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Interview with Sana Cissokho and Makhtar Ndiaga Kone
Contemporary Dynamics of the Bou Kounta Qadiri Community
By Maria Grosz-Ngaté
Interview with Sana Cissokho and Makhtar Ndiaga Kone
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Sana Cissokho et Makhtar Ndiaga Koné, Bargny, le16 Décembre 2007
Piste 1
00:05 : Madame Toba Diagne Haidara (MH): Bonjour Monsieur Cissokho.
Sana Cissokho (SC) : Bonjour !
00:08 : MH: Nous vous remercions d'avoir accepté cette interview, mais avant de passer aux questions nous vous demandons d'abord de vous présenter.
SC: Je m'appelle Sana Cissokho. J'habite à Malikounda, un village situé à cinq kilomètres de Mbour. Un village entièrement habité par des Bambaras d'obédience Khadre, affilié à Cheikh Bou Mouhammad Kounta de Ndiassane. Je suis membre du Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal. [Track 2, 00 :18 – 00 :51]
MH: Au préalable, nous devrions vous lire les conditions dans lesquelles cette interview est faite. Et vous devriez ensuite donner votre accord. Si vous voulez on va vous les faire lire. Etes-vous d'accord d'être enregistré et que l'on puisse utiliser cet enregistrement ? [Piste 3, 00 :15]
SC: D'accord, mais à quelle fin?
MH: On veut un site internet avec des chercheurs de l'Université d'Indiana et de l'Université de Michigan qui sont représentées ici par Maria Grosz-Ngaté. Elle compte sur le relai du Sénégal pour la collecte d'informations. Ensuite nous passerons à une étape supérieure. C'est à dire l'étape de rédaction et de mise en ligne. Si vous voulez, vous lisez d'abord le document.
Piste 4
00:00 : MH : Il n'y aucune contrainte. Vous pouvez vous arrêter quand vous voulez. Tout est là. Donc vous avez fait connaissance des conditions et des préalables. Donnez-vous votre accord pour être interviewé et pour qu'on puisse utiliser cette interview?
00:22 : SC : Je vous donne mon accord. Pour que vous puissiez utiliser cette interview.
00 : 30 : MH : Maintenant, que représentez-vous dans le Mouvement des Jeunes Khadres ?
SC : Je suis un membre à part entière du mouvement, et je suis de la commission d'étude, de recherche et de distribution. Une commission qui est chargée en quelque sorte de l'éducation, de la formation et de l'information des jeunes membres.
01:07 : MH: Que faites-vous dans la vie?
SC : Je suis enseignant de formation.
MH: Depuis quand existe le Mouvement des Jeunes Khadres?
SC: Je ne saurais vous donner une date exacte de la création du mouvement. Mais moi, j'ai commencé à militer dans le mouvement entre 2000 et 2003. Parce que nous avions une association d'étudiants Khadres à l'Universite de Dakar et nous avions été contacté à l'époque par l'actuel président de l'Association des Jeunes Khadres du Sénégal, à l'occurrence Ndiaga Koné, pour que nous soyons affiliés au Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal.
02:22 : MH: Donc vous aviez créé d'abord un daaira à l'université, un daaira des jeunes Khadres?
SC: Nous avions essayé avec des camarades qui étaient dans les différentes facultés. On avait fait une campagne de sensibilisation pour rassembler tous les étudiants Khadres de l'université et mêmes les travailleurs. Mais puisqu'on se trouvait dans un cadre intellectuel, seuls les étudiants avaient répondu à notre appel. C'est ainsi qu'on a mis sur pied un petit daaira. Puis, ayant senti le rôle important que jouait l'association dans la formation des jeunes Khadres, nous avons aussitôt répondu à l'appel des dirigeants du mouvement.
03 :31 : MH: Comment avez-vous senti le besoin de créer une cellule universitaire?
SC: L'université, c'est le temple du savoir. C'est aussi un milieu social où chacun a sa part à jouer. A part les Ibadou Rahmane, chaque étudiant est affilié à une confrérie. Et nous étions Khadres avant d'aller à l'université. Et nous nous sommes posés la question, pourquoi ne pas faire rayonner notre tarikha au sein de ce temple du savoir. Voilà les raisons qui nous ont poussés à nous organiser là-bas et à aller à la recherche des autres branches.
04:42: MH: Vous sentiez-vous menacés de disparition? Qu'est ce qui a causé cette prise de conscience subite ?
Pas menacés parce que la Khadriyya est quelque chose qui est profondément ancrée. Mais prenons l'exemple de deux groupes. L'un est organisé, bien structuré, et l'autre ne l'est pas. Celui qui n'est pas organisé risque de perdre ses membres. On a vu des Mourides devenir Tidianes et des Khadres devenir Mourides etc. Comme l'union fait la force, j'ai été contacté par un de mes camarades à l'époque qui m'a parlé de cela, et aussitôt j'ai adhéré à l'idée. On a fait des affiches et les Khadres ont répondu à notre appel. Comme si on attendait sans se connaitre. Quand on a convoqué la première réunion au Camp Jérémie, les gens sont venus de partout, et on ne se connaissait pas. Chacun était venu répondre à l'appel qui a été fait à travers des affiches. On s'est organisé aussitôt et nous avions mis sur pied un bureau provisoire dans le but de se réorganiser dans un bref délai. Moi, à l'époque j'étais imprégné par les idées du mouvement. Je savais déjà qu'à Ndiassane, ou à travers le Sénégal il y avait un mouvement qui avait été créé sous le Ndigueul du défunt Khalif Cheikh Bou Mouhammad. Alors, je me suis dit pourquoi pas adhérer à ce mouvement? J'ai pris rendez-vous avec Ndiaga. Il est venu à l'université et on a discuté. Mais dans notre discussion, j'ai vu que ce daaira qui a été créé se limitait au sein de l'université, alors que les gens qui se trouvaient dehors avaient besoin de cette matière grise que représente la cellule estudiantine. Nous étions chargés de penser et de véhiculer la Tarikhatul Khadriyya au sein de l'université.
07:21 : MH: Vous avez dit mouvement Khadre. Faites-vous la distinction entre les différentes branches de la Khadriyya, ou avez-vous fait appel à l'ensemble des Khadres de façon générale ?
SC: Il n'y a pas de distinction entre les Khadres. Nous sommes tous affiliés à cette branche rénovée par Cheikh Abdul Khadre Jeylani au onzième siècle à Bagdad en Irak. Les Bambaras de Malikounda dont je fais partie sont affiliés à la branche introduite au Sénégal par Cheikh Bounama et qui, par la suite est répandue par son fils Cheikh Bou Mouhammad. Au lieu de dire que nous allons unir tous les étudiants Khadres, nous avons décidé en un moment donné de parler de la branche Al-Kountiyyou de Ndiassane. Lors de la première réunion il y avait les Khadres appartenant à la branche de Cheikhna Cheikh Sadibou. Les Bambaras de Ndiassane et les Wolofs, tout le monde était là-bas. Mais au fur et à mesure, on se rend compte que nous, fondateurs de cette association, nous sommes affiliés au Khadres Kountiyyu de Ndiassane, etc.
10:13 : MH: Et comment ce mouvement fonctionnait-il au sein de l'université?
SC: Au début, c'était difficile parce qu'on n'était pas aussi nombreux, mais on était armé de notre foi, de cet amour que nous ressentions et cet espoir que nous avons envers notre tarikha. On prenait des sommes à partir de nos maigres bourses pour financer le mouvement au sein de l'université. Et il y avait des cas sociaux parmi nous car tous les étudiants n'étaient pas boursiers. Et tout étudiant non boursier bénéficiait de l'aide de la commission sociale.
10:13 : MH: Vous avez plusieurs commissions au sein du daaira?
SC : Non, pas un daaira. Le daaira n'a pas duré plus de quarante-sept jours. Parce qu'il fallait renforcer cela. Parce que nous aussi nous avions besoin de cette force extérieure.
10:39 MH: Donc le mouvement est né à l'université mais s'est rapidement rattaché au Mouvement des Jeunes Khadres affilié à la famille de Ndiassane. Mais y avait-il une cellule qui continuait à fonctionner au niveau de l'université ?
SC : Actuellement, il y a une cellule qui continue à fonctionner à l'université. Chaque année nous organisions des journées portes ouvertes, avec une exposition sur les figures emblématiques de la Tarikhatul Khadriyya. Nous distribuions aussi des dépliants sur la Tarikhatul Khadriyya de Ndiassane et sur les érudits de la tarikha. Le publique, comme la presse nationale étaient invités à ses manifestations de même que tous les Khadres de la région de Dakar et des autres régions. Puisque l'université c'est la continuité, il fallait préparer les générations qui allaient venir. Comme El Hadj Kounta et moi nous étions les principaux moteurs, on a laissé là-bas des gens qui n'étaient pas aussi actifs et qui faisaient toujours appel à moi pour des questions d'organisation. Etant donné que j'enseigne hors de Dakar, je ne pouvais pas à chaque fois me rendre à l'université pour participer à des réunions. Mais certains des précurseurs du mouvement au niveau de l'université sont là-bas et ils ne vont jamais le laisser tomber. Et cette année il y a des jeunes du mouvement Khadres qui ont obtenu le baccalauréat et ils savent bien le rôle que joue le mouvement dans le rayonnement de la tarikha. Je vais les mettre en rapport avec ceux qui sont là-bas, et je ferai de mon mieux pour réorganiser les bases afin et de rendre au mouvement l'ampleur qu'il avait connu il y a un an.
15:29 : Maria Grosz-Ngaté: Quelle était la composition du groupe?
SC : Il y avait un président, un vice-président, un secrétaire général, une trésorière.
MH: Ça c'est la formation du bureau. Mais dans la composition du groupe, y avait-il des filles et des garçons?
SC : C'est pourquoi je vous ai parlé de trésorière. Il y avait des filles qui étaient très actives. Lors des manifestations, ce sont les filles qui se chargeaient de la restauration. Il ne faut pas oublier que nous faisons partie des premières associations religieuses d'étudiants à organiser des journées de don de sang à l'université de Dakar, et ça a beaucoup réussi.
17:07 : MH: A part les journées portes ouvertes et les journées de don de sang, avez-vous organisé d'autres activités?
SC: Il faisait également partie de nos activités, écrire pour faire connaître aux gens ce que c'est que la Tarikatul Khadriyya. D'autant plus que nous représentions la matière grise de la Khadriyya. C'est ainsi qu'on écrivait des articles pour faire connaitre aux jeunes Khadres ce que nous ont légué les érudits de la tarikha.
17:52 : MH: Et qu'est-ce que cela a ajouté à la formation spirituelle des jeunes Khadres?
SC : Beaucoup. Il y avait par exemple des jeunes qui disaient qu'ils étaient nés de parents Khadres mais qu'ils ne connaissaient pas beaucoup de choses à propos de Ndiassane. Certains disaient qu'ils étaient Khadres mais ils ne se sont jamais rendus à Ndiassane. Et de façon fréquente, on organisait des ziarres, des visites de courtoisie chez le Khalife Général où on passait une journée entière. Et c'est l'université qui mettait les moyens matériels à notre disposition.
18:50 MH: Mais ces étudiants qui sont des musulmans avant d'être des Khadres doivent aussi bénéficier d'une formation spirituelle, pas seulement une connaissance de la tarikha. Aviez-vous des conditions de formation pour ces étudiants qui n'ont pas eu la chance d'aller à l'école coranique.
SC: Moi j'ai eu la chance d'aller à l'école coranique et certains de nos membres connaissaient les rudiments nécessaires pour la pratique de la prière. Et il y avait un de nos membres qui avait fait des affiches pour annoncer qu'il était disposé à donner gratuitement des cours d'apprentissage du Coran. Il invitait les étudiants qui ne savaient pas lire le Coran à participer dans ces cours qu'il tenait dans sa chambre ou dans des locaux qu'il avait aménagés.
20:06 : MH: Pour revenir au mouvement des jeunes Khadres, comment ce mouvement est-il structuré?
SC : Il y a d'abord l'instance dirigeante qu'on appelle le Bureau Exécutif National. Et il y a ce qu'on appelle le conseil d'administration dont je suis membre. Il y a les commissions, et ensuite les cellules qui sont des démembrements du mouvement au niveau local.
20:52 MH: Je sais qu'à Bargny vous avez plusieurs cellules.
SC : Non, il existe une seule cellule.
21:01 MH: Donc la cellule c'est la fusion de plusieurs daairas, ou bien?
SC : Oui, exactement.
21:05 : Ndiaga Koné (NK) : Je pense que je vais intervenir en ce qui concerne la structuration du mouvement. Les cellules, c'est l'ensemble des talibés qui se sont engagés à titre individuel comme disciple de Cheikh Mouhammad. Mais Bargny représente un cas particulier où les daairas commencent à adhérer au mouvement national pas au nom du daaira mais en tant qu'individus. A Bargny, il y a la fédération des daairas qui n'empêche pas le fonctionnement du mouvement.
22:36 : MH: Ce que je ne comprends pas c'est le rapport entre les daairas, les cellules et le mouvement.
SC : Au début il y avait un problème de daaira dans la tarikha. Les gens chantaient chaque jeudi, allait à Ndiassane et c'était tout. Les daairas sont limités au niveau local, par contre les cellules peuvent organiser de très grandes manifestations.
MH: Donc la structure primaire ce sont les daairas? Une cellule est composée de plusieurs daairas?
NK : C'est un engagement personnel et non l'engagement d'un daaira envers le mouvement.
MH: Donc on peut être membre d'un daaira, sans pour autant être membre du mouvement et vice versa.
NK : Parce qu'il y a des secteurs où les membres du mouvement n'ont pas de daaira.
24:15: MH: Mais à Bargny il y a plusieurs cellules?
NK : Non, il n'y en a qu'une seule qui regroupe plusieurs talibés qui ne sont pas nécessairement membres d'un daaira. Tu vas à Ndoyène, le fief des Khadres de Ndiassane, il y a des gens qui sont dans des daairas et qui ne font pas partie du mouvement. Parce qu'ils sont nés à Bargny où les daairas ont pris naissance.
Je répète que le mouvement n'est pas là pour faire disparaitre les daairas, mais plutôt pour les appuyer. Nous avons une mission plus large que les daairas et nous sommes habilités à créer des projets parce que nous sommes en conformité avec les textes et lois en vigueur.
25:32 MH: C'est l'occasion de demander quels sont vos projets dans l'immédiat?
SC: Là on garde ça pour nous. C'est des projets qui sont en train de battre formule dans nos tiroirs.
NK : Dans le long terme on voudrait organiser des conférences dans les grandes villes. Mais dans les projets dans l'immédiat c'est d'abord créer un cadre social où règne la cohésion, l'entente et la fraternité au sein des talibés et permettre à tout le monde d'accéder aux normes du mouvement.
MH: Qu'est-ce que vous appelez « accéder aux normes du mouvement»?
NK: Accéder aux normes du mouvement c'est simplement être à l'aise et être à mesure d'apporter quelque chose au mouvement. Je peux aussi citer un autre projet dans l'immédiat que je viens de déposer au niveau du Premier Ministre et qui concerne les femmes qui ont besoin d'un financement pour travailler.
27:20 : MH: Vous l'avez adressé à quel ministre?
NK: L'actuel Premier Ministre Hadjibou Soumaré.
MH: Et à Ndiassane existent-t-il des projets pour les femmes?
NK: À Ndiassane, il existe un groupement féminin. Mais en fait rien n'a encore été réalisé.
MH: L'essentiel est de savoir s'il y a des projets qui sont à l'étude dans tel ou tel domaine pour la promotion social des talibés.
NK: On a des projets dans l'agriculture, dans l'élevage comme dans la pêche qui permettront d'assurer le développement culturel et économique de la tarikha. A Bargny par exemple, tu financeras les femmes au niveau de la pêche. Si je leur donne trois pirogues de quinze millions chacune, ça pourra leur rapporter gros. A Mbour, il y a des cultivateurs.
MH : Maria, avez-vous une question ?
29 :31 : MGN : Pour revenir à la question des études. Qu'est-ce que vous faites pour améliorer la qualité de la formation des talibés? Est-ce que vous avez fait appel aux érudits ?
Piste 5
00 :00 : SC : A travers les journées portes ouvertes qu'on organisait à l'université, on faisait appel à des érudits ou plutôt des intellectuels tels que le professeur Bou Khalifa Kounta, ou l'islamologue Papa Abdou Rahmane Kounta pour donner des explications sur les différentes facettes de la Tarikhatul Khadiriyya, ou pour débattre sur un thème donné.
01 :35 : MGN : À part des conférences, avez-vous fait autre chose pour améliorer les connaissances ?
SC: Comme je l'ai dit tantôt, on faisait des dépliants, ou des bulletins d'information de deux pages sur Ndiassane ou sur l'histoire de la Tarikha qu'on distribuait.
02 :13 : MGN : Tout à l'heure vous avez parlé des filles qui étaient chargées de la restauration. Quels autres rôles jouent-elles dans le mouvement?
SC: Elles n'assuraient pas que la restauration. Ce sont elles aussi qui géraient l'argent. Il y avait une fille qui était chargée de traduire les documents en anglais et qui assurait en même temps le secrétariat, la saisie et la duplication des documents.
03:15 : MH: Est-ce que les filles continuent toujours à militer dans le mouvement, même après le mariage?
SC: Oui, même si elles sont mariées à des hommes qui ne se sont pas de confession Khadre. On a plusieurs cas dans le mouvement. Un jour il y avait une fille qui sollicitait des prières pour son mari, car chaque fois c'est lui qui débourse de l'argent pour son voyage à Ndiassane alors qu'il n'est pas Khadre.
04:03 MH : Mais arrive-t-il aussi qu'une jeune femme mariée décroche?
NK : Mais ça aussi c'est normal. Parce qu'une fois mariée la jeune femme est sous l'autorité de son époux.
(…) Je pense qu'elles ont plus de bénédiction. Les femmes sont toujours plus nombreuses à répondre à l'appel du mouvement. Et quelque fois même elles servent d'escorte au Khalif. Elles l'ont fait au Saloum en pleine saison sèche, sous la chaleur. Elles sont peut-être plus nombreuses, mais [certainement] plus dévouées. Cheikh Mouhammad avait beaucoup de respect pour les femmes …
Piste 6
00 :00 : MH: Dans les Tarikha Tidiane ou Mouride on remarque un grand engouement et un grand engagement des jeunes. A votre avis qu'est ce qui explique cet engouement?
NK: Maintenant les jeunes sont éveillés comparés à nos parents, ou arrière grands-parents pour deux raisons. On a bénéficié de l'éducation que nos parents nous ont donnée et actuellement les jeunes sont conscients qu'il y a une responsabilité qui va s'abattre sur eux devant Dieu. Moi par exemple, même si je vais perdre les pédales, je veux être à mesure de m'expliquer devant le Tout Puissant. C'est un peu ce qui pousse les jeunes à participer massivement dans ces mouvements. L'Islam commence à gagner la foi des jeunes. Et contrairement à ce que pensent certains, l'Islam est une religion d'amour et de tolérance, et ces jeunes le démontrent assez bien.
01:50 : MH: Est-ce que vous insistez sur ces valeurs-là dans vos mouvements?
NK: On a des tours annuels, des tours trimestriels. On fait de sorte que tous les jeunes se regroupent à un point. Et ces tours ne durent que deux heures de temps (de 16 heures à 18 heures) pendant lesquelles on fait une petite animation. On chante notre hymne nationale pour permettre aux gens de relaxer pendant trente minutes ou quarante-cinq minutes au maximum.
Je dirai qu'au niveau de notre tarikha nos guides spirituels ne nous ont enseignés que l'Islam et que c'est nous qui avons ajouté des choses pour essayer d'inculquer aux plus jeunes des connaissances afin qu'ils puissent mieux percevoir les enseignements de Cheikh Bou Mouhammad. Modou Ndoye que vous avez vu tout à l'heure est un professeur d'arabe. Il enseigne l'arabe dans la cellule de Bargny. Il enseigne le Coran et la Sunnah.
03 :45 : MH : Quand on discute avec les jeunes, on se rend compte qu'ils ne s'intéressent qu'à leur tarikha. Ils ont des connaissances sur leur tarikha. Mais ce qui m'intéresse est que ces mouvements devraient être des structures, des occasions pour mieux connaître et s'approprier les valeurs islamiques. Le problème qu'on a maintenant c'est comment ces jeunes se positionnent par rapport à leur tarikha. Chacun insiste sur l'idée que mon marabout est le meilleur…
SC: La société africaine est minée par l'ethnocentrisme. D'autant plus que maintenant on parle de paternalisme. Notre mouvement est d'abord une association islamique d'obédience Khadre. Tous nos guides religieux nous enseignent qu'avant la tarikha, c'est d'abord l'Islam. Maintenant les gens, au lieu de donner une puissance aux valeurs musulmanes ils préfèrent démontrer qu'ils sont des fervents talibés de tel ou tel autre marabout. Le paternalisme dont on parle existe. A mon avis, nous devons montrer à ces jeunes-là que bien que nous soyons des talibés Khadres, nous ne devons pas oublier que nous sommes des musulmans.
NK: Moi, ce que je voudrais ajouter c'est qu'au niveau des jeunes Khadres, ils n'ont pas un problème de religion.
SC : Cela fait partie de la liberté de choisir. Chacun est libre d'appartenir à telle ou telle opinion philosophique, mais le paternalisme a toujours existé.
MH : Merci beaucoup !
Piste 1
00:05 : Madame Toba Diagne Haidara (MH): Bonjour Monsieur Cissokho.
Sana Cissokho (SC) : Bonjour !
00:08 : MH: Nous vous remercions d'avoir accepté cette interview, mais avant de passer aux questions nous vous demandons d'abord de vous présenter.
SC: Je m'appelle Sana Cissokho. J'habite à Malikounda, un village situé à cinq kilomètres de Mbour. Un village entièrement habité par des Bambaras d'obédience Khadre, affilié à Cheikh Bou Mouhammad Kounta de Ndiassane. Je suis membre du Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal. [Track 2, 00 :18 – 00 :51]
MH: Au préalable, nous devrions vous lire les conditions dans lesquelles cette interview est faite. Et vous devriez ensuite donner votre accord. Si vous voulez on va vous les faire lire. Etes-vous d'accord d'être enregistré et que l'on puisse utiliser cet enregistrement ? [Piste 3, 00 :15]
SC: D'accord, mais à quelle fin?
MH: On veut un site internet avec des chercheurs de l'Université d'Indiana et de l'Université de Michigan qui sont représentées ici par Maria Grosz-Ngaté. Elle compte sur le relai du Sénégal pour la collecte d'informations. Ensuite nous passerons à une étape supérieure. C'est à dire l'étape de rédaction et de mise en ligne. Si vous voulez, vous lisez d'abord le document.
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00:00 : MH : Il n'y aucune contrainte. Vous pouvez vous arrêter quand vous voulez. Tout est là. Donc vous avez fait connaissance des conditions et des préalables. Donnez-vous votre accord pour être interviewé et pour qu'on puisse utiliser cette interview?
00:22 : SC : Je vous donne mon accord. Pour que vous puissiez utiliser cette interview.
00 : 30 : MH : Maintenant, que représentez-vous dans le Mouvement des Jeunes Khadres ?
SC : Je suis un membre à part entière du mouvement, et je suis de la commission d'étude, de recherche et de distribution. Une commission qui est chargée en quelque sorte de l'éducation, de la formation et de l'information des jeunes membres.
01:07 : MH: Que faites-vous dans la vie?
SC : Je suis enseignant de formation.
MH: Depuis quand existe le Mouvement des Jeunes Khadres?
SC: Je ne saurais vous donner une date exacte de la création du mouvement. Mais moi, j'ai commencé à militer dans le mouvement entre 2000 et 2003. Parce que nous avions une association d'étudiants Khadres à l'Universite de Dakar et nous avions été contacté à l'époque par l'actuel président de l'Association des Jeunes Khadres du Sénégal, à l'occurrence Ndiaga Koné, pour que nous soyons affiliés au Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal.
02:22 : MH: Donc vous aviez créé d'abord un daaira à l'université, un daaira des jeunes Khadres?
SC: Nous avions essayé avec des camarades qui étaient dans les différentes facultés. On avait fait une campagne de sensibilisation pour rassembler tous les étudiants Khadres de l'université et mêmes les travailleurs. Mais puisqu'on se trouvait dans un cadre intellectuel, seuls les étudiants avaient répondu à notre appel. C'est ainsi qu'on a mis sur pied un petit daaira. Puis, ayant senti le rôle important que jouait l'association dans la formation des jeunes Khadres, nous avons aussitôt répondu à l'appel des dirigeants du mouvement.
03 :31 : MH: Comment avez-vous senti le besoin de créer une cellule universitaire?
SC: L'université, c'est le temple du savoir. C'est aussi un milieu social où chacun a sa part à jouer. A part les Ibadou Rahmane, chaque étudiant est affilié à une confrérie. Et nous étions Khadres avant d'aller à l'université. Et nous nous sommes posés la question, pourquoi ne pas faire rayonner notre tarikha au sein de ce temple du savoir. Voilà les raisons qui nous ont poussés à nous organiser là-bas et à aller à la recherche des autres branches.
04:42: MH: Vous sentiez-vous menacés de disparition? Qu'est ce qui a causé cette prise de conscience subite ?
Pas menacés parce que la Khadriyya est quelque chose qui est profondément ancrée. Mais prenons l'exemple de deux groupes. L'un est organisé, bien structuré, et l'autre ne l'est pas. Celui qui n'est pas organisé risque de perdre ses membres. On a vu des Mourides devenir Tidianes et des Khadres devenir Mourides etc. Comme l'union fait la force, j'ai été contacté par un de mes camarades à l'époque qui m'a parlé de cela, et aussitôt j'ai adhéré à l'idée. On a fait des affiches et les Khadres ont répondu à notre appel. Comme si on attendait sans se connaitre. Quand on a convoqué la première réunion au Camp Jérémie, les gens sont venus de partout, et on ne se connaissait pas. Chacun était venu répondre à l'appel qui a été fait à travers des affiches. On s'est organisé aussitôt et nous avions mis sur pied un bureau provisoire dans le but de se réorganiser dans un bref délai. Moi, à l'époque j'étais imprégné par les idées du mouvement. Je savais déjà qu'à Ndiassane, ou à travers le Sénégal il y avait un mouvement qui avait été créé sous le Ndigueul du défunt Khalif Cheikh Bou Mouhammad. Alors, je me suis dit pourquoi pas adhérer à ce mouvement? J'ai pris rendez-vous avec Ndiaga. Il est venu à l'université et on a discuté. Mais dans notre discussion, j'ai vu que ce daaira qui a été créé se limitait au sein de l'université, alors que les gens qui se trouvaient dehors avaient besoin de cette matière grise que représente la cellule estudiantine. Nous étions chargés de penser et de véhiculer la Tarikhatul Khadriyya au sein de l'université.
07:21 : MH: Vous avez dit mouvement Khadre. Faites-vous la distinction entre les différentes branches de la Khadriyya, ou avez-vous fait appel à l'ensemble des Khadres de façon générale ?
SC: Il n'y a pas de distinction entre les Khadres. Nous sommes tous affiliés à cette branche rénovée par Cheikh Abdul Khadre Jeylani au onzième siècle à Bagdad en Irak. Les Bambaras de Malikounda dont je fais partie sont affiliés à la branche introduite au Sénégal par Cheikh Bounama et qui, par la suite est répandue par son fils Cheikh Bou Mouhammad. Au lieu de dire que nous allons unir tous les étudiants Khadres, nous avons décidé en un moment donné de parler de la branche Al-Kountiyyou de Ndiassane. Lors de la première réunion il y avait les Khadres appartenant à la branche de Cheikhna Cheikh Sadibou. Les Bambaras de Ndiassane et les Wolofs, tout le monde était là-bas. Mais au fur et à mesure, on se rend compte que nous, fondateurs de cette association, nous sommes affiliés au Khadres Kountiyyu de Ndiassane, etc.
10:13 : MH: Et comment ce mouvement fonctionnait-il au sein de l'université?
SC: Au début, c'était difficile parce qu'on n'était pas aussi nombreux, mais on était armé de notre foi, de cet amour que nous ressentions et cet espoir que nous avons envers notre tarikha. On prenait des sommes à partir de nos maigres bourses pour financer le mouvement au sein de l'université. Et il y avait des cas sociaux parmi nous car tous les étudiants n'étaient pas boursiers. Et tout étudiant non boursier bénéficiait de l'aide de la commission sociale.
10:13 : MH: Vous avez plusieurs commissions au sein du daaira?
SC : Non, pas un daaira. Le daaira n'a pas duré plus de quarante-sept jours. Parce qu'il fallait renforcer cela. Parce que nous aussi nous avions besoin de cette force extérieure.
10:39 MH: Donc le mouvement est né à l'université mais s'est rapidement rattaché au Mouvement des Jeunes Khadres affilié à la famille de Ndiassane. Mais y avait-il une cellule qui continuait à fonctionner au niveau de l'université ?
SC : Actuellement, il y a une cellule qui continue à fonctionner à l'université. Chaque année nous organisions des journées portes ouvertes, avec une exposition sur les figures emblématiques de la Tarikhatul Khadriyya. Nous distribuions aussi des dépliants sur la Tarikhatul Khadriyya de Ndiassane et sur les érudits de la tarikha. Le publique, comme la presse nationale étaient invités à ses manifestations de même que tous les Khadres de la région de Dakar et des autres régions. Puisque l'université c'est la continuité, il fallait préparer les générations qui allaient venir. Comme El Hadj Kounta et moi nous étions les principaux moteurs, on a laissé là-bas des gens qui n'étaient pas aussi actifs et qui faisaient toujours appel à moi pour des questions d'organisation. Etant donné que j'enseigne hors de Dakar, je ne pouvais pas à chaque fois me rendre à l'université pour participer à des réunions. Mais certains des précurseurs du mouvement au niveau de l'université sont là-bas et ils ne vont jamais le laisser tomber. Et cette année il y a des jeunes du mouvement Khadres qui ont obtenu le baccalauréat et ils savent bien le rôle que joue le mouvement dans le rayonnement de la tarikha. Je vais les mettre en rapport avec ceux qui sont là-bas, et je ferai de mon mieux pour réorganiser les bases afin et de rendre au mouvement l'ampleur qu'il avait connu il y a un an.
15:29 : Maria Grosz-Ngaté: Quelle était la composition du groupe?
SC : Il y avait un président, un vice-président, un secrétaire général, une trésorière.
MH: Ça c'est la formation du bureau. Mais dans la composition du groupe, y avait-il des filles et des garçons?
SC : C'est pourquoi je vous ai parlé de trésorière. Il y avait des filles qui étaient très actives. Lors des manifestations, ce sont les filles qui se chargeaient de la restauration. Il ne faut pas oublier que nous faisons partie des premières associations religieuses d'étudiants à organiser des journées de don de sang à l'université de Dakar, et ça a beaucoup réussi.
17:07 : MH: A part les journées portes ouvertes et les journées de don de sang, avez-vous organisé d'autres activités?
SC: Il faisait également partie de nos activités, écrire pour faire connaître aux gens ce que c'est que la Tarikatul Khadriyya. D'autant plus que nous représentions la matière grise de la Khadriyya. C'est ainsi qu'on écrivait des articles pour faire connaitre aux jeunes Khadres ce que nous ont légué les érudits de la tarikha.
17:52 : MH: Et qu'est-ce que cela a ajouté à la formation spirituelle des jeunes Khadres?
SC : Beaucoup. Il y avait par exemple des jeunes qui disaient qu'ils étaient nés de parents Khadres mais qu'ils ne connaissaient pas beaucoup de choses à propos de Ndiassane. Certains disaient qu'ils étaient Khadres mais ils ne se sont jamais rendus à Ndiassane. Et de façon fréquente, on organisait des ziarres, des visites de courtoisie chez le Khalife Général où on passait une journée entière. Et c'est l'université qui mettait les moyens matériels à notre disposition.
18:50 MH: Mais ces étudiants qui sont des musulmans avant d'être des Khadres doivent aussi bénéficier d'une formation spirituelle, pas seulement une connaissance de la tarikha. Aviez-vous des conditions de formation pour ces étudiants qui n'ont pas eu la chance d'aller à l'école coranique.
SC: Moi j'ai eu la chance d'aller à l'école coranique et certains de nos membres connaissaient les rudiments nécessaires pour la pratique de la prière. Et il y avait un de nos membres qui avait fait des affiches pour annoncer qu'il était disposé à donner gratuitement des cours d'apprentissage du Coran. Il invitait les étudiants qui ne savaient pas lire le Coran à participer dans ces cours qu'il tenait dans sa chambre ou dans des locaux qu'il avait aménagés.
20:06 : MH: Pour revenir au mouvement des jeunes Khadres, comment ce mouvement est-il structuré?
SC : Il y a d'abord l'instance dirigeante qu'on appelle le Bureau Exécutif National. Et il y a ce qu'on appelle le conseil d'administration dont je suis membre. Il y a les commissions, et ensuite les cellules qui sont des démembrements du mouvement au niveau local.
20:52 MH: Je sais qu'à Bargny vous avez plusieurs cellules.
SC : Non, il existe une seule cellule.
21:01 MH: Donc la cellule c'est la fusion de plusieurs daairas, ou bien?
SC : Oui, exactement.
21:05 : Ndiaga Koné (NK) : Je pense que je vais intervenir en ce qui concerne la structuration du mouvement. Les cellules, c'est l'ensemble des talibés qui se sont engagés à titre individuel comme disciple de Cheikh Mouhammad. Mais Bargny représente un cas particulier où les daairas commencent à adhérer au mouvement national pas au nom du daaira mais en tant qu'individus. A Bargny, il y a la fédération des daairas qui n'empêche pas le fonctionnement du mouvement.
22:36 : MH: Ce que je ne comprends pas c'est le rapport entre les daairas, les cellules et le mouvement.
SC : Au début il y avait un problème de daaira dans la tarikha. Les gens chantaient chaque jeudi, allait à Ndiassane et c'était tout. Les daairas sont limités au niveau local, par contre les cellules peuvent organiser de très grandes manifestations.
MH: Donc la structure primaire ce sont les daairas? Une cellule est composée de plusieurs daairas?
NK : C'est un engagement personnel et non l'engagement d'un daaira envers le mouvement.
MH: Donc on peut être membre d'un daaira, sans pour autant être membre du mouvement et vice versa.
NK : Parce qu'il y a des secteurs où les membres du mouvement n'ont pas de daaira.
24:15: MH: Mais à Bargny il y a plusieurs cellules?
NK : Non, il n'y en a qu'une seule qui regroupe plusieurs talibés qui ne sont pas nécessairement membres d'un daaira. Tu vas à Ndoyène, le fief des Khadres de Ndiassane, il y a des gens qui sont dans des daairas et qui ne font pas partie du mouvement. Parce qu'ils sont nés à Bargny où les daairas ont pris naissance.
Je répète que le mouvement n'est pas là pour faire disparaitre les daairas, mais plutôt pour les appuyer. Nous avons une mission plus large que les daairas et nous sommes habilités à créer des projets parce que nous sommes en conformité avec les textes et lois en vigueur.
25:32 MH: C'est l'occasion de demander quels sont vos projets dans l'immédiat?
SC: Là on garde ça pour nous. C'est des projets qui sont en train de battre formule dans nos tiroirs.
NK : Dans le long terme on voudrait organiser des conférences dans les grandes villes. Mais dans les projets dans l'immédiat c'est d'abord créer un cadre social où règne la cohésion, l'entente et la fraternité au sein des talibés et permettre à tout le monde d'accéder aux normes du mouvement.
MH: Qu'est-ce que vous appelez « accéder aux normes du mouvement»?
NK: Accéder aux normes du mouvement c'est simplement être à l'aise et être à mesure d'apporter quelque chose au mouvement. Je peux aussi citer un autre projet dans l'immédiat que je viens de déposer au niveau du Premier Ministre et qui concerne les femmes qui ont besoin d'un financement pour travailler.
27:20 : MH: Vous l'avez adressé à quel ministre?
NK: L'actuel Premier Ministre Hadjibou Soumaré.
MH: Et à Ndiassane existent-t-il des projets pour les femmes?
NK: À Ndiassane, il existe un groupement féminin. Mais en fait rien n'a encore été réalisé.
MH: L'essentiel est de savoir s'il y a des projets qui sont à l'étude dans tel ou tel domaine pour la promotion social des talibés.
NK: On a des projets dans l'agriculture, dans l'élevage comme dans la pêche qui permettront d'assurer le développement culturel et économique de la tarikha. A Bargny par exemple, tu financeras les femmes au niveau de la pêche. Si je leur donne trois pirogues de quinze millions chacune, ça pourra leur rapporter gros. A Mbour, il y a des cultivateurs.
MH : Maria, avez-vous une question ?
29 :31 : MGN : Pour revenir à la question des études. Qu'est-ce que vous faites pour améliorer la qualité de la formation des talibés? Est-ce que vous avez fait appel aux érudits ?
Piste 5
00 :00 : SC : A travers les journées portes ouvertes qu'on organisait à l'université, on faisait appel à des érudits ou plutôt des intellectuels tels que le professeur Bou Khalifa Kounta, ou l'islamologue Papa Abdou Rahmane Kounta pour donner des explications sur les différentes facettes de la Tarikhatul Khadiriyya, ou pour débattre sur un thème donné.
01 :35 : MGN : À part des conférences, avez-vous fait autre chose pour améliorer les connaissances ?
SC: Comme je l'ai dit tantôt, on faisait des dépliants, ou des bulletins d'information de deux pages sur Ndiassane ou sur l'histoire de la Tarikha qu'on distribuait.
02 :13 : MGN : Tout à l'heure vous avez parlé des filles qui étaient chargées de la restauration. Quels autres rôles jouent-elles dans le mouvement?
SC: Elles n'assuraient pas que la restauration. Ce sont elles aussi qui géraient l'argent. Il y avait une fille qui était chargée de traduire les documents en anglais et qui assurait en même temps le secrétariat, la saisie et la duplication des documents.
03:15 : MH: Est-ce que les filles continuent toujours à militer dans le mouvement, même après le mariage?
SC: Oui, même si elles sont mariées à des hommes qui ne se sont pas de confession Khadre. On a plusieurs cas dans le mouvement. Un jour il y avait une fille qui sollicitait des prières pour son mari, car chaque fois c'est lui qui débourse de l'argent pour son voyage à Ndiassane alors qu'il n'est pas Khadre.
04:03 MH : Mais arrive-t-il aussi qu'une jeune femme mariée décroche?
NK : Mais ça aussi c'est normal. Parce qu'une fois mariée la jeune femme est sous l'autorité de son époux.
(…) Je pense qu'elles ont plus de bénédiction. Les femmes sont toujours plus nombreuses à répondre à l'appel du mouvement. Et quelque fois même elles servent d'escorte au Khalif. Elles l'ont fait au Saloum en pleine saison sèche, sous la chaleur. Elles sont peut-être plus nombreuses, mais [certainement] plus dévouées. Cheikh Mouhammad avait beaucoup de respect pour les femmes …
Piste 6
00 :00 : MH: Dans les Tarikha Tidiane ou Mouride on remarque un grand engouement et un grand engagement des jeunes. A votre avis qu'est ce qui explique cet engouement?
NK: Maintenant les jeunes sont éveillés comparés à nos parents, ou arrière grands-parents pour deux raisons. On a bénéficié de l'éducation que nos parents nous ont donnée et actuellement les jeunes sont conscients qu'il y a une responsabilité qui va s'abattre sur eux devant Dieu. Moi par exemple, même si je vais perdre les pédales, je veux être à mesure de m'expliquer devant le Tout Puissant. C'est un peu ce qui pousse les jeunes à participer massivement dans ces mouvements. L'Islam commence à gagner la foi des jeunes. Et contrairement à ce que pensent certains, l'Islam est une religion d'amour et de tolérance, et ces jeunes le démontrent assez bien.
01:50 : MH: Est-ce que vous insistez sur ces valeurs-là dans vos mouvements?
NK: On a des tours annuels, des tours trimestriels. On fait de sorte que tous les jeunes se regroupent à un point. Et ces tours ne durent que deux heures de temps (de 16 heures à 18 heures) pendant lesquelles on fait une petite animation. On chante notre hymne nationale pour permettre aux gens de relaxer pendant trente minutes ou quarante-cinq minutes au maximum.
Je dirai qu'au niveau de notre tarikha nos guides spirituels ne nous ont enseignés que l'Islam et que c'est nous qui avons ajouté des choses pour essayer d'inculquer aux plus jeunes des connaissances afin qu'ils puissent mieux percevoir les enseignements de Cheikh Bou Mouhammad. Modou Ndoye que vous avez vu tout à l'heure est un professeur d'arabe. Il enseigne l'arabe dans la cellule de Bargny. Il enseigne le Coran et la Sunnah.
03 :45 : MH : Quand on discute avec les jeunes, on se rend compte qu'ils ne s'intéressent qu'à leur tarikha. Ils ont des connaissances sur leur tarikha. Mais ce qui m'intéresse est que ces mouvements devraient être des structures, des occasions pour mieux connaître et s'approprier les valeurs islamiques. Le problème qu'on a maintenant c'est comment ces jeunes se positionnent par rapport à leur tarikha. Chacun insiste sur l'idée que mon marabout est le meilleur…
SC: La société africaine est minée par l'ethnocentrisme. D'autant plus que maintenant on parle de paternalisme. Notre mouvement est d'abord une association islamique d'obédience Khadre. Tous nos guides religieux nous enseignent qu'avant la tarikha, c'est d'abord l'Islam. Maintenant les gens, au lieu de donner une puissance aux valeurs musulmanes ils préfèrent démontrer qu'ils sont des fervents talibés de tel ou tel autre marabout. Le paternalisme dont on parle existe. A mon avis, nous devons montrer à ces jeunes-là que bien que nous soyons des talibés Khadres, nous ne devons pas oublier que nous sommes des musulmans.
NK: Moi, ce que je voudrais ajouter c'est qu'au niveau des jeunes Khadres, ils n'ont pas un problème de religion.
SC : Cela fait partie de la liberté de choisir. Chacun est libre d'appartenir à telle ou telle opinion philosophique, mais le paternalisme a toujours existé.
MH : Merci beaucoup !
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Courtesy of Maria Grosz-Ngaté
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The Movement Of Young Qadiris In SenegalCreator: Sana Cissokho
Koné, Makhtar Ndiaga
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Grosz-Ngaté, Maria
Koné, Makhtar Ndiaga
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Grosz-Ngaté, Maria
Contributing Institutions: Maria Grosz-Ngate; MATRIX: Center for Digital Humanities and Social Sciences at Michigan State University
Contributor: Moussa Thiao
Description: Mr. Sana Cissokho, from the town of Malikounda, is a member of the Qadiri youth movement (Mouvement des Jeunes Khadres - MJK) with responsibilities for researching and disseminating information about the Bou Kounta Path. He discusses how he became involved with the movement as a student at the University Cheikh Anta Diop in Dakar and established a grouping there. In the course of the discussion he explains the structure and composition of the grouping, its activities, and the importance of being organized. Mr. Makhtar Koné contributes information on the structure and activities of the MJK.
Interview conducted in French by Toba Diagne Haidara and Maria Grosz-Ngaté after a religious event in Bargny. Transcribed by Moussa Thiao.
Date: December 16, 2007
Location: Bargny, Senegal
Format: Audio/mp3
Language: French
Rights Management: For educational use only.
Digitizer: Maria Grosz-Ngaté