que c'est grâce à leur père.
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1 Assalamou Alaikum, formule de salutation en langue arabe signifiant « paix sur vous ».
2 PSL: « Paix et Salue sur Lui », formule prononcée par les musulmans quand le nom de Mouhamad est prononcé.
3 Gloire Dieu. Grâces Dieu. Il n'y a d'autres divinités qu'Allah. Cette formule répandue chez tous les musulmans. La création dont il parle est son utilisation sous forme de chanson khadre.
4 La prière collective est plus valorisée en Islam. Le fidèle qui rate une ou plusieurs raakas d'une prière de groupe peut les rattraper.
5 Il récite rapidement des noms du lignage : impossible de les capter.
6 Waraqah ibn Nawfal était un cousin à Khadîdja, première épouse de Mouhamad (PSL). C'était un home aveugle, de religion chrétienne et d'une sagesse extraordinaire.
7 Noun, lettre de l'alphabet arabe correspondant au son /n/
8 Tambour en langue Arabe
9 Souna: Tout ce qui se rapporte à la tradition et aux enseignements du Prophète de l'Islam.
10 Medina Al Mounawwara : deuxième ville sainte de l'Islam
11 Ansars: Les habitants de Médine qui ont accueilli le Mohamed (PSL) et ses compagnons lors de l'Hégire.
12 Sabar : danse sénégalaise plus ou moins érotique.
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Courtesy of Maria Grosz-Ngaté
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The Movement Of Young Qadiris In SenegalCreator: Cheikh Bou Diop
Toba Diagne Haidara
Toba Diagne Haidara
Contributing Institutions: Maria Grosz-Ngate; MATRIX: Center for Digital Humanities and Social Sciences at Michigan State University
Contributor: Adrien Pouille (translator); Moussa Thiao (translator); Gana Ndiaye (translator)
Description: Cheikh Bou Diop, a devoted follower of Cheikh Bou Kounta, begins by tracing his ancestry to his great grandfather who relocated from Pir (Cayor region) in order to follow Bou Kounta. Known widely as a praise singer for the Kounta family at religious ceremonies, he explains that he inherited this vocation from his father and that his family is not of griot origin. He details his musical repertoire and the meaning that singing about Bou Kounta’s life, work, and genealogy holds for him. He also discusses the significance and role of the youth movement and comments on the use of the tabala musical instrument at religious events.
Interview conducted in Wolof by Toba Diagne Haidara. Translated into French by Adrien Pouille, Moussa Thiao, and Gana Ndiaye.
Date: December 27, 2007
Date Range: 2000-2009
Location: Ndiassane, Thies, Senegal
Format: Audio/mp3
Language: Wolof
Rights Management: For educational use only.
Digitizer: Maria Grosz-Ngaté