Contemporary Dynamics of the Bou Kounta Qadiri Community
By Maria Grosz-Ngaté
20110804_ADCamara
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Entretien: Cheikh Abdou Khadre Djeilani Camara, Dakar, le 4 août 2011
00:03-Maria Grosz-Ngate (MGN): Bonjour, M. Camara. Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Bonjour Maria ! Je m'appelle Cheikh Abdou Khadre Djeilani Camara. Actuellement, je suis professeur de Lettres-Histoire et Géographie au CEM de Malem Hodar, dans la région de Kaffrine, la douzième région du Sénégal. Je suis content de travailler avec vous. Je suis en même temps étudiant à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar.
00:29-MGN: Merci. Comment est-ce que vous êtes devenu talibé de Ndiassane et comment est-ce que vous avez évolué dans cette tarikha ?
Donc je suis talibé khadre parce que, d'abord je suis né talibé khadre. Comme disent certains, je suis un suiviste en quelque sorte. C'est-à-dire dire qu'à ma naissance, j'ai trouvé que mes parents, mes grands-parents étaient des talibés khadre. Je suis né dans une famille khadre. J'ai grandi dans une famille khadre. On m'a éduqué dans la mouvance Khadriya. Et depuis lors j'évolue sur ce chemin. Et entretemps, j'ai vu les choses de manière plus claire. C'est-à-dire qu'en un moment, c'était mes parents qui m'indiquaient le chemin. C'était mes parents qui me disaient quoi faire. Mais, arrivé à l'âge mûr, j'ai pu ressentir l'effet que la Khadriya a pu faire sur moi et de ce fait, je me suis engagé. Je me suis donné corps et âme pour travailler pour le compte de Cheikh Bou Kounta. A partir de ce moment-là, j'ai constaté que je devais faire quelque chose pour ma confrérie. C'est-à-dire que, dans la société actuelle, dans la société sénégalaise surtout, il y a beaucoup de confréries. Chaque famille ou bien la plupart des familles sénégalaises appartiennent à des confréries religieuses. Pour ma famille, c'est la Khadriya. Depuis lors nous évoluons dans ce sens. En évoluant dans ce sens, je me suis dit une seule chose : pourquoi croire en Cheikh Bou Kounta ? Pourquoi suivre Cheikh Bou Kounta ? Donc, j'évolue et j'ai grandi. Allé à Ndiassane, j'ai pu découvrir quelque chose que je ne peux pas expliquer. Les mots me manqueront pour l'expliquer mais je me suis engagé à travailler. Ce travail consiste à faire des recherches comme je le fais toujours. Travailler pour sensibiliser la jeunesse Khadriya afin qu'elle puisse connaitre qu'est-ce c'est la quintessence de la Khadriya. Donc, j'évolue sur cette lancée depuis toujours. J'ai grandi dans une famille khadre et ce depuis lors. Je peux dire que je suis un suiviste pure et dure.
03:00-MGN: D'accord. Oui! Merci. Où-est-ce que vous avez grandi ?
Moi j'ai grandi à Mbour.
03:07 : MGN: Ah d'accord !
J'ai grandi à Mbour. Je suis né à Mbour. J'ai grandi à Mbour. J'ai été éduqué et élevé par ma mère. Depuis lors, je crois que j'ai n'ai jamais mis les pieds hors de Mbour qu'après le Bac. Arrivé à l'université, c'est à partir de ce moment que je me suis lancé dans d'autres horizons. Mais j'étais toujours à Mbour depuis mon enfance, depuis tout petit.
03:35-MGN: Est-ce que vous êtes parti à Ndiassane avec vos parents- avec votre mère ou votre père- avant d'atteindre l'âge mûr…
Oui! Dans notre famille, tout enfant, uh … A l'arrivée du gàmmu de Ndiassane, les enfants doivent aller à Ndiassane faire le « ziaara » annuel. Ça fait partie de l'éducation familiale que nous reçevons dans nos familles. Donc, auparavant, ma mère m'emmenait toujours à Ndiassane faire des visites de courtoisie, faire des visites de « Ziar » au « Gàmmu Gouddi Cheikh Bou » [nuit de Cheikh Bou]. J'ai donc grandi dans cette mouvance, j'ai grandi dans cette lancée. Par la suite, c'était ma sœur, une de mes sœurs, qui me prenait en charge pour m'emmener à Ndiassane. A un moment donné, je me suis dit qu'il est temps que je me prenne en charge. C'est à partir de ce moment-je peux dire à partir de 1999-que j'ai commencé à me débrouiller tout seul pour aller à Ndiassane. D'habitude, je gardais mon argent de poche que je devais emmener à l'école. Je le gardais quelque part. Arrivé au moment du gàmmu, je sortais cet argent pour pouvoir me payer le ticket de transport pour aller en Ndiassane. C'est en (19)99 donc que j'ai commencé en me prendre en charge. Mais avant cela, c'était mes parents…
05:02-MGN: D'accord ! Est-ce que vous avez des souvenirs particuliers, des visites de « ziaara » à Ndiassane durant votre jeunesse ? Est-ce qu'il y a un évènement ou quelque chose qui vous a marqué ?
Ouais. Je me rappelle des séanes parce qu'à l'époque il y restait un peu d'eau. Il n'y restait que peu d'eau. Nous y allions à l'époque pour jouer. D'habitude, nous y allions pour prendre des herbes dont nous n'avions même pas besoin. L'essentiel était donc d'aller dans les séanes, voir les séanes, parfois nous laver, prendre un peu d'eau. Nous ne pouvions pas nous laver avec cette eau mais plutôt on essayait juste de jouer avec et savoir que c'est là, ce sont séanes-là dont nous parlaient nos parents. Ce sont ces séanes-là dont parlaient nos grands-frères. Les souvenirs de Ndiassane, dans ma jeunesse… mais les souvenirs qui m'ont plus marqués ce sont l'étage de Cheikh Sidy Lamine qui est toujours là-bas. L'étage de Cheikh Sidy Lamine, c'était l'image frappante de Ndiassane à l'époque parce que, arrivé à Ndiassane, je me précipitais de sortir de la voiture pour aller à l'étage circuler, faire des vas-et –viens dans cet étage. En ce moment-là, les souvenirs qui m'ont marqué le plus à Ndiassane, c'est surtout l'étage de Cheikh Sidy Lamine qui est actuellement le patrimoine historique de Ndiassane et qui risque quand même de se détériorer. C'est quelque chose qui m'a frappé. C'est le souvenir de mon enfance et je continue toujours de m'en rappeler parce que l'étage est toujours là. On se le rappelle toujours. Même parfois mes parents me parlent de l'étage en rapport à leur jeunesse. Donc, c'est quelque chose d'extraordinaire pour nous.
07:07-MGN: Les visites durant votre jeunesse, c'était sous quel khalife ? Qui était khalife en ce moment ?
En ce moment, c'était sous le khalifat de Cheikh Bou Mouhamed, le fils de Cheikh Bou Mouhamed. En quelque sorte, moi je suis jeune. Je suis né en 1984…
07:29-MGN: D'accord !
Je suis en né en 84. Cheikh Sidy Yakhya a pris… Baye Bou, qu'on appelle Baye Bou, Cheikh Bou Mouhamed a pris le Khalifat en 1987. Je suis né en 1984 sous le khalifat de Cheikh Sidy Yakhya, je ne peux pas me rappeler de beaucoup de chose.
07:45 : MGN-Oui ! Oui ! Effectivement !
Donc, c'est à l'époque de Cheikh Bou Kounta que j'ai pu découvrir Ndiassane en profondeur. C'est l'image qui m'a marqué.
07:55-MGN : Quand est-ce que vous avez joins le mouvement « Jeunes Khadres » ?
Je peux dire … Nous nous débutions par des daaïra. Nous étions des jeunes. Tu es khadre. Tu habites dans quelle localité…. dans…par exemple… à Mbour. Je suis avec des cousins. Moi, j'habite à Grand- Mbour. Ce sont des quartiers peut être que vous ne maitrisez pas. J'habite à Grand-Mbour. Eux, ils habitent à Thiossé mais ils sont des khadres. Nous n'essayons de nous regrouper et, arrivés sur place, nous essayons de tenir des réunions. Nous sommes tous khadre, nous devons créer un daaïra. Un daaïra, c'est une association qui regroupe le minimum de jeunes. Donc c'est à partir de ces daaïra que j'ai évolué. Mais en 1998, c'est à partir de cette date que Cheikh Bou Kounta nous a montré le chemin, Baye Bou nous a montré le chemin pour créer le « Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal ». A l'époque, le terme « Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal », MJKS, n'était pas utilisé mais on parlait de « Jamaha ». C'était une expression arabe qui signifie « Al Jamahatoul Islamiatoul Moutamasikati bi Tariqitou Khadre wa tastati benwaarih khalifa Cheikh Bou Mouhamed ». Un mouvement de Jeunes. Donc, en 98, on a initié le mouvement sous le « ndiguel » comme on le dit, sous l'autorité (l'égide) de Cheikh Bou Mouhamed. A cette date, le mouvement est né. Ce n'était pas encore officiel. Les doyens, Ndiaga comme d'autres, m'en n'avaient parlé. Je n'y voyais pas d'intérêt mais à partir de 1999, 2000- lorsque je commençais à me prendre en charge, je vous l'ai dit- j'ai vu que la mobilisation était forte. A ce moment-là, comme ils travaillaient, il y avait beaucoup de choses. Il fallait mettre sur pied quelque chose. Donc je me suis dit que ce serait intéressant de participer à ce mouvement. Donc, j'ai adhéré, j'ai acheté ma carte de membre et ma tenue. Donc je commençais à partir de 1999. En 2002, on a eu, on a pu avoir notre récépissé en conformité avec l'article 70-66 du droit des commerces. Donc je me suis dit qu'il est temps actuellement de faire quelque chose de concret. Donc, à partir de 99, je me suis intéressé au mouvement. Je me suis affilié mais pas à cent pour cent. Mais à partir de 2002, je me suis dit qu'il est temps. Il est temps de faire quelque chose pour Cheikh Bou Kounta. J'ai adhéré librement au mouvement, en toute conscience et je me suis intéressé au mouvement parce que je croyais que le mouvement pouvait revivifier la jeunesse et lui donner ce dont elle avait besoin, c'est-à-dire les recherches ou bien la connaissance. C'est ce qui m'intéressait.
11:10-MGN: Et le daaïra dont vous parliez tout à l'heure, est-ce que c'était un daaïra de jeunes seulement ou est-ce qu'il y avait des personnes de tout âge ?
Oui …
11:20- MGN : Parce qu'on a fait des entrevues avec Cheikh …, par exemple, qui dirige un daaïra, n'est-ce pas ? Mais je crois que là c'était plutôt des personnes de l'âge mûr et peut-être même des femmes.
Ok ! Les daaïra, d'habitude, étaient composés de jeunes, des personnes de troisième âge parfois, des gamins, toutes les générations étaient confondues. Donc, parfois nous étions sous l'ombre de nos parents en quelque sorte. Ces daaïra nous permettaient de revoir les choses mais nous avions quand même des accès limités parce qu'en cours de discussion, c'était les mots de nos parents qui étaient privilégiés. Nous nous n'avions pas quelque chose à dire. La jeunesse s'est retrouvée à partir du « Mouvement des Jeunes Khadres». Ça ne regroupe que les jeunes. Le mouvement accepte toutes les couches sociales, accepte tout le monde mais le mouvement est dirigé par des jeunes et sera toujours dirigé par des jeunes. Donc, c'est un mouvement de jeunes. Les autres qui viendront, peut-être, participer seront des bienvenus ou bien des personnes morales avec lesquelles nous pouvons avoir des conseils et autre. C'est quand même un mouvement de jeunes, contrairement au daaïra qui regroupait des jeunes, des vieux et toutes les tranches d'âge en quelque sorte. Donc, c'est différent.
13:04-MGN: Et qui a dirigé le daaïra auquel vous apparteniez avant de vous lancer dans le « Mouvement des Jeunes Khadres » ?
Ok. Ce daaïra était dirigé par un vieux de Mbour qui s'appelle Djiby Ndiaye, Cheikh Djiby Ndiaye, à peine âgé de soixante et quelques années, peut-être. C'était un vieux, un maçon, un entrepreneur maçon. C'est lui qui dirigeait ce daaïra. Donc, comme nous, étant jeunes, c'est nous qui devions chanter comme on le fait dans les daaïra et battre les « tabalas ». Ils avaient besoin de nous et nous aussi nous avions besoin de diriger pour avancer. Donc, c'était un daaïra dirigé par ce vieux. Actuellement, il est devenu Cheikh…
13:54-MGN: Ah d'accord !
On l'appelle Cheikh Djiby Ndiaye. Donc, le daaïra s'appellait « Nourou Cheikh Sidy Moukhtar » [La Lumière de Cheikh Sidy Moukhtar]. A l'époque, ce daaïra était à Mbour Thiossé, Ndakhar Passoire. Donc, c'était un daaïra qui regroupait mes tantes, l'ainé de la famille de ma mère, en quelque sorte, la grande sœur de ma mère, la grande- sœur de ma mère y était, ma propre mère y était, mes tantes, mes cousins et d'autres familles khadre qui étaient à côté. Ça regroupait presque des familles, des jeunes y compris des vieux.
14:33-MGN: Et quelles étaient vos activités en ce moment, l'activité de la daaïra ? Est-ce que vous aviez aussi un « tabala » ?
« Tabala » ?
14:45-MGN: Oui !
Oui. Je peux dire que… Attends, je vais d'abord répondre à la question des activités du daaïra. Les activités de notre daaïra se limitaient en quelque sorte à la préparation du gàmmu. C'est-à- dire que chaque jeudi, on l'appelle « Gouddi Ajouma », la nuit du vendredi qui débute le jeudi à minuit, on organisait des daaïra. On venait et chacun devait donner une cotisation de 50 ou de 100 francs selon l'âge. Donc, cet argent était gardé. A l'arrivée du gàmmu, on se préparait. On allait à Ndiassane faire notre « ziaara », revenir et commencer les cotisations. Mais il n'y avait pas une activité concrète ou une activité qui peut être pécuniaire. On se limitait juste aux chants, à l'exaltation de certains noms de Dieu-les chants Khadriya- après, cotisait et rentrait jusqu'au jeudi suivant. C'était comme ça jusqu'à l'arrivée du gàmmu de Ndiassane et nous y allions pour renouveler notre acte d'allégeance. Donc, c'était cela l'activité du daaïra et ça nous permettait, nous jeunes-que ça soit jeunes ou vieux- de se voir chaque jeudi. C'était important. En ce qui concerne le « tabala », je peux dire je suis né avec. Dans ma famille, presque tous mes frères, la plupart de mes frères, que ça soit Ndiaga, que ça soit l'autre, Bou, il s'appelle Bou, que ça soit Ousmane qui est décédé en 1998, chantaient. Moi-même je chantais. Tout le monde chante ou bien si tu ne chantes pas, tu tapes le « tabala ». Donc, je suis né avec. Mon père, bien avant ma naissance, dirigeait des daaïra khadres. Il était cheikh avant de décéder. Il a été nominé cheikh par le fils de Cheikh Sidy Yakhya. Avec mon grand-père, c'était comme ça. Je peux dire la même chose de mes grands-pères. Donc, je suis né avec mais le premier « tabala » que j'avais en ma possession m'a été offert par un chanteur khadre du nom de Ablaye Thiam. Ablaye Thiam aussi est décédé depuis … lorsque j'étais gamin, peut-être quand j'avais quatre ans ou cinq ans. C'est lui qui m'avait donné un « tabala » et je jouais avec. J'ai donc connu le « tabala » depuis ma naissance, je peux dire.
17:37-MGN: Est-ce qu'il y avait des femmes chanteuses dans votre daaïra?
Dans notre daaïra ?
17:44-MGN: Oui. Ou est-ce que c'était surtout des hommes qui chantaient ?
Non. C'était surtout des hommes qui chantaient. C'était nous. Les premières filles, je ne vais pas dire les femmes mais les premières filles, qui ont commencé à chanter, c'est moi qui les avais formées en quelque sorte. D'habitude, j'écrivais les chansons khadre, que ça soit en arabe ou en français wolofisé pour leur donner cela afin qu'elles puissent apprendre les chansons. J'ai même formé mes nièces qui chantent actuellement de manière acceptable. Mais bien avant, j'ai entendu dire que dans ma famille, il y avait une de mes sœurs - qui est décédé depuis longtemps - qui chantait parfaitement les chansons khadre.
18:32-MGN: Donc vous avez appris l'arabe aussi, si vous avez écrit des chansons en arabe ?
Oui ! J'ai appris l'arabe et je lis l'arabe aussi.
18:39-MGN: Ah, d'accord…
J'ai appris l'arabe. Avant l'école française, j'étais allé à l'école coranique. On est obligé quand même si on est musulman dans nos sociétés. J'étais allé à l'école coranique. J'ai commencé à apprendre l'arabe, je peux dire à l'âge de deux ans, juste deux ou trois ans. Après une année, je peux dire en (19) 93, j'ai commencé à lire, l'arabe de manière acceptable et j'ai continué dans cette mouvance.
19:13-MGN : Et l'Ecole coranique que vous fréquentiez, c'était à Mbour aussi ?
Oui ! C'était à Mbour.
19:21-MGN: Et qui la dirigeait ?
D'abord il y avait… J'étais à l'école coranique Ouztaz Ndiaye. Je ne sais s'il est toujours vivant ou non. Il y a eu aussi un autre Ouztaz Ndiaye qui détenait une autre école à côté. J'étais là-bas parce que la première école était fermée. L'autre Ouztaz Ndiaye a ouvert une autre école. J'étais là-bas. Par la suite, j'étais dans un daara -mais pas comme les daara où vous voyez les enfants circuler dans les rues- dirigé par un Toucouleur…
19:53-MGN : oui, oui !
…qui s'appelait Ouztaz Kane. Son enseignement était différent des autres. Parce que l'autre daara, c'était en quelque sorte une école Franco-Arabe. L'autre, c'était purement arabe. Par la suite, j'étais allé dans une école franco-arabe pure : [Ecole] Franco-Arabe de Ouztaz Ndiouga Dieng. C'était de [19]96 jusqu'en 2000. Par la suite, j'ai continué. Même à l'école française, je faisais l'arabe. J'avais choisi comme série la L2 et la langue que j'avais prise comme LV1 était l'arabe. Même en faisant mon BAC, j'ai fait l'arabe à l'examen. Donc c'est comme ça que j'ai appris l'arabe.
20:50-MGN: Quel est votre rôle actuel dans le MJK ?
Dans le MJKS ? Mon rôle actuel ? Je suis actuellement adjoint du président de la commission de recherche et de documentation. D'habitude, on dit commission scientifique mais moi je dis commission de recherche et de documentation. Parce que le titre scientifique sonne un peu « sciences » mais en quelque sorte ce sont les recherches et la documentation. Commission de recherche et de documentation ! D'autres vont vous dire commission scientifique mais moi je dis commission de recherche et de documentation parce que, personnellement, j'ai mis en avant la recherche et la documentation d'abord afin de pouvoir produire quelque chose pour les jeunes et les générations futurs. Donc, c'est ça mon rôle.
21:42-MGN : Puisque vous êtes professeur en histoire et géographie, je crois que c'est vraiment un bon travail pour vous. Vous pouvez bien le faire…
Oui ! Ça nous aide parce que je peux dire qu'à partir de 2000… pourquoi je me suis lancé sans hésiter dans le mouvement. A partir de 2000, on a commencé à faire des expositions comme nous l'avions fait à Ndiassane. C'était Sana Cissokho qui le dirigeait à l'époque. Il était en même temps étudiant. En ce moment-là, moi j'étais élève. Il était étudiant mais moi j'étais élève…
22:15-MGN: D'accord !
Donc, il dirigeait. Lorsque je quittais Mbour, arrivé sur place, j'étais en quelque sorte éberlué, j'étais … par cette exposition qui était magnifique. Je me suis dit : « mais, au lieu de chercher autre chose à faire, il vaudrait mieux que je me lance dans cette commission. Ce serait mieux pour moi. » C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à pousser mes recherches, à pousser ma documentation afin de pouvoir apporter beaucoup de choses à cette commission. C'était en 2000, 2001 et 2002. Par la suite, comme Sana était devenu professeur d'histoire et de géographie, il n'avait plus le temps. Il m'a passé les choses et avec Babacar, nous avions commencé à travailler de manière vraiment cordiale. Et depuis lors nous continuons sur cette lancée et nous sommes actuellement en train de former d'autres élèves et des étudiants qui viendront peut-être prendre la relève.
23:26-MGN: Est-ce que vous déplacez les expositions que vous faites ? Par exemple, l'exposition que vous avez faite à Ndiassane lors du gàmmu, est-ce que vous déplacez ça aussi dans les régions lors d'évènements pour le faire connaitre en dehors de Ndiassane, même aux gens qui ne viennent pas à Ndiassane pour le gàmmu?
Nous l'avions voulu parce que nous le faisions à l'université. On le faisait à l'université à l'époque mais par la suite le centre névralgique, est devenu Ndiassane. Le centre névralgique du mouvement est Ndiassane mais les étudiants le faisaient. Nous étions un peu dispersés par ci par là. Il y avait d'autres, peut-être qui n'avaient pas le courage ou bien qui n'avaient pas l'amour, mais c'était un peu difficile de le déplacer. Donc, nous nous sommes consacrés à l'exposition juste à Ndiassane pendant les évènements. Mais en dehors des évènements, le « Mouvement des Jeunes Khadres » a mis sur pied d'autres activités qui peuvent remplacer l'exposition. Par exemple, on peut organiser des conférences. Récemment à Mbour, on avait organisé ce qu'on appelle « Takussanou Cheikh Bou Mouhamed », c'est-à-dire « la journée de Cheikh Bou Mouhamed » à Mbour. On l'avait organisé avec la cellule de Mbour. On parlait de la khadriya, on parlait de l'histoire de Cheikh Bou Mouhamed. On parlait de l'histoire de Cheikh Sidy Makhtar en fonction des conférences. Chaque membre du MJKS, chaque membre de cette commission a un rôle, un rôle de propagande en quelque sorte. Dans des évènements, arrivés sur place, nous mettons coûte-que-coûte mise sur pied une commission pour pouvoir au moins véhiculer quelques idées qui attirent peut-être les jeunes à comprendre ou bien à adhérer au mouvement. C'est notre rôle. On essaie toujours de le faire à travers des conférences, pendant certains mois comme celui du Ramadan. D'habitude, je faisais des émissions à la radio, à Mbour surtout, comme moi je suis à Mbour. Je faisais des émissions à la radio à Mbour parlant de Cheikh Abdou Khadre Djeilani. A l'approche du gàmmu, on peut faire une émission à Mbour parlant de Cheikh Bou Mouhamed. Si c'est le gàmmu de Ndankh, on parle de Cheikh Bounama ainsi de suite. Le mouvement s'active toujours mais l'exposition est difficile à déplacer dans les régions faute de moyens.
26:26-MGN : Oui, oui. Je comprends. Combien de personnes est-ce qu'il y a dans la commission ?
Actuellement, nous avons dix membres qui sont dans la commission. Mais, il y a d'autres membres. C'est-à-dire que la commission est ouverte à toute personne capable de prendre une plume et de tremper la plume dans l'encre. Donc, toute personne qui sait écrire et lire est acceptée dans la commission. Si vous pouvez faire des recherches, faire de la documentation, écrire, la commission a besoin de vous. Elle cherche toujours des jeunes, que ça soit des élèves, des étudiants, qu‘ils apprennent l'arabe, le français ou l'anglais. L'essentiel c'est de pouvoir lire et écrire. C'est l'essentiel. La commission est ouverte. Mais pour les membres élus par le bureau, nous sommes actuellement au nombre de dix.
27:23-MGN: Ah d'accord ! Ce sont des hommes et les femmes, n'est-ce pas ?
Oui ! Ce sont des hommes et des femmes.
27:30-MGN: D'accord ! Est-ce que des nouvelles cellules ont été créées ces dernières années ? Parce que quand nous avons parlé avec Ndiaga, lui, il disait que le mouvement était vraiment en train de s'élargir, n'est-ce pas, et créait de nouvelles cellules à travers le Sénégal…
Oui ! Tout à fait. Parce qu'actuellement, on peut dire qu'au début c'était Dakar, Bargny, Rufisque et Mbour. C'était ces… Dakar, Bargny, Mbour, Ndiassane et Thiès. Mais actuellement dans le Saloum- à Saragaté, Thiariack- nous avons une cellule là-bas. La cellule de Mbour, Mbour en tant que commune, s'est élargie. On a créé la cellule de Malikounda. Il y avait la cellule de Campement Ngekhokh, la cellule de Mboulème, un village qui se trouve à côté. Il y avait la cellule de Tambacounda. Et à Tamba, il y avait deux cellules. Il y avait une cellule à Saint Louis. Mais il y a des retards dans ces cellules. Il y a des retards parce que d'habitude, au moment de certaines activités, ils ont du mal à être présents parce qu'ils sont éloignés de Dakar. Dakar est trop éloigné de ces villes et tout se fait entre Dakar, Thiès, Mbour et Bargny. Cela fragilise les liens qui unissent les jeunes parce que les jeunes de Tamba ne viennent que les gàmmu. Au moment des gàmmu, les jeunes sont nombreux, chacun porte sa tenue bleue et d'ailleurs c'est ce qui est intéressant. Chacun porte sa tenue bleue et on travaille corps et âme ensemble. Mais après le gàmmu, certains ont du mal à venir ici parce que l'accès dans ces zones est difficile, la communication est difficile là-bas. Mais quand même, il y a de nouvelles cellules qui naissent, il y a de nouvelles cellules qui sont créées et on souhaiterait même créer d'autres cellules d'ici peu de temps.
30:02 -MGN: Donc c'est surtout lors du gàmmu qu'il y a des rencontres entre cellules, n'est-ce pas ? Ou est-ce qu'il y a des rencontres des représentants des cellules hors du gàmmu?
Oui ! Il y a des réunions de ce qu'on appelle le BEN. Le Bureau Exécutif National convoque des réunions chaque mois.
30:..-MGN: Ah d'accord !
Presque chaque mois, on convoque des réunions ordinaires. Mais il peut y avoir des réunions extraordinaires. C'est-à-dire qu'au cas où le besoin se présente, on convoque automatiquement une réunion. Mais on peut dire que tous les quinze jours, une cellule convoque une réunion ou bien en cas de besoin. Chaque quinzaine le bureau national convoque une réunion. La semaine suivante, si la réunion a été tenue un samedi, le dimanche les départements ou bien les cellules doivent convoquer leur réunion pour faire leur compte-rendu de la réunion du bureau exécutif national et discuter des décisions qui ont été prises par le bureau exécutif national. Une semaine plus tard, dans d'autres réunions convoquées par le bureau exécutif, ce qui a été discuté dans les cellules est transmis au bureau exécutif national et cela de manière continue. Mais comme je vous le dit, les autres zones qui se trouvent éloignées, n'ont pas eu cette chance. Donc, en quelque sorte c'est entre Thiès, Mbour, Ndiassane, Malikounda, Mboulème -qui n'est pas trop éloigné- Ngekhokh, ces zones qui sont en quelque sorte proches de Dakar et de Ndiassane.
31:51-MGN: Est-ce que vous dirigez une cellule là où vous enseignez, à la frontière avec la Gambie, dans le Saloum ?
Pas encore. Moi, j'enseigne à Malem Hodar dans la région de Kaffrine. Pas encore ! Il y a là-bas une communauté khadre mais pas trop nombreuse quand même. Il n'y a pas beaucoup de membres dans la zone où je me trouve. C'est la Tidianiya des Niassène qui y domine. On y voit rarement d'ailleurs de Mouride encore moins de Khadre. Il y a quand même quelques maisons, je crois trois, à Malem Hodar, qui sont khadre. Et je n'ai pas pu pour l'instant tisser les liens avec elles pour créer ce qu'on appelle une cellule là-bas.
32:42-MGN: Est-ce qu'il y a des cellules en Casamance aussi parce que, d'après ce que sais, d'après ce qu'on m'a dit, il y a des talibés de Ndiassane dans la Casamance, n'est-ce pas ?
Oui ! Pour l'instant et à ma connaissance, nous n'avons pas encore de cellule là-bas. On avait programmé de créer une cellule en Casamance. On l'avait programmé surtout à Sédhiou, là où était Bounama Sédhiou. J'espère que vous avez entendu ce nom auparavant. Donc, on a pensé que nous allons créer une cellule là-bas mais la cellule n'est pas encore créée. Elle n'est pas encore créée parce que la Casamance est éloignée et au Sénégal, le problème de transport se pose, le problème de communication se pose aussi. Il est difficile de créer une cellule qui peut vivre longtemps s'il n'y a pas de suivi. C'est difficile.
33:42-MGN: Puisqu'il y a des talibés en Gambie aussi, est-ce que le mouvement aussi essaie de travailler avec de jeunes talibés en Gambie ?
Ça nous ne l'avons pas encore fait. Seulement, c'est le Mali que nous avons visé. C'est au Mali que nous avons essayé, ça n'a pas encore abouti mais nous essayons jusqu'à présent. Pour la Gambie nous n'avons pas encore essayé parce que pour le faire, il faut au moins un sénégalais qui comprend le mouvement et capable de véhiculer le message dans la zone, c'est-à-dire dans ce pays. Que ça soit à Mali, que ça soit en Gambie ou bien en Guinée, il faut quelqu'un, un sénégalais, qui comprend le mouvement et qui est capable de transmettre l'information qu'il faut. Donc, c'est ce qui nous manque en Gambie mais au Mali, nous essayons. Nous sommes en train d'essayer…
34:39-MGN: Dans quelle région ?
…au Mali, surtout dans la capitale Bamako, parce que d'habitude, nous essayons de commencer à partir de la capitale pour entrer à l'intérieur. Ce serait plus facile que de quitter les autres zones pour entrer dans la capitale.
34:59-MGN: Oui ! Et à Bamako, c'est dans quel quartier?
Je ne connais pas exactement les quartiers de Bamako mais j'ai un cousin qui est tailleur là-bas.
35:07-MGN: Ah d'accord !
Lui, il est là-bas. Il y a des communautés khadres qu'il connait. Et d'ailleurs ce sont des sénégalais. Il essaie de parler avec eux. Peut-être si cette communauté sénégalaise khadre se regroupe, il y aura des maliens qui les rejoindront peut-être.
35:30 –MGN: Comment fonctionne la communication entre le bureau exécutif, la commission et les cellules ?
Dans le bureau exécutif, chaque cellule a son représentant. Pour élire le bureau exécutif, nous sommes tenus de tenir une AG- assemblée générale. Donc, l'AG est convoquée, chaque cellule est représentée. Après avoir élu les membres du bureau exécutif d'abord, on choisit parmi ces membres le président du bureau exécutif. Il y a un ou deux représentants d'une cellule, minimum un. Les représentants de cellule vont choisir le coordonnateur du mouvement. A chaque réunion, toutes les cellules sont convoquées. Et les réunions finies, on va automatiquement écrire un procès-verbal, un PV, qui est transmis à toutes les cellules. Actuellement, les choses deviennent de plus en plus faciles avec l'internet qui nous permet quand même d'accéder à l'information. Même avec mon téléphone portable, je peux automatiquement me connecter à internet et voir le dernier PV écris par le « Mouvement des Jeunes Khadres », surtout via Facebook. Donc, ça nous permet de communiquer et d'avoir automatiquement les informations à temps réel …
37:15-MGN: Oui , c'est bien. Est-ce qu'il des liens entre le MJK et la fédération des daaïra ?
Oui ! Je peux dire qu'il y a des liens dans la mesure où la fédération des daaïra s'occupe de l'organisation du gàmmu. Ils sont proches du Khalife. Ils sont des cheikhs. La plupart d'entre eux sont des cheikhs proches du khalife. Pour organiser le gàmmu, ils ont besoin de la force jeune. C'est en ce moment qu'ils font appel au « Mouvement des Jeunes Khadres » parce qu'il y a certains travaux que certaines personnes âgées ne peuvent pas faire. Donc, c'est à nous de faire ce travail à la place. Eux, ils sont proches. Ils reçoivent les directives du Khalife et ils nous demandent de faire et nous exécutons. Dans ce sens, il y a un lien. A part cela, quand le khalife convoque la fédération, le mouvement, le MJKS, est aussi représenté. Les directives sont données par le khalife. Mais à la sortie, quand nous travaillons nous écoutons la fédération des daaïra. La fédéraion des daaïra regroupe, en quelque sorte, toutes les daaïra du Sénégal. Le « mouvement des Jeunes Khadres» regroupe en quelque sorte presque tous les jeunes Khadres du Sénégal qui veulent y adhérer. Donc, c'est ça. La fédération, sur le plan national, est plus large, plus grande parce que tous les daaïra doivent être enregistrées par la fédération. Le « Mouvement des Jeunes Khadres» s'occupe des jeunes, fait appel aux jeunes qui veulent travailler pour Cheikh Bou Kounta de manière bénévole. Donc, la différence c'est ça. La fédération, c'est toutes les daaïra du Sénégal. Le « Mouvement des Jeunes Khadres s» est constitué des jeunes qui veulent y participer mais nous recevons parfois des directives venant de la fédération et nous travaillons avec eux de manière familiale. C'est eux nos pères. Ce sont nos pères qui la dirigent, mon père était membre de la fédération. Moi, j'étais dans le « Mouvement des Jeunes Khadres». Donc, lui quand il donnait des ordres, je les suivais. La plupart des jeunes qui se trouvent dans le mouvement, leurs pères font partie de la fédération des daaïra en quelque sorte.
40:11-MGN: D'accord ! Est-ce que le mouvement assiste aussi, ou comment dirai-je, donne un appui à l'éducation religieuse de jeunes?
Oui ! Nous participons à ça. La manière dont nous le faisons est informelle mais nous participons à cela. Par exemple, à Ndiassane, le mouvement n'avait pas les moyens, n'a pas les moyens jusqu'à maintenant, mais avait initié, avait demandé qu'on construise un daara. Ce daara a été construit. On constate que la plupart ou certains, je peux dire certains jeunes khadres, qui se trouvent dans le mouvement sont des enseignants. Certains ! Et d'autres sont des enseignants de l'école coranique. Et eux de leur façon, ils enseignent. Et nous aussi, de notre façon, nous enseignons. A part ça ; les talibés khadres qui font partie du mouvement, nous tenons tous les jeudis ou bien les dimanches des daaïra1 pour le compte du «Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal» qui est différent des daaïra, des autres daaïra. Donc l'ensemble… On l'appelle d'habitude des tours d'animation. C'est comme ça que nous l'appelons : des tours d'animation. On organise ces genres de tours. Donc, le jour-j, avant de commencer, on choisit un thème qu'on développe. Un exemple dans mes écrits est le lavage majeur. Je peux écrire un article sur le lavage majeur, c'est-à-dire, comment se laver pour le « Jannab ». On parle de ce thème aujourd'hui. La semaine prochaine, arrivés sur place, on peut parler du Prophète Mouhamed. On peut parler des prières. On peut parler de beaucoup de choses. C'est dans ces conditions que nous travaillons pour l'éducation. Mais nous n'avons pas une école appartenant au « Mouvement des Jeunes Khadres ». Non, nous ne l'avons pas encore.
42:45-MGN: Comment-est-ce que vous organisez ces tours d'animation?
Les tours d'animation, ce sont les cellules qui les organisent. Ce sont les cellules. Par exemple à Mbour, il y a ce qu'on appelle la cellule départementale de Mbour qui regroupe la sous-cellule de Mboulème, la sous-cellule de Malikounda, la sous-cellule de Campement Ngekhokh, la sous-cellule de Malikounda Sass- parce qu'il y a deux Malikounda. Il y a un calendrier bien déterminé : tel mois ou bien telle semaine, tel jour, c'est Malikounda Mbambara qui va organiser. L'autre quinzaine c'est Mboulème qui va organiser l'autre quinzaine etc., etc. Et chaque quinzaine, nous allons nous mobiliser, organiser un convoi. Arrivés sur place-si c'est à Mboulème nous prenons des véhicules-, nous assurons l'animation. Après quoi chacun rentre chez lui et nous attendons la semaine ou bien les tours d'animations suivants selon un calendrier qui est déterminé par la cellule, qui en cela, est indépendante du bureau exécutif national. Donc, ses activités, elle le fait toute seule. Si le bureau exécutif national a besoin d'elle, à ce moment-là, la cellule va rejoindre le bureau exécutif national ; parce que le bureau exécutif national est dirigé par des dirigeants des cellules ou bien par des membres des cellules. Ce sont les membres de ces cellules-là qui vont se regrouper pour discuter des problèmes rencontrés dans les cellules et ces discussions seront transmises. Donc à ce moment-là, les tours d'animations, les cellules les organisent de manière indépendante du bureau exécutif national et nous les organisons selon un calendrier bien déterminé.
44:39-MGN: D'accord ! Est-ce que vous savez pourquoi on a choisi la couleur bleue pour la tenue des membres ?
D'abord, à l'époque de Cheikh Bou Kounta, nous avions voulu uniformisé les tenues. Et pour le faire, nous avions pensé aux couleurs de l'Islam d'abord : couleur blanche, la couleur verte et la couleur bleue. Et dans d'autres organismes, par exemple les Mouchtachidine des Tidiane, ils ont la couleur blanche. COSCAS des Tidiane aussi, ils ont la couleur verte. Nous, nous avons donc choisi la couleur bleue pour faire référence au ciel, mais le plus intéressant pour la couleur bleue, c'est le symbole qui s'y trouve. C'est le symbole qui s'y trouve a un caractère métaphorique, il a beaucoup de sens. Qu'on choisisse le bleu ou le noir l'important est que le chameau ou bien la chamelle y figure. C'est ça l'essentiel.
45:58-MGN: Oui ! Et comment est-ce que vous avez choisi le chameau ou la chamelle ?
Vraiment c'est emblématique, d'abord, si nous lisons, si nous faisons un retour un peu à l'époque du Prophète de l'Islam. L'hégire, c'est 122 et quand le prophète de l'Islam se déplaçait de la Mecque vers Médine, il était sur une chamelle blanche. On a pris l'image de cette chamelle qui symbolise la Khadriya en quelque sorte. On avait aussi pensé de prendre ce qu'on appelle l'autruche. Nous avions pensé à cela. L'Autruche, pour faire allusion à l'image de Cheikh Abina Ahmadal Kountiyou. Donc, une de ces deux images s'imposait. Par la suite on a décidé de prendre la chamelle que le Prophète avait choisie car on a estimé que cette image serait plus fulgurante, serait plus emblématique, serait plus métaphorique pour symboliser notre conviction envers l'Islam, envers la Khadriya.
47:13-MGN: Je ne sais pas, mais pour moi, quand je vois le chameau, je pense aussi aux origines de Cheikh Bou Kounta et de son père Bounama Kounta qui venait du désert. Je ne sais si vous pensez à cela aussi…
Tout à fait ! Nous avons pensé à cela parce que les Kounta sont des descendants authentiques du Prophète de l'Islam à deux niveaux. Peut-être, l'histoire, le temps ne nous permet pas de l'expliquer et d'entrer dans les détails. Ils ont des liens avec le prophète de l'Islam. Donc c'était pour faire allusion à Cheikh Bounama. Nous, nous disons que faire allusion à Cheikh Bou Kounta, à Cheikh Bounama, Cheikh Sidy Makhtar, c'est faire allusion au Prophète de l'Islam, qui est au début et à la fin de tout dans Khadriya. Donc, c'est pour cela que nous nous référons directement au prophète de l'Islam. Nous pouvions tout juste parler de leurs origines maures qui s'expliquent par les chameaux qui leur permettaient de traverser le Sahara. Mais ce serait trop court pour expliciter l'histoire du mouvement. Nous avions donc d'abord pensé au Prophète qui est leur ascendant direct avant d'en arriver aux Kounta qui sont des arrière-petits-fils. C'est pour cela que tout à l'heure je vous ai parlé de l'autruche en parlant de Cheikh Bounama. Bounama dit Sidy Ahmad. Le nom Bounama vient de l'autruche. ‘An nahama ‘ en arabe signifie l'autruche. Son homonyme qui devait partir à la Mecque pour faire son pèlerinage n'avait pas de monture. Et en plein désert, il priait pour avoir une monture parce que le soleil était tellement ardent. A ce moment-là, ces prières furent exaucées automatiquement. L'Autruche vint à son secours pour lui demander de monter sur son dos pour son moyen de transport vers la Mecque. Donc on pouvait faire allusion à cet autruche pour parler de ‘' an nahama ‘' mais, pour pousser plus loin, on a dit que la chamelle du Prophète de l'Islam serait quand même mieux, serait plus explicative que l'autruche. Mais faire allusion au prophète de l'Islam était notre but.
50:00-MGN: Merci. Vous avez répondu à toutes mes questions. Est-ce que vous avez quelque chose que vous voulez ajouter, quelque chose qu'on n'a pas évoqué ?
Je remercie le ciel et je dis merci à Maria de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer. Ce que moi je voudrais ajouter, c'est tout juste de faire, je ne sais pas qui va entendre cet enregistrement, tout juste d'appeler la communauté Khadriya partout dans le monde à revoir les sources et la souche de la Khadriya, et à s'organiser afin de pouvoir développer les moyens qui permettront aux générations futures de pouvoir comprendre la Khadriya parce que la Khadriya est stagnante en quelque sorte, comparée aux autres confréries. Nous jeunes, nous devons être en mesure de rehausser la Khadriya. Et j'‘appelle toute la communauté musulmane, tous les jeunes khadres, tous les khadres du monde entier, à revoir vraiment les sources et de retravailler pour la Khadriya. A part ça, je vous remercie, madame Maria !
51:21-MGN: C'est à moi de vous remercier. Merci beaucoup. Merci !
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1 Ici, daaïra veut dire « cérémonie religieuse » et non pas « association ».
00:03-Maria Grosz-Ngate (MGN): Bonjour, M. Camara. Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Bonjour Maria ! Je m'appelle Cheikh Abdou Khadre Djeilani Camara. Actuellement, je suis professeur de Lettres-Histoire et Géographie au CEM de Malem Hodar, dans la région de Kaffrine, la douzième région du Sénégal. Je suis content de travailler avec vous. Je suis en même temps étudiant à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar.
00:29-MGN: Merci. Comment est-ce que vous êtes devenu talibé de Ndiassane et comment est-ce que vous avez évolué dans cette tarikha ?
Donc je suis talibé khadre parce que, d'abord je suis né talibé khadre. Comme disent certains, je suis un suiviste en quelque sorte. C'est-à-dire dire qu'à ma naissance, j'ai trouvé que mes parents, mes grands-parents étaient des talibés khadre. Je suis né dans une famille khadre. J'ai grandi dans une famille khadre. On m'a éduqué dans la mouvance Khadriya. Et depuis lors j'évolue sur ce chemin. Et entretemps, j'ai vu les choses de manière plus claire. C'est-à-dire qu'en un moment, c'était mes parents qui m'indiquaient le chemin. C'était mes parents qui me disaient quoi faire. Mais, arrivé à l'âge mûr, j'ai pu ressentir l'effet que la Khadriya a pu faire sur moi et de ce fait, je me suis engagé. Je me suis donné corps et âme pour travailler pour le compte de Cheikh Bou Kounta. A partir de ce moment-là, j'ai constaté que je devais faire quelque chose pour ma confrérie. C'est-à-dire que, dans la société actuelle, dans la société sénégalaise surtout, il y a beaucoup de confréries. Chaque famille ou bien la plupart des familles sénégalaises appartiennent à des confréries religieuses. Pour ma famille, c'est la Khadriya. Depuis lors nous évoluons dans ce sens. En évoluant dans ce sens, je me suis dit une seule chose : pourquoi croire en Cheikh Bou Kounta ? Pourquoi suivre Cheikh Bou Kounta ? Donc, j'évolue et j'ai grandi. Allé à Ndiassane, j'ai pu découvrir quelque chose que je ne peux pas expliquer. Les mots me manqueront pour l'expliquer mais je me suis engagé à travailler. Ce travail consiste à faire des recherches comme je le fais toujours. Travailler pour sensibiliser la jeunesse Khadriya afin qu'elle puisse connaitre qu'est-ce c'est la quintessence de la Khadriya. Donc, j'évolue sur cette lancée depuis toujours. J'ai grandi dans une famille khadre et ce depuis lors. Je peux dire que je suis un suiviste pure et dure.
03:00-MGN: D'accord. Oui! Merci. Où-est-ce que vous avez grandi ?
Moi j'ai grandi à Mbour.
03:07 : MGN: Ah d'accord !
J'ai grandi à Mbour. Je suis né à Mbour. J'ai grandi à Mbour. J'ai été éduqué et élevé par ma mère. Depuis lors, je crois que j'ai n'ai jamais mis les pieds hors de Mbour qu'après le Bac. Arrivé à l'université, c'est à partir de ce moment que je me suis lancé dans d'autres horizons. Mais j'étais toujours à Mbour depuis mon enfance, depuis tout petit.
03:35-MGN: Est-ce que vous êtes parti à Ndiassane avec vos parents- avec votre mère ou votre père- avant d'atteindre l'âge mûr…
Oui! Dans notre famille, tout enfant, uh … A l'arrivée du gàmmu de Ndiassane, les enfants doivent aller à Ndiassane faire le « ziaara » annuel. Ça fait partie de l'éducation familiale que nous reçevons dans nos familles. Donc, auparavant, ma mère m'emmenait toujours à Ndiassane faire des visites de courtoisie, faire des visites de « Ziar » au « Gàmmu Gouddi Cheikh Bou » [nuit de Cheikh Bou]. J'ai donc grandi dans cette mouvance, j'ai grandi dans cette lancée. Par la suite, c'était ma sœur, une de mes sœurs, qui me prenait en charge pour m'emmener à Ndiassane. A un moment donné, je me suis dit qu'il est temps que je me prenne en charge. C'est à partir de ce moment-je peux dire à partir de 1999-que j'ai commencé à me débrouiller tout seul pour aller à Ndiassane. D'habitude, je gardais mon argent de poche que je devais emmener à l'école. Je le gardais quelque part. Arrivé au moment du gàmmu, je sortais cet argent pour pouvoir me payer le ticket de transport pour aller en Ndiassane. C'est en (19)99 donc que j'ai commencé en me prendre en charge. Mais avant cela, c'était mes parents…
05:02-MGN: D'accord ! Est-ce que vous avez des souvenirs particuliers, des visites de « ziaara » à Ndiassane durant votre jeunesse ? Est-ce qu'il y a un évènement ou quelque chose qui vous a marqué ?
Ouais. Je me rappelle des séanes parce qu'à l'époque il y restait un peu d'eau. Il n'y restait que peu d'eau. Nous y allions à l'époque pour jouer. D'habitude, nous y allions pour prendre des herbes dont nous n'avions même pas besoin. L'essentiel était donc d'aller dans les séanes, voir les séanes, parfois nous laver, prendre un peu d'eau. Nous ne pouvions pas nous laver avec cette eau mais plutôt on essayait juste de jouer avec et savoir que c'est là, ce sont séanes-là dont nous parlaient nos parents. Ce sont ces séanes-là dont parlaient nos grands-frères. Les souvenirs de Ndiassane, dans ma jeunesse… mais les souvenirs qui m'ont plus marqués ce sont l'étage de Cheikh Sidy Lamine qui est toujours là-bas. L'étage de Cheikh Sidy Lamine, c'était l'image frappante de Ndiassane à l'époque parce que, arrivé à Ndiassane, je me précipitais de sortir de la voiture pour aller à l'étage circuler, faire des vas-et –viens dans cet étage. En ce moment-là, les souvenirs qui m'ont marqué le plus à Ndiassane, c'est surtout l'étage de Cheikh Sidy Lamine qui est actuellement le patrimoine historique de Ndiassane et qui risque quand même de se détériorer. C'est quelque chose qui m'a frappé. C'est le souvenir de mon enfance et je continue toujours de m'en rappeler parce que l'étage est toujours là. On se le rappelle toujours. Même parfois mes parents me parlent de l'étage en rapport à leur jeunesse. Donc, c'est quelque chose d'extraordinaire pour nous.
07:07-MGN: Les visites durant votre jeunesse, c'était sous quel khalife ? Qui était khalife en ce moment ?
En ce moment, c'était sous le khalifat de Cheikh Bou Mouhamed, le fils de Cheikh Bou Mouhamed. En quelque sorte, moi je suis jeune. Je suis né en 1984…
07:29-MGN: D'accord !
Je suis en né en 84. Cheikh Sidy Yakhya a pris… Baye Bou, qu'on appelle Baye Bou, Cheikh Bou Mouhamed a pris le Khalifat en 1987. Je suis né en 1984 sous le khalifat de Cheikh Sidy Yakhya, je ne peux pas me rappeler de beaucoup de chose.
07:45 : MGN-Oui ! Oui ! Effectivement !
Donc, c'est à l'époque de Cheikh Bou Kounta que j'ai pu découvrir Ndiassane en profondeur. C'est l'image qui m'a marqué.
07:55-MGN : Quand est-ce que vous avez joins le mouvement « Jeunes Khadres » ?
Je peux dire … Nous nous débutions par des daaïra. Nous étions des jeunes. Tu es khadre. Tu habites dans quelle localité…. dans…par exemple… à Mbour. Je suis avec des cousins. Moi, j'habite à Grand- Mbour. Ce sont des quartiers peut être que vous ne maitrisez pas. J'habite à Grand-Mbour. Eux, ils habitent à Thiossé mais ils sont des khadres. Nous n'essayons de nous regrouper et, arrivés sur place, nous essayons de tenir des réunions. Nous sommes tous khadre, nous devons créer un daaïra. Un daaïra, c'est une association qui regroupe le minimum de jeunes. Donc c'est à partir de ces daaïra que j'ai évolué. Mais en 1998, c'est à partir de cette date que Cheikh Bou Kounta nous a montré le chemin, Baye Bou nous a montré le chemin pour créer le « Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal ». A l'époque, le terme « Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal », MJKS, n'était pas utilisé mais on parlait de « Jamaha ». C'était une expression arabe qui signifie « Al Jamahatoul Islamiatoul Moutamasikati bi Tariqitou Khadre wa tastati benwaarih khalifa Cheikh Bou Mouhamed ». Un mouvement de Jeunes. Donc, en 98, on a initié le mouvement sous le « ndiguel » comme on le dit, sous l'autorité (l'égide) de Cheikh Bou Mouhamed. A cette date, le mouvement est né. Ce n'était pas encore officiel. Les doyens, Ndiaga comme d'autres, m'en n'avaient parlé. Je n'y voyais pas d'intérêt mais à partir de 1999, 2000- lorsque je commençais à me prendre en charge, je vous l'ai dit- j'ai vu que la mobilisation était forte. A ce moment-là, comme ils travaillaient, il y avait beaucoup de choses. Il fallait mettre sur pied quelque chose. Donc je me suis dit que ce serait intéressant de participer à ce mouvement. Donc, j'ai adhéré, j'ai acheté ma carte de membre et ma tenue. Donc je commençais à partir de 1999. En 2002, on a eu, on a pu avoir notre récépissé en conformité avec l'article 70-66 du droit des commerces. Donc je me suis dit qu'il est temps actuellement de faire quelque chose de concret. Donc, à partir de 99, je me suis intéressé au mouvement. Je me suis affilié mais pas à cent pour cent. Mais à partir de 2002, je me suis dit qu'il est temps. Il est temps de faire quelque chose pour Cheikh Bou Kounta. J'ai adhéré librement au mouvement, en toute conscience et je me suis intéressé au mouvement parce que je croyais que le mouvement pouvait revivifier la jeunesse et lui donner ce dont elle avait besoin, c'est-à-dire les recherches ou bien la connaissance. C'est ce qui m'intéressait.
11:10-MGN: Et le daaïra dont vous parliez tout à l'heure, est-ce que c'était un daaïra de jeunes seulement ou est-ce qu'il y avait des personnes de tout âge ?
Oui …
11:20- MGN : Parce qu'on a fait des entrevues avec Cheikh …, par exemple, qui dirige un daaïra, n'est-ce pas ? Mais je crois que là c'était plutôt des personnes de l'âge mûr et peut-être même des femmes.
Ok ! Les daaïra, d'habitude, étaient composés de jeunes, des personnes de troisième âge parfois, des gamins, toutes les générations étaient confondues. Donc, parfois nous étions sous l'ombre de nos parents en quelque sorte. Ces daaïra nous permettaient de revoir les choses mais nous avions quand même des accès limités parce qu'en cours de discussion, c'était les mots de nos parents qui étaient privilégiés. Nous nous n'avions pas quelque chose à dire. La jeunesse s'est retrouvée à partir du « Mouvement des Jeunes Khadres». Ça ne regroupe que les jeunes. Le mouvement accepte toutes les couches sociales, accepte tout le monde mais le mouvement est dirigé par des jeunes et sera toujours dirigé par des jeunes. Donc, c'est un mouvement de jeunes. Les autres qui viendront, peut-être, participer seront des bienvenus ou bien des personnes morales avec lesquelles nous pouvons avoir des conseils et autre. C'est quand même un mouvement de jeunes, contrairement au daaïra qui regroupait des jeunes, des vieux et toutes les tranches d'âge en quelque sorte. Donc, c'est différent.
13:04-MGN: Et qui a dirigé le daaïra auquel vous apparteniez avant de vous lancer dans le « Mouvement des Jeunes Khadres » ?
Ok. Ce daaïra était dirigé par un vieux de Mbour qui s'appelle Djiby Ndiaye, Cheikh Djiby Ndiaye, à peine âgé de soixante et quelques années, peut-être. C'était un vieux, un maçon, un entrepreneur maçon. C'est lui qui dirigeait ce daaïra. Donc, comme nous, étant jeunes, c'est nous qui devions chanter comme on le fait dans les daaïra et battre les « tabalas ». Ils avaient besoin de nous et nous aussi nous avions besoin de diriger pour avancer. Donc, c'était un daaïra dirigé par ce vieux. Actuellement, il est devenu Cheikh…
13:54-MGN: Ah d'accord !
On l'appelle Cheikh Djiby Ndiaye. Donc, le daaïra s'appellait « Nourou Cheikh Sidy Moukhtar » [La Lumière de Cheikh Sidy Moukhtar]. A l'époque, ce daaïra était à Mbour Thiossé, Ndakhar Passoire. Donc, c'était un daaïra qui regroupait mes tantes, l'ainé de la famille de ma mère, en quelque sorte, la grande sœur de ma mère, la grande- sœur de ma mère y était, ma propre mère y était, mes tantes, mes cousins et d'autres familles khadre qui étaient à côté. Ça regroupait presque des familles, des jeunes y compris des vieux.
14:33-MGN: Et quelles étaient vos activités en ce moment, l'activité de la daaïra ? Est-ce que vous aviez aussi un « tabala » ?
« Tabala » ?
14:45-MGN: Oui !
Oui. Je peux dire que… Attends, je vais d'abord répondre à la question des activités du daaïra. Les activités de notre daaïra se limitaient en quelque sorte à la préparation du gàmmu. C'est-à- dire que chaque jeudi, on l'appelle « Gouddi Ajouma », la nuit du vendredi qui débute le jeudi à minuit, on organisait des daaïra. On venait et chacun devait donner une cotisation de 50 ou de 100 francs selon l'âge. Donc, cet argent était gardé. A l'arrivée du gàmmu, on se préparait. On allait à Ndiassane faire notre « ziaara », revenir et commencer les cotisations. Mais il n'y avait pas une activité concrète ou une activité qui peut être pécuniaire. On se limitait juste aux chants, à l'exaltation de certains noms de Dieu-les chants Khadriya- après, cotisait et rentrait jusqu'au jeudi suivant. C'était comme ça jusqu'à l'arrivée du gàmmu de Ndiassane et nous y allions pour renouveler notre acte d'allégeance. Donc, c'était cela l'activité du daaïra et ça nous permettait, nous jeunes-que ça soit jeunes ou vieux- de se voir chaque jeudi. C'était important. En ce qui concerne le « tabala », je peux dire je suis né avec. Dans ma famille, presque tous mes frères, la plupart de mes frères, que ça soit Ndiaga, que ça soit l'autre, Bou, il s'appelle Bou, que ça soit Ousmane qui est décédé en 1998, chantaient. Moi-même je chantais. Tout le monde chante ou bien si tu ne chantes pas, tu tapes le « tabala ». Donc, je suis né avec. Mon père, bien avant ma naissance, dirigeait des daaïra khadres. Il était cheikh avant de décéder. Il a été nominé cheikh par le fils de Cheikh Sidy Yakhya. Avec mon grand-père, c'était comme ça. Je peux dire la même chose de mes grands-pères. Donc, je suis né avec mais le premier « tabala » que j'avais en ma possession m'a été offert par un chanteur khadre du nom de Ablaye Thiam. Ablaye Thiam aussi est décédé depuis … lorsque j'étais gamin, peut-être quand j'avais quatre ans ou cinq ans. C'est lui qui m'avait donné un « tabala » et je jouais avec. J'ai donc connu le « tabala » depuis ma naissance, je peux dire.
17:37-MGN: Est-ce qu'il y avait des femmes chanteuses dans votre daaïra?
Dans notre daaïra ?
17:44-MGN: Oui. Ou est-ce que c'était surtout des hommes qui chantaient ?
Non. C'était surtout des hommes qui chantaient. C'était nous. Les premières filles, je ne vais pas dire les femmes mais les premières filles, qui ont commencé à chanter, c'est moi qui les avais formées en quelque sorte. D'habitude, j'écrivais les chansons khadre, que ça soit en arabe ou en français wolofisé pour leur donner cela afin qu'elles puissent apprendre les chansons. J'ai même formé mes nièces qui chantent actuellement de manière acceptable. Mais bien avant, j'ai entendu dire que dans ma famille, il y avait une de mes sœurs - qui est décédé depuis longtemps - qui chantait parfaitement les chansons khadre.
18:32-MGN: Donc vous avez appris l'arabe aussi, si vous avez écrit des chansons en arabe ?
Oui ! J'ai appris l'arabe et je lis l'arabe aussi.
18:39-MGN: Ah, d'accord…
J'ai appris l'arabe. Avant l'école française, j'étais allé à l'école coranique. On est obligé quand même si on est musulman dans nos sociétés. J'étais allé à l'école coranique. J'ai commencé à apprendre l'arabe, je peux dire à l'âge de deux ans, juste deux ou trois ans. Après une année, je peux dire en (19) 93, j'ai commencé à lire, l'arabe de manière acceptable et j'ai continué dans cette mouvance.
19:13-MGN : Et l'Ecole coranique que vous fréquentiez, c'était à Mbour aussi ?
Oui ! C'était à Mbour.
19:21-MGN: Et qui la dirigeait ?
D'abord il y avait… J'étais à l'école coranique Ouztaz Ndiaye. Je ne sais s'il est toujours vivant ou non. Il y a eu aussi un autre Ouztaz Ndiaye qui détenait une autre école à côté. J'étais là-bas parce que la première école était fermée. L'autre Ouztaz Ndiaye a ouvert une autre école. J'étais là-bas. Par la suite, j'étais dans un daara -mais pas comme les daara où vous voyez les enfants circuler dans les rues- dirigé par un Toucouleur…
19:53-MGN : oui, oui !
…qui s'appelait Ouztaz Kane. Son enseignement était différent des autres. Parce que l'autre daara, c'était en quelque sorte une école Franco-Arabe. L'autre, c'était purement arabe. Par la suite, j'étais allé dans une école franco-arabe pure : [Ecole] Franco-Arabe de Ouztaz Ndiouga Dieng. C'était de [19]96 jusqu'en 2000. Par la suite, j'ai continué. Même à l'école française, je faisais l'arabe. J'avais choisi comme série la L2 et la langue que j'avais prise comme LV1 était l'arabe. Même en faisant mon BAC, j'ai fait l'arabe à l'examen. Donc c'est comme ça que j'ai appris l'arabe.
20:50-MGN: Quel est votre rôle actuel dans le MJK ?
Dans le MJKS ? Mon rôle actuel ? Je suis actuellement adjoint du président de la commission de recherche et de documentation. D'habitude, on dit commission scientifique mais moi je dis commission de recherche et de documentation. Parce que le titre scientifique sonne un peu « sciences » mais en quelque sorte ce sont les recherches et la documentation. Commission de recherche et de documentation ! D'autres vont vous dire commission scientifique mais moi je dis commission de recherche et de documentation parce que, personnellement, j'ai mis en avant la recherche et la documentation d'abord afin de pouvoir produire quelque chose pour les jeunes et les générations futurs. Donc, c'est ça mon rôle.
21:42-MGN : Puisque vous êtes professeur en histoire et géographie, je crois que c'est vraiment un bon travail pour vous. Vous pouvez bien le faire…
Oui ! Ça nous aide parce que je peux dire qu'à partir de 2000… pourquoi je me suis lancé sans hésiter dans le mouvement. A partir de 2000, on a commencé à faire des expositions comme nous l'avions fait à Ndiassane. C'était Sana Cissokho qui le dirigeait à l'époque. Il était en même temps étudiant. En ce moment-là, moi j'étais élève. Il était étudiant mais moi j'étais élève…
22:15-MGN: D'accord !
Donc, il dirigeait. Lorsque je quittais Mbour, arrivé sur place, j'étais en quelque sorte éberlué, j'étais … par cette exposition qui était magnifique. Je me suis dit : « mais, au lieu de chercher autre chose à faire, il vaudrait mieux que je me lance dans cette commission. Ce serait mieux pour moi. » C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à pousser mes recherches, à pousser ma documentation afin de pouvoir apporter beaucoup de choses à cette commission. C'était en 2000, 2001 et 2002. Par la suite, comme Sana était devenu professeur d'histoire et de géographie, il n'avait plus le temps. Il m'a passé les choses et avec Babacar, nous avions commencé à travailler de manière vraiment cordiale. Et depuis lors nous continuons sur cette lancée et nous sommes actuellement en train de former d'autres élèves et des étudiants qui viendront peut-être prendre la relève.
23:26-MGN: Est-ce que vous déplacez les expositions que vous faites ? Par exemple, l'exposition que vous avez faite à Ndiassane lors du gàmmu, est-ce que vous déplacez ça aussi dans les régions lors d'évènements pour le faire connaitre en dehors de Ndiassane, même aux gens qui ne viennent pas à Ndiassane pour le gàmmu?
Nous l'avions voulu parce que nous le faisions à l'université. On le faisait à l'université à l'époque mais par la suite le centre névralgique, est devenu Ndiassane. Le centre névralgique du mouvement est Ndiassane mais les étudiants le faisaient. Nous étions un peu dispersés par ci par là. Il y avait d'autres, peut-être qui n'avaient pas le courage ou bien qui n'avaient pas l'amour, mais c'était un peu difficile de le déplacer. Donc, nous nous sommes consacrés à l'exposition juste à Ndiassane pendant les évènements. Mais en dehors des évènements, le « Mouvement des Jeunes Khadres » a mis sur pied d'autres activités qui peuvent remplacer l'exposition. Par exemple, on peut organiser des conférences. Récemment à Mbour, on avait organisé ce qu'on appelle « Takussanou Cheikh Bou Mouhamed », c'est-à-dire « la journée de Cheikh Bou Mouhamed » à Mbour. On l'avait organisé avec la cellule de Mbour. On parlait de la khadriya, on parlait de l'histoire de Cheikh Bou Mouhamed. On parlait de l'histoire de Cheikh Sidy Makhtar en fonction des conférences. Chaque membre du MJKS, chaque membre de cette commission a un rôle, un rôle de propagande en quelque sorte. Dans des évènements, arrivés sur place, nous mettons coûte-que-coûte mise sur pied une commission pour pouvoir au moins véhiculer quelques idées qui attirent peut-être les jeunes à comprendre ou bien à adhérer au mouvement. C'est notre rôle. On essaie toujours de le faire à travers des conférences, pendant certains mois comme celui du Ramadan. D'habitude, je faisais des émissions à la radio, à Mbour surtout, comme moi je suis à Mbour. Je faisais des émissions à la radio à Mbour parlant de Cheikh Abdou Khadre Djeilani. A l'approche du gàmmu, on peut faire une émission à Mbour parlant de Cheikh Bou Mouhamed. Si c'est le gàmmu de Ndankh, on parle de Cheikh Bounama ainsi de suite. Le mouvement s'active toujours mais l'exposition est difficile à déplacer dans les régions faute de moyens.
26:26-MGN : Oui, oui. Je comprends. Combien de personnes est-ce qu'il y a dans la commission ?
Actuellement, nous avons dix membres qui sont dans la commission. Mais, il y a d'autres membres. C'est-à-dire que la commission est ouverte à toute personne capable de prendre une plume et de tremper la plume dans l'encre. Donc, toute personne qui sait écrire et lire est acceptée dans la commission. Si vous pouvez faire des recherches, faire de la documentation, écrire, la commission a besoin de vous. Elle cherche toujours des jeunes, que ça soit des élèves, des étudiants, qu‘ils apprennent l'arabe, le français ou l'anglais. L'essentiel c'est de pouvoir lire et écrire. C'est l'essentiel. La commission est ouverte. Mais pour les membres élus par le bureau, nous sommes actuellement au nombre de dix.
27:23-MGN: Ah d'accord ! Ce sont des hommes et les femmes, n'est-ce pas ?
Oui ! Ce sont des hommes et des femmes.
27:30-MGN: D'accord ! Est-ce que des nouvelles cellules ont été créées ces dernières années ? Parce que quand nous avons parlé avec Ndiaga, lui, il disait que le mouvement était vraiment en train de s'élargir, n'est-ce pas, et créait de nouvelles cellules à travers le Sénégal…
Oui ! Tout à fait. Parce qu'actuellement, on peut dire qu'au début c'était Dakar, Bargny, Rufisque et Mbour. C'était ces… Dakar, Bargny, Mbour, Ndiassane et Thiès. Mais actuellement dans le Saloum- à Saragaté, Thiariack- nous avons une cellule là-bas. La cellule de Mbour, Mbour en tant que commune, s'est élargie. On a créé la cellule de Malikounda. Il y avait la cellule de Campement Ngekhokh, la cellule de Mboulème, un village qui se trouve à côté. Il y avait la cellule de Tambacounda. Et à Tamba, il y avait deux cellules. Il y avait une cellule à Saint Louis. Mais il y a des retards dans ces cellules. Il y a des retards parce que d'habitude, au moment de certaines activités, ils ont du mal à être présents parce qu'ils sont éloignés de Dakar. Dakar est trop éloigné de ces villes et tout se fait entre Dakar, Thiès, Mbour et Bargny. Cela fragilise les liens qui unissent les jeunes parce que les jeunes de Tamba ne viennent que les gàmmu. Au moment des gàmmu, les jeunes sont nombreux, chacun porte sa tenue bleue et d'ailleurs c'est ce qui est intéressant. Chacun porte sa tenue bleue et on travaille corps et âme ensemble. Mais après le gàmmu, certains ont du mal à venir ici parce que l'accès dans ces zones est difficile, la communication est difficile là-bas. Mais quand même, il y a de nouvelles cellules qui naissent, il y a de nouvelles cellules qui sont créées et on souhaiterait même créer d'autres cellules d'ici peu de temps.
30:02 -MGN: Donc c'est surtout lors du gàmmu qu'il y a des rencontres entre cellules, n'est-ce pas ? Ou est-ce qu'il y a des rencontres des représentants des cellules hors du gàmmu?
Oui ! Il y a des réunions de ce qu'on appelle le BEN. Le Bureau Exécutif National convoque des réunions chaque mois.
30:..-MGN: Ah d'accord !
Presque chaque mois, on convoque des réunions ordinaires. Mais il peut y avoir des réunions extraordinaires. C'est-à-dire qu'au cas où le besoin se présente, on convoque automatiquement une réunion. Mais on peut dire que tous les quinze jours, une cellule convoque une réunion ou bien en cas de besoin. Chaque quinzaine le bureau national convoque une réunion. La semaine suivante, si la réunion a été tenue un samedi, le dimanche les départements ou bien les cellules doivent convoquer leur réunion pour faire leur compte-rendu de la réunion du bureau exécutif national et discuter des décisions qui ont été prises par le bureau exécutif national. Une semaine plus tard, dans d'autres réunions convoquées par le bureau exécutif, ce qui a été discuté dans les cellules est transmis au bureau exécutif national et cela de manière continue. Mais comme je vous le dit, les autres zones qui se trouvent éloignées, n'ont pas eu cette chance. Donc, en quelque sorte c'est entre Thiès, Mbour, Ndiassane, Malikounda, Mboulème -qui n'est pas trop éloigné- Ngekhokh, ces zones qui sont en quelque sorte proches de Dakar et de Ndiassane.
31:51-MGN: Est-ce que vous dirigez une cellule là où vous enseignez, à la frontière avec la Gambie, dans le Saloum ?
Pas encore. Moi, j'enseigne à Malem Hodar dans la région de Kaffrine. Pas encore ! Il y a là-bas une communauté khadre mais pas trop nombreuse quand même. Il n'y a pas beaucoup de membres dans la zone où je me trouve. C'est la Tidianiya des Niassène qui y domine. On y voit rarement d'ailleurs de Mouride encore moins de Khadre. Il y a quand même quelques maisons, je crois trois, à Malem Hodar, qui sont khadre. Et je n'ai pas pu pour l'instant tisser les liens avec elles pour créer ce qu'on appelle une cellule là-bas.
32:42-MGN: Est-ce qu'il y a des cellules en Casamance aussi parce que, d'après ce que sais, d'après ce qu'on m'a dit, il y a des talibés de Ndiassane dans la Casamance, n'est-ce pas ?
Oui ! Pour l'instant et à ma connaissance, nous n'avons pas encore de cellule là-bas. On avait programmé de créer une cellule en Casamance. On l'avait programmé surtout à Sédhiou, là où était Bounama Sédhiou. J'espère que vous avez entendu ce nom auparavant. Donc, on a pensé que nous allons créer une cellule là-bas mais la cellule n'est pas encore créée. Elle n'est pas encore créée parce que la Casamance est éloignée et au Sénégal, le problème de transport se pose, le problème de communication se pose aussi. Il est difficile de créer une cellule qui peut vivre longtemps s'il n'y a pas de suivi. C'est difficile.
33:42-MGN: Puisqu'il y a des talibés en Gambie aussi, est-ce que le mouvement aussi essaie de travailler avec de jeunes talibés en Gambie ?
Ça nous ne l'avons pas encore fait. Seulement, c'est le Mali que nous avons visé. C'est au Mali que nous avons essayé, ça n'a pas encore abouti mais nous essayons jusqu'à présent. Pour la Gambie nous n'avons pas encore essayé parce que pour le faire, il faut au moins un sénégalais qui comprend le mouvement et capable de véhiculer le message dans la zone, c'est-à-dire dans ce pays. Que ça soit à Mali, que ça soit en Gambie ou bien en Guinée, il faut quelqu'un, un sénégalais, qui comprend le mouvement et qui est capable de transmettre l'information qu'il faut. Donc, c'est ce qui nous manque en Gambie mais au Mali, nous essayons. Nous sommes en train d'essayer…
34:39-MGN: Dans quelle région ?
…au Mali, surtout dans la capitale Bamako, parce que d'habitude, nous essayons de commencer à partir de la capitale pour entrer à l'intérieur. Ce serait plus facile que de quitter les autres zones pour entrer dans la capitale.
34:59-MGN: Oui ! Et à Bamako, c'est dans quel quartier?
Je ne connais pas exactement les quartiers de Bamako mais j'ai un cousin qui est tailleur là-bas.
35:07-MGN: Ah d'accord !
Lui, il est là-bas. Il y a des communautés khadres qu'il connait. Et d'ailleurs ce sont des sénégalais. Il essaie de parler avec eux. Peut-être si cette communauté sénégalaise khadre se regroupe, il y aura des maliens qui les rejoindront peut-être.
35:30 –MGN: Comment fonctionne la communication entre le bureau exécutif, la commission et les cellules ?
Dans le bureau exécutif, chaque cellule a son représentant. Pour élire le bureau exécutif, nous sommes tenus de tenir une AG- assemblée générale. Donc, l'AG est convoquée, chaque cellule est représentée. Après avoir élu les membres du bureau exécutif d'abord, on choisit parmi ces membres le président du bureau exécutif. Il y a un ou deux représentants d'une cellule, minimum un. Les représentants de cellule vont choisir le coordonnateur du mouvement. A chaque réunion, toutes les cellules sont convoquées. Et les réunions finies, on va automatiquement écrire un procès-verbal, un PV, qui est transmis à toutes les cellules. Actuellement, les choses deviennent de plus en plus faciles avec l'internet qui nous permet quand même d'accéder à l'information. Même avec mon téléphone portable, je peux automatiquement me connecter à internet et voir le dernier PV écris par le « Mouvement des Jeunes Khadres », surtout via Facebook. Donc, ça nous permet de communiquer et d'avoir automatiquement les informations à temps réel …
37:15-MGN: Oui , c'est bien. Est-ce qu'il des liens entre le MJK et la fédération des daaïra ?
Oui ! Je peux dire qu'il y a des liens dans la mesure où la fédération des daaïra s'occupe de l'organisation du gàmmu. Ils sont proches du Khalife. Ils sont des cheikhs. La plupart d'entre eux sont des cheikhs proches du khalife. Pour organiser le gàmmu, ils ont besoin de la force jeune. C'est en ce moment qu'ils font appel au « Mouvement des Jeunes Khadres » parce qu'il y a certains travaux que certaines personnes âgées ne peuvent pas faire. Donc, c'est à nous de faire ce travail à la place. Eux, ils sont proches. Ils reçoivent les directives du Khalife et ils nous demandent de faire et nous exécutons. Dans ce sens, il y a un lien. A part cela, quand le khalife convoque la fédération, le mouvement, le MJKS, est aussi représenté. Les directives sont données par le khalife. Mais à la sortie, quand nous travaillons nous écoutons la fédération des daaïra. La fédéraion des daaïra regroupe, en quelque sorte, toutes les daaïra du Sénégal. Le « mouvement des Jeunes Khadres» regroupe en quelque sorte presque tous les jeunes Khadres du Sénégal qui veulent y adhérer. Donc, c'est ça. La fédération, sur le plan national, est plus large, plus grande parce que tous les daaïra doivent être enregistrées par la fédération. Le « Mouvement des Jeunes Khadres» s'occupe des jeunes, fait appel aux jeunes qui veulent travailler pour Cheikh Bou Kounta de manière bénévole. Donc, la différence c'est ça. La fédération, c'est toutes les daaïra du Sénégal. Le « Mouvement des Jeunes Khadres s» est constitué des jeunes qui veulent y participer mais nous recevons parfois des directives venant de la fédération et nous travaillons avec eux de manière familiale. C'est eux nos pères. Ce sont nos pères qui la dirigent, mon père était membre de la fédération. Moi, j'étais dans le « Mouvement des Jeunes Khadres». Donc, lui quand il donnait des ordres, je les suivais. La plupart des jeunes qui se trouvent dans le mouvement, leurs pères font partie de la fédération des daaïra en quelque sorte.
40:11-MGN: D'accord ! Est-ce que le mouvement assiste aussi, ou comment dirai-je, donne un appui à l'éducation religieuse de jeunes?
Oui ! Nous participons à ça. La manière dont nous le faisons est informelle mais nous participons à cela. Par exemple, à Ndiassane, le mouvement n'avait pas les moyens, n'a pas les moyens jusqu'à maintenant, mais avait initié, avait demandé qu'on construise un daara. Ce daara a été construit. On constate que la plupart ou certains, je peux dire certains jeunes khadres, qui se trouvent dans le mouvement sont des enseignants. Certains ! Et d'autres sont des enseignants de l'école coranique. Et eux de leur façon, ils enseignent. Et nous aussi, de notre façon, nous enseignons. A part ça ; les talibés khadres qui font partie du mouvement, nous tenons tous les jeudis ou bien les dimanches des daaïra1 pour le compte du «Mouvement des Jeunes Khadres du Sénégal» qui est différent des daaïra, des autres daaïra. Donc l'ensemble… On l'appelle d'habitude des tours d'animation. C'est comme ça que nous l'appelons : des tours d'animation. On organise ces genres de tours. Donc, le jour-j, avant de commencer, on choisit un thème qu'on développe. Un exemple dans mes écrits est le lavage majeur. Je peux écrire un article sur le lavage majeur, c'est-à-dire, comment se laver pour le « Jannab ». On parle de ce thème aujourd'hui. La semaine prochaine, arrivés sur place, on peut parler du Prophète Mouhamed. On peut parler des prières. On peut parler de beaucoup de choses. C'est dans ces conditions que nous travaillons pour l'éducation. Mais nous n'avons pas une école appartenant au « Mouvement des Jeunes Khadres ». Non, nous ne l'avons pas encore.
42:45-MGN: Comment-est-ce que vous organisez ces tours d'animation?
Les tours d'animation, ce sont les cellules qui les organisent. Ce sont les cellules. Par exemple à Mbour, il y a ce qu'on appelle la cellule départementale de Mbour qui regroupe la sous-cellule de Mboulème, la sous-cellule de Malikounda, la sous-cellule de Campement Ngekhokh, la sous-cellule de Malikounda Sass- parce qu'il y a deux Malikounda. Il y a un calendrier bien déterminé : tel mois ou bien telle semaine, tel jour, c'est Malikounda Mbambara qui va organiser. L'autre quinzaine c'est Mboulème qui va organiser l'autre quinzaine etc., etc. Et chaque quinzaine, nous allons nous mobiliser, organiser un convoi. Arrivés sur place-si c'est à Mboulème nous prenons des véhicules-, nous assurons l'animation. Après quoi chacun rentre chez lui et nous attendons la semaine ou bien les tours d'animations suivants selon un calendrier qui est déterminé par la cellule, qui en cela, est indépendante du bureau exécutif national. Donc, ses activités, elle le fait toute seule. Si le bureau exécutif national a besoin d'elle, à ce moment-là, la cellule va rejoindre le bureau exécutif national ; parce que le bureau exécutif national est dirigé par des dirigeants des cellules ou bien par des membres des cellules. Ce sont les membres de ces cellules-là qui vont se regrouper pour discuter des problèmes rencontrés dans les cellules et ces discussions seront transmises. Donc à ce moment-là, les tours d'animations, les cellules les organisent de manière indépendante du bureau exécutif national et nous les organisons selon un calendrier bien déterminé.
44:39-MGN: D'accord ! Est-ce que vous savez pourquoi on a choisi la couleur bleue pour la tenue des membres ?
D'abord, à l'époque de Cheikh Bou Kounta, nous avions voulu uniformisé les tenues. Et pour le faire, nous avions pensé aux couleurs de l'Islam d'abord : couleur blanche, la couleur verte et la couleur bleue. Et dans d'autres organismes, par exemple les Mouchtachidine des Tidiane, ils ont la couleur blanche. COSCAS des Tidiane aussi, ils ont la couleur verte. Nous, nous avons donc choisi la couleur bleue pour faire référence au ciel, mais le plus intéressant pour la couleur bleue, c'est le symbole qui s'y trouve. C'est le symbole qui s'y trouve a un caractère métaphorique, il a beaucoup de sens. Qu'on choisisse le bleu ou le noir l'important est que le chameau ou bien la chamelle y figure. C'est ça l'essentiel.
45:58-MGN: Oui ! Et comment est-ce que vous avez choisi le chameau ou la chamelle ?
Vraiment c'est emblématique, d'abord, si nous lisons, si nous faisons un retour un peu à l'époque du Prophète de l'Islam. L'hégire, c'est 122 et quand le prophète de l'Islam se déplaçait de la Mecque vers Médine, il était sur une chamelle blanche. On a pris l'image de cette chamelle qui symbolise la Khadriya en quelque sorte. On avait aussi pensé de prendre ce qu'on appelle l'autruche. Nous avions pensé à cela. L'Autruche, pour faire allusion à l'image de Cheikh Abina Ahmadal Kountiyou. Donc, une de ces deux images s'imposait. Par la suite on a décidé de prendre la chamelle que le Prophète avait choisie car on a estimé que cette image serait plus fulgurante, serait plus emblématique, serait plus métaphorique pour symboliser notre conviction envers l'Islam, envers la Khadriya.
47:13-MGN: Je ne sais pas, mais pour moi, quand je vois le chameau, je pense aussi aux origines de Cheikh Bou Kounta et de son père Bounama Kounta qui venait du désert. Je ne sais si vous pensez à cela aussi…
Tout à fait ! Nous avons pensé à cela parce que les Kounta sont des descendants authentiques du Prophète de l'Islam à deux niveaux. Peut-être, l'histoire, le temps ne nous permet pas de l'expliquer et d'entrer dans les détails. Ils ont des liens avec le prophète de l'Islam. Donc c'était pour faire allusion à Cheikh Bounama. Nous, nous disons que faire allusion à Cheikh Bou Kounta, à Cheikh Bounama, Cheikh Sidy Makhtar, c'est faire allusion au Prophète de l'Islam, qui est au début et à la fin de tout dans Khadriya. Donc, c'est pour cela que nous nous référons directement au prophète de l'Islam. Nous pouvions tout juste parler de leurs origines maures qui s'expliquent par les chameaux qui leur permettaient de traverser le Sahara. Mais ce serait trop court pour expliciter l'histoire du mouvement. Nous avions donc d'abord pensé au Prophète qui est leur ascendant direct avant d'en arriver aux Kounta qui sont des arrière-petits-fils. C'est pour cela que tout à l'heure je vous ai parlé de l'autruche en parlant de Cheikh Bounama. Bounama dit Sidy Ahmad. Le nom Bounama vient de l'autruche. ‘An nahama ‘ en arabe signifie l'autruche. Son homonyme qui devait partir à la Mecque pour faire son pèlerinage n'avait pas de monture. Et en plein désert, il priait pour avoir une monture parce que le soleil était tellement ardent. A ce moment-là, ces prières furent exaucées automatiquement. L'Autruche vint à son secours pour lui demander de monter sur son dos pour son moyen de transport vers la Mecque. Donc on pouvait faire allusion à cet autruche pour parler de ‘' an nahama ‘' mais, pour pousser plus loin, on a dit que la chamelle du Prophète de l'Islam serait quand même mieux, serait plus explicative que l'autruche. Mais faire allusion au prophète de l'Islam était notre but.
50:00-MGN: Merci. Vous avez répondu à toutes mes questions. Est-ce que vous avez quelque chose que vous voulez ajouter, quelque chose qu'on n'a pas évoqué ?
Je remercie le ciel et je dis merci à Maria de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer. Ce que moi je voudrais ajouter, c'est tout juste de faire, je ne sais pas qui va entendre cet enregistrement, tout juste d'appeler la communauté Khadriya partout dans le monde à revoir les sources et la souche de la Khadriya, et à s'organiser afin de pouvoir développer les moyens qui permettront aux générations futures de pouvoir comprendre la Khadriya parce que la Khadriya est stagnante en quelque sorte, comparée aux autres confréries. Nous jeunes, nous devons être en mesure de rehausser la Khadriya. Et j'‘appelle toute la communauté musulmane, tous les jeunes khadres, tous les khadres du monde entier, à revoir vraiment les sources et de retravailler pour la Khadriya. A part ça, je vous remercie, madame Maria !
51:21-MGN: C'est à moi de vous remercier. Merci beaucoup. Merci !
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1 Ici, daaïra veut dire « cérémonie religieuse » et non pas « association ».
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Courtesy of Maria Grosz-Ngaté
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The Movement Of Young Qadiris In SenegalCreator: A. K. D. Camara
Grosz-Ngaté, Maria
Grosz-Ngaté, Maria
Contributing Institutions: Maria Grosz-Ngate; MATRIX: Center for Digital Humanities and Social Sciences at Michigan State University
Contributor: Gana Ndiaye
Description: Mr. Camara has been an active member of the Mouvement des Jeunes Khadres (MJK) since 2002. He teaches at a middle school in the Kaffrine region of Senegal while also continuing his education at the University Cheikh Anta Diop. He grew up in a Qadiri family in Mbour and began going to Ndiassane at an early age. In the course of the interview Mr. Camara discusses the development of the MJK, his own role in it, and the activities of the daaïra he belonged to before joining the MJK. He also elaborates on the choice of the white camel as part of the MJK logo, explaining that they opted for it over the Kounta symbol of the ostrich because the Prophet Mouhamed made the journey from Mecca to Medina on a white camel.
Interview in French by Maria Grosz-Ngate; transcribed by Gana Ndiaye.
Date: August 4, 2011
Date Range: 2010-2019
Location: Dakar, Senegal
Format: Audio/mp3
Language: French
Rights Management: For educational use only.
Digitizer: Maria Grosz-Ngaté