Contemporary Dynamics of the Bou Kounta Qadiri Community
By Maria Grosz-Ngaté
20150815_MouhamedKounta
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Entretien: Mohamed Kounta, Ndiassane, le 15 Août 2015
00:03: Maria Grosz-Ngaté: Bonjour Monsieur Kounta!
00: 04: Mohamed Kounta: Bonjour Maria!
00 :05 : MGN : Je suis très contente que vous êtes disponible de faire cet entretien avec moi et je vais toute de suite commencer, n'est-ce pas, avec les questions que j'ai relevées. Et après on peut toujours ajouter. Si vous arrivez à la fin, vous pouvez dire un mot de fin, n'est-ce pas, s'il y a des sujets que je n'ai pas abordés.
Bon ! Votre père avait terminé sa première année au khalifat lors de notre interview en 2007, il est maintenant dans sa neuvième année comme khalife. Ayant été à son côté pendant tout ce temps, pourriez-vous réfléchir sur les huit dernières années ?
Oui ! Oui ! Maria, donc tous nos remerciements. Ma disponibilité est un peu à l'image de l'intérêt que vous portez à Ndiassane, la famille khadriya, à la famille Kountiyou, parce que vraiment vous vous êtes beaucoup intéressée à cette famille-là. C'est tout un honneur pour nous aussi de vous recevoir. Et vous êtes maintenant presque membre à part entière de cette famille Kountiyou. Vous avez même…uh, désisté à certains honneurs pour être dans le bain chez les Coulibaly, ça c'est extraordinaire. On vous avait préparé une chambre, on voulait vous accueillir, notre propre population… mais par votre personnalité et votre degré d'implication…
Comme vous l'avez dit en 2007 vous étiez là et cela nous a beaucoup frappés. Les gens, ils viennent, ils passent, ils ne mettent pas la main dans la pâte. Mais vous vraiment c'est un modèle de recherche, c'est un modèle de chercheur parce que vous acceptez le dépaysement et tout ça, on vous remercie. Je le fais au nom du khalife, au nom de la famille Kountiyou, au nom des disciples khadriya du Sénégal. Comme vous l'avez dit, je suis le fils ainé du Khalife, je suis le secrétaire général si on parlait d'un ministère de ce khalifat. Donc j'étais à son coté, je l'accompagne. C'était presqu'une nécessité, j'ai pris du recul par rapport à mon travail, Cissé peut en témoigner. J'ai laissé mon poste de chef de département pour venir à coté de mon père, parce que tout le monde sait que je suis universitaire. Et si je laisse ce khalifat entre les mains des autres, si je ne suis, si je suis pas présent cela pose des problèmes. Donc je suis partagé entre mon travail à l'université, à la FASTEF, et un peu ce qui se passe ici. Bon, vraiment c'est tout un plaisir, c'est même un don de Dieu; ça je le dis que mon père soit Khalife et que je sois à ses côtés pour l'aider, pour le conseiller, évidemment pour régler les affaires du khalifat, c'est important. Donc c'est un poste presque de secrétaire général dans un ministère. D'ailleurs, je me nomme coordonnateur général du gamou de Ndiassane. Parce que c'est en fonction des événements que l'on se présente. Bon, il y a un porte-parole, il y a un secrétaire particulier en arabe, c'est tout un gouvernement qui est là autour du Khalife.
Bon, la question me renvoie à un bilan, parce qu'en décembre il va faire 10 ans. Vraiment il faut le dire, avec la grâce de Dieu, moi je ne le pensais pas. Il est vieux, Dieu a fait qu'aujourd'hui, il est encore là, il est lucide, il a 91 ans. Depuis lors, comme vous l'avez dit les choses ont bougé dans le bon sens. D'abord, les gens l'appellent le Khalife chanceux, qu'il a de la chance. Quelle chance, c'est vrai ? Parce que c'est le premier petit-fils de Cheikh Bou Kounta à accéder à cette fonction qui est vraiment une fonction de prestige. Tout le monde n'est pas Khalife. Dans la lignée vous l'avez vu, il y en a qui ne seront jamais khalife. Par là aussi ça élimine certains. Et chaque fois qu'il y a changement de génération, les gens ont peur en disant « est-ce qu'il peut faire comme les autres » ? Cela veut dire son père ou ses oncles.
Mais je pense qu'avec la grâce de Dieu et il le dit modestement. Il dit « non, non ce sont mes oncles, mon père, ce sont mes oncles qui ont travaillé et c'est une continuité ». Mais une continuité avec des convergences. Des convergences d'abord politiques. Quand il est arrivé c'était le temps du mandat d'Abdoulaye Wade, qui était tellement ouvert aux chefs religieux, cela nous a aidé à faire pas mal de choses. Savez-vous que nous sommes traités comme une minorité ? Parce que les gens parlent de pourcentage, de 60%, 35%, la khadriya comme les Chrétiens 5%. C'est assez frustrant. Parce qu'en termes de foi on ne peut pas peser un homme par le nombre de kilogrammes. C'est son adhésion, c'est un peu son engagement par rapport à Dieu, c'est cela. Un élu peut valoir mille individus, mais c'est ainsi fait, on y peut rien. Mais ce qui est important pour cette khadriya et pour ce que mon père est en train de faire c'est l'ancienneté. La khadriya c'est le septième siècle marqué par Abdoul Khadre Diélani au 11e et 12e siècle, ça tout le monde le sais. Et depuis lors il y a un héritage. Et quand c'est ancien, il y a de l'usure, de temps en temps, il y a quelqu'un qui vient redémarrer les choses. En termes de rénovation, je pense que mon père a fait des choses à Ndiassane. D'abord la modernisation de la ville, c'était un petit village comme un nid d'oiseau entre des branches.
C'est une affaire familiale. Mais aujourd'hui, on a eu un tableau de bord, on a un peu urbanisé. Parce que la spécificité de Ndiassane c'est surtout une khadriya qui n'a pas de frontière qui va jusqu'en Ethiopie. Et puis, nous avons une forte colonie de maliens, de burkinabés, de guinéens qui viennent régulièrement au gamou parce que ça c'est ancien. Et je vous rappelle en passant que le village a été créé en 1883, le village de Cheikh Bou Kounta qui est décédé le 13 juillet 1914. D'abord, il s'est ouvert aux politiques parce qu'un khalifat ne peut pas marcher seul sans l'apport de l'État. Il y a des choses sérieuses, regardez, en termes d'infrastructures routières, un khalife ne peut pas se payer le luxe de faire des routes. En termes même de diplomatie, un khalifat s'ouvre, il faut des passeports diplomatiques pour contourner les visas pour aller vers les disciples. Dans la diaspora, il y'a toutes les confréries.
Nous sommes un ministère sans administration, et il fallait faire une maison des hôtes: la résidence du khalife. On est un peu comme l'administration et le Président Wade nous a aidés à le faire et cela tournait autour d'un milliard, avec des bureaux, des appartements, une petite télévision communautaire, une radio, surtout une bibliothèque parce que les Kounta ont beaucoup écrit, surtout, je le cite, notre grand-père Cheikh Sidi Makhtar al Kountiyou. Il est célèbre pour ses écrits, surtout sur l'astronomie, sur l'histoire, sur la géographie. C'est une des références. Et ce qui est important les autres le reconnaissent en tant que grand chef, il l'appelle « Cheikhou chouyouqi », le Cheikh des Cheikhs. Et ça c'est à l'unanimité. Bien ! Il fallait faire un daara parce que quand on parle de tarikha il faut une formation, un khadre il est formé quand il est petit pour avoir une culture de khadriya, donc d'écoles de daaras, disons. Il faut équiper le village. Regardez, cela fait des milliers de pèlerins qui viennent pour une nuit. Où est ce qu'il faut organiser les cérémonies ? Il faut évidemment embellir, nous avons notre mausolée, le fondateur, il est enterré au centre du village, nous l'avions un peu négligé mais on est en train de faire le mausolée, c'est important. Et tout de suite ça frappe les disciples Kounta. Ils disent « Ah enfin, vous êtes en train de faire le mausolée ». « Si celui qui est enterré là est content… » Les gens fonctionnent comme ça. C'est une culture populaire. Mais surtout un symbole. Nous n'avons pas encore de grande mosquée mais nous allons la faire, ça c'est sûr. Une vraie, une mosquée khadriya, comme celle des mourides, celles des tidianes.
Parce que jusqu'ici c'est par modestie, on n'était pas tellement visible. Mais on aimerait faire cette mosquée-là. Mais nous nous sommes dit, « On n'attend pas l'État pour faire des mosquées, c'est une affaire privée et de foi ». Est-ce que nous khadres avec les autres musulmans… Parce que quand les gens trouvent que vous êtes sérieux, ils viennent, ils réagissent, des individus etc., ils aiment faire des mosquées. Nous avons les plans, nous allons vraiment réaliser les fondements en attendant que les autres viennent. Parce qu'on se dit quand même il faut compter en commençant par soi, il ne faut pas attendre tout, une mosquée clé en main comme ça. Donc nous sommes en train de la faire. On a identifié la place, j'ai fait un sondage que le khalife m'a demandé. « Où est-ce que vous voulez votre mosquée ? » Parce qu'on avait choisi un endroit qui était un peu isolé, maintenant on revient au centre du village. Et à 99% les gens ont dit qu'il faut ramener ça parce qu'ils pensent un peu à un complexe : mausolée, mosquée et aussi abri des pèlerins là où on organise les cérémonies. Dans ce cas, il y a vraiment de grands progrès. L'État nous a aidés à faire l'abri, on est en train de le faire, le mausolée, c'était nous, sous forme de cotisation mais il y a de bonnes volontés qui ont participé. Si vous passez, vous allez voir que tout le monde est content pratiquement.
Il y a maintenant un marché malien, je ne sais pas sur le plan économique, les maliens et surtout les femmes maliennes viennent vendre leurs tissus « thioubs » ici. Ils ne le font pas à Touba, ils ne le font pas à Tivaoune. Le « thioub » ce tissu-là se vend mieux à Ndiassane qu'ailleurs. Et pourtant ce sont les mêmes commerçants qui sont à la gare mais quand ils viennent, ils vous disent : c'est le vrai « thioub », c'est le « thioub » de Ndiassane. Ils se déplacent les week-ends pour faire le reste. Le marché, il est là, souvent pour un mois. Cela crée des désagréments, c'est vrai, parce que la proximité, l'hygiène, le reste, la sécurité, la gendarmerie est là. Maintenant c'est bien installé. Peut-être on pense à faire une foire un jour, une foire de tissus etc. Je rêve dans ce sens-là à avoir un tableau de bord et à peut-être théoriser mais aussi à aller voir l'aspect pratique pour marquer ce Khalifat-là. Il [le khalife] tient beaucoup à cela. Il me dit Mohamed, « je dois marquer mon khalifat. D'abord, il n'y a pas une rupture, j'avais peur que les choses baissent mais au contraire, j'ai maintenu le niveau, je l'ai même un peu élevé par rapport aux autres. Cela ne veut pas dire que mes oncles n'ont pas bien travaillé ou que mon père n'a pas bien travaillé, cela veut dire que nous suivons un peu le cours de l'histoire et des progrès ». Je vous assure, un khalife, c'est très sérieux un khalifat, parce qu'il est interpelé tout le temps par des politiques qui, eux, ont des conseillers, qui eux ont été dans les grandes universités, lui il n'a pas le temps. Il a fait le daara. Donc si on l'interpelle sur des questions économiques, il passe à côté. Donc on a voulu conservé ce mythe-là, l'image du khalife, qu'il ne s'implique pas trop dans des choses qu'il ne maitrise pas. Parce que le sénégalais il pense que le khalife ne doit pas être trop proche du régime, [Rires] parce que cela crée des problèmes. « Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs, ah non pourquoi il est allé saluer le président ? Pourquoi il doit venir le voir ? Pourquoi il a dit merci ? » Même un petit merci, on dit non, il n'avait pas le droit de le dire, c'est le khalife de tout le monde. Tout le monde n'est pas du même côté politique etc. Donc c'est des sensibilités qu'il faut gérer, il sait les gérer. Il est très ouvert et aussi il a beaucoup fait pour l'alliance des familles.
Sa seconde épouse Aminata Mbacké, ma tante, est la fille du fils ainé de Serigne Touba. La tante à mon père, ma grande-mère était l'épouse de Serigne Babacar Sy. Il y a une maison à Tivaouane qui s'appelle Ndiassane. Et mes demi-frères, leur mère est de Touba. Vous voyez ce qu'il a fait et que les autres n'ont pas fait, et cette alliance existe. Aujourd'hui, quand il y a un débat, quand ils veulent échanger, ils appellent le porte-parole du khalife des tidianes Serigne Abdou Aziz al Amine. En tout cas, nous, on est là, on vous écoute, il n'y a pas de division. Et savez-vous que ça c'est extrêmement important au niveau des talibés. Au niveau supérieur, il n'y a pas de problème, ça marche, mais le talibé moyen, il ne comprend pas. Il va vers des comparaisons. « Ah mon marabout, c'est le meilleur, mon etc. ». Et ça, si souvent ce message-là passe, on leur dit faites attention, la paix… Quand il y a des dérapages, toute suite les khalifes réagissent. C'est des sapeurs-pompiers. Socialement, ils sont les sapeurs-pompiers et ça c'est extrêmement important. Et nous on est voisin directe de Tivaouane, maintenant on est juste à côté hein, mais on n'aimerait pas être un quartier de Tivaouane. Au nom de la khadriya, au nom de la……. de notre confréries on ne peut pas. C'est pourquoi souvent il y a des doublons. On fait des choses à Tivaouane, même un hôpital, souvent Ndiassane est assez réticent, faites-nous notre hôpital à nous. Des écoles on a dit ah non, nous aussi on a besoin d'un lycée et pourtant le lycée est là. Des choses comme ça et c'est tout à fait normal. Parce que c'est une question d'abord d'appartenance et puis maintenant les alliances vont venir après. Donc vraiment si vous faites un sondage, il a fait pas mal de choses en huit, neuve ans. Je pense qu'il a eu comme on le dit la baraka quand même, la chance. Les autres l'ont fait mais dans le domaine de la foi, peut-être, dans le domaine du rassemblement, mais l'ouverture c'est ça.
L'État a beaucoup aidé, par exemple à chaque gamou, on distribue à peu-prés 200 tonnes de riz, on n'oublie personne, c'est pour aider les gens à accueillir. C'est un petit village, ce n'est pas comme Touba, ce n'est pas comme Tivaouane qui sont presque des communes. Mais nous, on est même pas une communauté rurale. Mais qui quand même sensibilise aux problèmes d'eau, d'électricité, c'est aussi l'aide aux denrées alimentaires, c'est la modernisation parce que quand les gens voient qu'il y a une nouvelle route tout le monde est content. Parce qu'ils disent « il y a 20 ans, il y a 10 ans on n'avait pas tout cela. Mais tout ça, c'est maintenant très technique on ne peut pas laisser cela entre les mains de quelqu'un qui n'a pas été à l'école.
Donc vous voyez sur ce plan-là vraiment il est assisté par son fils ou par une équipe et, ça c'est extrêmement important. Ses voyages, il est vieux mais vraiment il se déplace. Il va vers Dakar, il assiste les talibés, il va voir des malades et quand il y a des évènements, il se déplace, même les petits baptêmes, je lui interdis, il faut déléguer, mais il dit non Mouhamed quand je peux le faire je le fais. Actuellement, il faut vraiment le dire, il est vieux, il a 91 ans, donc physiquement il est faible, mais intellectuellement, il n'a pas perdu la mémoire, en tout cas, il a une mémoire plus vive que la mienne. Pourquoi, parce qu'il te dit que j'ai vu un tel, il était en boubou blanc, moi je ne connais pas le numéro de ma voiture (Rires). Donc vous voyez, il est très chaleureux, hospitalier et il nous appelle vers ça. « Prenez, il faut que les gens viennent pour montrer un peu le patrimoine des Kounta, faites connaitre les Kounta parce que nous sommes dans nos coins, on ne sait pas quelle identité souvent… il connait tout au moins…il faut parfois utiliser la communication, ce qui est en train d'être fait. Donc vraiment pour les huit ans, Ndiassane s'est modernisé mais il reste des choses à faire. Moi je suis le responsable des chantiers, je coordonne un peu tout ça. Mais on voit encore plus loin. Nous avons fait la première étape, le début était difficile mais aujourd'hui il y a un rodage. On sait qui fait quoi etc. Son rôle aussi s'est simplifié et il a des relations normales avec les politiques et l'État. C'est important.
17 :28: MGN : Parmi les projets que vous avez mentionné, je veux tout simplement souligner que les maliens m'ont aussi parlé de ce marché permanent. Parce que vraiment ça leur tient à cœur.
Mais sans le marché, il n'y a pas de gamou. Il y a eu de petits problèmes parce qu'il fallait aussi déplacer le marché. Il y a eu des résistances, ce marché était accolé au mausolée et il n'y a pas de toilettes, ils sont un peu poussés à faire ça sur place et ça nous avait choqué. Le bavardage, les cris, les querelles, les bagarres autour du mausolée, et il y a quelqu'un qui a vu en rêve le fondateur qui lui dit « mais vraiment, déplacez-moi ce marché-là ». Ça c'est gênant, mais c'est un rêve hein ! Et moi cela m'a donné le courage de dire qu'on va vers le parking, plus tard on ira vers une foire. Et ils l'ont fait depuis 50 ans donc c'était un peu difficile de déménager ce marché-là. Et le khalife à un certain moment, il m'a appuyé, mais à un certain moment il a dit « non, arrête, tout ça va faire des histoires, on va dire que ce marché là c'est moi, j'ai créé des problèmes ». J'ai dit non, il faut le faire. On ne peut pas faire d'omelettes sans casser des œufs. Je lui ai dit «vous avez fait le lotissement du village », Il n'était pas khalife, mais c'est lui qui a fait ce petit lotissement-là. Sinon Ndiassane était entassé autour du… Mais aujourd'hui, regardez. Et quand il a fait le lotissement, il n'a pas pris les bonnes parcelles. Il dit moi je vais vers Tivaouane. Ici, c'était les greniers, c'était un champ, donc il a donné l'exemple en faisant cette maison-là. Mais il pouvait dégager des gens mais ça ne passait pas. Les gens vont dire regardez, ils ont fait des lotissements, ils ont fait partir des gens pour prendre leurs maisons. Et je lui ai dit, moi, je vous emboite le pas parce que vous avez fait l'alignement du village en petites concessions, les rues. Moi aussi je vais déplacer le marché malien, ce n'était pas facile hein ! On m'en voulait parce que les gens vendaient le mètre carré à 25.000F, 50.000 autour d'un espace, même autour de la mosquée, autour du mausolée. Et moi, j'ai fait le tour du monde, je n'ai jamais vu un mausolée envahi par un marché. Donc j'ai réussi ce pari-là. Avec l'aide de l'Etat, on a eu des bâches qui n'étaient pas destinées au marché, mais j'ai un peu forcé une cinquantaine, ça fait 300 commerçants, on s'est installé au parking, ça fait étroit. Mais aussi, il fallait commercialiser les places en disant on va de 60.000 à 33.000, mais la bâche c'est sur place donc ça fait à peu près 200.000. Les gens ont dit non, une bâche à 200.000 non, ils ont vu la bâche mais ils n'ont pas vu la place. La presse a fait écho, mais ce n'était pas ça. Nous ne sommes pas une communauté rurale, nous ne sommes pas une commune, nous sommes un gros village dans une commune. Donc on a voulu faire nos propres investissements. La mosquée, par exemple, il fallait faire le carrelage, il fallait acheter des tapis, un aspirateur, pour le mausolée, il fallait faire des carreaux et les carreaux le mètre carré c'est 8.000F et cela tournait autour de 5.000.000. Et tout ça, il n'y avait pas quelqu'un pour le faire. Donc il faut partir de ça, faire garder les plus-values par année jusqu'à 5.000.000 et investir avec un comité de gestion. L'autre problème qu'il y a, c'est le foncier, il l'a réglé aussi.
Le foncier c'est très délicat. Avant c'était des champs appartenant à toute la famille. Mais le khalife a dit non, avant de parler de champ, parlons d'habitation. Il faut que les gens aient leurs parcelles, etc. Avant, on vous donnait la parcelle il n'y avait pas de papiers, il n'y avait pas de titre de propriété. Et nous on a essayé de faire ça. Quand on vous donne la parcelle, on matérialise ça en disant vous êtes propriétaire ou bien vous êtes responsable des peines sur le… Or savez-vous que c'était titre foncier de 1902 ? Contrairement aux autres, c'est un titre foncier général de 1902 de 357 hectares. Donc vraiment bravo à Cheikh Bou Kounta qui déjà en 1902 pensait à nous laisser un patrimoine foncier. Moi, actuellement je suis universitaire, je ne sais pas comment on fait un titre foncier, je vous assure, je ne connais pas la démarche. Je me rends à Dakar, on m'a donné mon papier, j'ai dit « ah ça, c'est un titre foncier. Cela veut dire que vraiment je peux attester ». Lui, il dit « je pense que cela va progresser, je leur laisse au moins ce patrimoine-là ». Et ce n'était pas facile. Pourquoi il l'a fait ? Parce qu'il pense à l'évolution des choses. Il venait de Ndankh, c'était un maure en milieu wolof, un peu riche, il était très mal vu, il est arrivé d'ailleurs qu'on incendiait ses constructions en herbe qui n'étaient pas bâties. C'était des wolofs qui disaient, ce naar-là [maure], un maure qui vient, qui débarque, qui est chef religieux, qu'est-ce qu'il fait ici ? Ils ne connaissaient pas la khadriya. Mais il s'est imposé, c'était un homme pacifique. Il s'est imposé par la prière. C'est pourquoi d'ailleurs, essentiellement il n'y a pas beaucoup de wolofs khadres sauf chez les fadiliyas, parce qu'il y a deux branches khadriyas : il y a les fadiliyas, mais eux ils sont de Mauritanie, à Nimzath la capitale. Ils viennent chercher des disciples ici. Mais nous, comme autochtones, comme sénégalais, Ndiassane est la capitale de la khadriya, ça c'est sûr. Donc, il s'est imposé et c'est des maliens qui sont venus par le chemin de fer et même parfois avec des touffes, parce que c'était des animistes, et ils sont venus pour voir Cheikh Bou Kounta. Ils l'ont vu en rêve, il n'est jamais allé au Mali. Et il y a un quartier qui s'appelle Mbambara et eux ils connaissent leurs ancêtres. Mon arrière-grand-père qui a marché de Ségou à Ndiassane. Et quand ils étaient venus, ils étaient très bien hébergés. Et puis, ils conservaient leurs coutumes, ils continuaient à parler bambara et tout de suite, ils se convertissaient à l'Islam. Et d'ailleurs, on les appelait des animistes, et Cheikh Bou disait qu'eux quand ils épousent l'islam, ils sont sincères contrairement aux wolofs. Un Bambara, un lakk katt1, il est entier et c'est eux qui l'ont aidé à développer l'agriculture. C'était des gens très disciplinés. Il y a eu même des corvées, parce qu'il y a « Badjiga », c'était des champs, ils marchaient, ils coupaient des arbres etc. Il leur arrivait même de porter des pierres pour construire les bâtiments, et même construire des bâtiments pour les prières. C'était des maures, c'était des bambaras, des dioulas, ça dépend un peu des origines et même des peuls du Macina.
Donc pour revenir à notre khalifat, il est le sixième, mais c'est le premier petit fils à occuper cela. Et c'était une génération à Tivaouane, il y avait Serigne Mansour, à Touba il y'avait Serigne Bara. Ils avaient le même âge, c'était des gens qui sont nées entre 22 [1922] et 25 [1925]. Mon père, il est de 25. Mais vraiment, il faut le dire, cette culture, cette ouverture, cette compréhension des choses, mais vraiment ça l'a beaucoup aidé. Parce qu'il les a fréquentés, il y avait un model chez les mourides, c'était Serigne Cheikh Mbacké qui lui a donné sa sœur en mariage. Lui aussi, très tôt il a compris les choses. Il se réclame commerçant, il a modernisé. Je vous donne un exemple, à Touba on dit non il ne faut pas faire d'étage, c'est interdit, parce que du fait le fondateur est en bas, on l'a enterré, pourquoi être au-dessus de lui. Mais il a dit non, ça c'est du n'importe quoi, l'architecture n'a rien à voir avec le truc. C'était quelqu'un qui était là, qui était un petit fils très moderne, à un moment même on a pensé qu'il était khalife, tellement il avait une forte personnalité. Celui-là, il l'a côtoyé, c'est des cousins de par leur mère. C'est là où il y'a l'alliance entre les damels2 et les marabouts, les chrétiens avec les princes. C'est un peu ça. Mon père, du côté de sa mère est un descendant de Lat Dior [un damel], l'autre aussi, du côté de sa mère est un descendant de Lat Dior. Et comme on l'a dit, c'est des tiédos [animistes], mais quand un tiédo, comme le bambara, quand ils s'engagent, ils s'engagent. Et quand ils épousent la religion, ils sont entiers, il n'y a pas de demi-mesure. Donc, voilà pour un peu le bilan, vraiment on peut dire que c'est positif. Il y a eu de grands pas, il y a la paix, les gens sentent qu'on devient moderne quand même, il faut le dire. On devient moderne par la gestion, il y a des papiers maintenant, le titre foncier, il y a un plan du village, un plan de développement, quand il y a des réunions partout à Ndiassane, il y a des extensions de lots etc. Tout cela n'existait pas. Le foncier maintenant, on sait où est-ce que l'on se rend pour acquérir les papiers, qu'est-ce qu'il faut éviter, ils mettent des rues assez larges, moi je pense que c'est dans ce sens-là qu'on a… Aujourd'hui, c'est le khalife de tous les Kounta parce que souvent quand celui qui est à Ndankh est plus âgé, Ndankh devient autonome, le khalife devient le khalife de Ndankh. Mais quand lui, il est plus âgé, il est le khalife de Ndankh et de Ndiassane, c'est arrivé. Maintenant c'est le responsable suprême de la khadriya Kountiyou. Cela arrive rarement, c'est la troisième fois que cela arrive dans l'histoire.
27 :34 : MGN : Oui, Oui ! Vous disiez tout à l'heure que vous souhaitez que Ndiassane ait son propre lycée. Comment Ndiassane a évolué dans le domaine de la formation professionnelle et de l'éducation plus générale ? Est-ce que votre famille et le khalife y jouent un rôle, dans ce développement de l'éducation au sens large ?
Ah oui ! Moi, je suis enseignant de fonction, j'ai été instituteur, professeur de collège, professeur de lycée, professeur d'université, j'ai fait tout le cursus.
28 :06 : [l'entretien est interrompu par l'arrivée d'une tierce personne]
Deuxième Partie
00 :01 : Mohamed Kounta: Qu'est-ce que je disais encore ?
00 :03 : Hady Sow: Tu disais que tu es enseignant, tu as commencé par instituteur.
00 :05 : Donc j'ai fait tout le cursus, je suis un enseignant. Donc mon objectif c'était de doter Ndiassane d'une école. Ils étaient très réticents, l'école de type occidental, ils étaient très réticents. Il a fallu la formation d'un de mes oncles, on a le même âge, qui a été instituteur de carrière, mais j'ai dit : « pourquoi pas à Ndiassane » ? En ce moment l'autre khalife n'était pas très ouvert, mais on l'a un peu poussé à accepter çà, parce qu'il y avait un Kounta qui devait enseigner, ça il l'a un peu accepté. Parce qu'ils disent l'école de type occidental, l'école française détruit les mœurs et puis ça vous éloigne de la religion, etc. Mais il n'y avait pas de classes, on a utilisé les locaux de l'étage pour prendre les premiers élèves. Finalement, rapidement on a poussé pour qu'on fasse une école. Il y avait même un problème de localisation de l'école. Comme l'on a fait, il a accompagné les premières générations. Le collège, j'avais des relations personnelles avec Serigne Moustapha Sourang [ancien ministre de l'éducation]. Parce que ma tante là, c'est la tante de Moustapha Sourang, c'est la petite sœur de Moustapha Sourang. Donc cette alliance-là m'a beaucoup aidé à faire un collège. Les gens allaient au collège de Tivaouane, les filles surtout abandonnaient. Parce qu'ils n'y avaient pas de tuteurs, ils restaient toute la journée sous les arbres sans manger etc. Et ça, ça fait des dégâts parce que les filles étaient les premières à abandonner et j'ai dit que c'était dommage pour la scolarisation des filles, parce que je connais ça un peu mieux que les autres. Il me dit non, cherche-moi un terrain et je vous fais un collège clé en main et c'est ce qu'il a fait. Je suis allé voir l'inspecteur à Tivaouane, on a localisé le collège et c'est un très grand collège. Parce que tout simplement, on a trois hectares. Si on devait faire un lycée, on allait graduer seulement, aller de la troisième à la seconde etc. et il allait jusqu'au bout. Donc le problème d'espace ne se pose plus. Mais, le lycée de Tivaouane est là, il est plus proche de Ndiassane qu'ailleurs, on voulait le mettre sur la route de Mboro, j'ai convaincu discrètement le ministre à mettre ça du côté de Ndiassane, parce que si on le dit haut, ça peut créer des problèmes.
Pourquoi Ndiassane ? Mais ici, les gens restent jusqu'à moins cinq, ils partent au lycée. Les gens de Tivaouane, il y'en a qui se déplacent en bus pour venir au lycée. Je vous assure, il y a une certaine coordination entre le collège et le lycée et ça a fait du bien. Aujourd'hui, nous avons des bacheliers, nous avons des élèves de Ndiassane qui sont devenus étudiants. Donc vous voyez, on le sent même sur le plan de l'université. Il y a une association d'étudiants élèves de Ndiassane, ils organisent des conférences, ils invitent des sociologues comme Sidy Diakhaté, et ça, ça fait bouger. Moi je suis un peu derrière, je leur dit « il ne faut pas seulement que vous fassiez des conférences de religion, il faut de temps en temps une ouverture ». L'informatique aidant un peu, c'est des gens qui vont aussi à l'université de Thiès etc., ce n'est pas très bien diversifié, mais ils y vont, ils vont à Saint Louis, ils vont à Dakar et ça a fait un peu du progrès par rapport. Donc sur le plan de l'éducation, il y a un boom, ça il faut le dire. Voilà, il y a la qualité un tout petit peu tout juste on peut-être en terminale.
Maintenant, le problème du lycée, moi si je parle du problème du lycée, faire autre chose. Un lycée technique. Parce que vous avez parlé de formation professionnelle, jusqu'ici c'est théorique. Un Bac L', L2, mais si on avait un peu un volet technique à Ndiassane, un Bac G par exemple, comptabilité gestion, Bac agroalimentaire pour le manioc les champs, un Bac d'électricité en rapport peut-être avec le daara moderne. Parce qu'on a fait un daara moderne de 100.000.000, mais il n'y a pas de loi, on ne sait pas ce qu'on va faire, les locaux sont prêts, moi j'ai même installé un bureau. Mais on ne sait pas ce qu'il faut faire. Or l'idée c'était de dire chez les marabouts les gens ne veulent pas aller à l'école, l'école de type occidental. Mais il faut un peu peut-être associer la formation professionnelle, l'enseignement des langues, et les gens étaient d'accord. Parce qu'il est arrivé dans la région de Diourbel qu'on ferme les écoles pour faire des daaras. Parce que tout simplement on dit non, ça influe un peu sur la formation de nos futurs disciples etc. il y a une époque c'était 52 daaras et le khalife les avait rachetées, ils ne les ont pas boycottés mais ils les ont rachetées pour en faire de petits magasins. Parce qu'ils ont leur schéma, ce n'est pas l'école moderne avec table bancs. Ils disent non, apprendre c'est un peu souffrir, c'est lié à l'agriculture, c'est lié à une formation à l'endurance, au travail manuel. Et ils se disent aussi, « écoute, le Coran, d'accord c'est pour tout le monde, mais aussi nous avons une spécificité : les Khassaides, les petits poèmes de Serigne Touba qui encouragent… » Dans la formation, entre parenthèses, à l'Ecole Normale, moi je suis psychopédagogue. Mais je dis toujours à mes étudiants, un grand principe, parce qu'il y a dix principes, le principe du milieu, adaptez-vous à votre milieu. Je ne sais pas, vous sortez de l'école normale on vous envoie à Touba ou encore plus précisément à Mbacké. Si vous ne prenez pas en considération le mouridisme, vous échouez dans votre enseignement. L'enseignement, ce n'est pas que de la craie, ce n'est pas que des leçons, ce n'est pas que des exercices, mais l'environnement total. Je dis comment appliquer le principe du milieu ? C'est-à-dire montrer au jeune mouride que le Cheikh a dit qu'il faut travailler, qu'il faut respecter le maître, qu'il faut véritablement transpirer, si vous le faites dans ce sens-là ça marche. Mais si vous exigez en intellectuel, en voulant faire une évolution là-bas, vous allez partir. Les gens vont se liguer pour dire « cet enseignant, il est contre notre Cheikh ». Ils vont vous tabasser ou bien ils vont aller vers les radios pour vous dénoncer.
C'est le principe du milieu. J'ai dit de la même manière quand on envoie un enseignant à Popenguine, en milieu Chrétien, il doit pouvoir regarder les valeurs chrétiennes, les observer, aller vers l'évêque parce que c'est ça le Sénégal. Maintenant si vous vous érigez en disant oui, moi je suis un savant, je viens de l'école normale, machin, on va faire des évolutions, n'acceptez pas ça, c'est des idées... Ça vous le faites, vous échouez, ça c'est ce qu'on appelle un principe du milieu. Il faut l'intégrer. Qu'est-ce qu'il faut enseigner dans tel milieu ?
Comment est-ce qu'on respecte cela pour que les populations vous acceptent ? Il est arrivé que les populations se soulèvent en disant que l'inspecteur doit partir, tel enseignant doit partir parce qu'il est entrain de déformer nos enfants, etc. Ça je l'enseigne et j'insiste beaucoup sur le principe du milieu. Monsieur Faye, il a beaucoup appliqué le principe du milieu, il vous dit mais qu'est-ce qu'un Kounta ? Qu'est-ce que la khadriya ? Comment le khalife est choisi ? Si vous le dites à des élèves de sixième et si vous progressez, mais ils vont comprendre beaucoup de choses. Changer les choses de l'intérieur en disant avec la science, avec ce que vous connaissez si vous vous érigez en adversaire de mouride ou de khadre, ça ne marche pas. Si vous tenez des propos contre la confrérie ou bien en tout cas la confrérie dominante ça pose des problèmes.
Donc il y a beaucoup de progrès sur le plan de l'éducation et de la formation. Maintenant, il reste à faire de la formation professionnelle dans les daaras modernes. Parce que s'ils ne font que du Coran, c'est bien beau. Ils arrêtent, ils vont faire maintenant de la musculature3. La langue ça prend des années, s'il faut maintenant aller faire un métier pour être père de famille, il vous restera 10 ans pour aller à la retraite. Donc on peut faire des choses ensemble, raccourcir les délais d'apprentissage parce que ça existe, utiliser un peu ces outils, les nouvelles technologies pour l'apprentissage, c'est possible.
08 :41 : MGN : Oui ! Oui ! Dans le domaine de l'évolution de Ndiassane, j'ai remarqué qu'il y a beaucoup de nouvelles constructions un peu partout, n'est-ce pas ? Je me suis promenée avec Fatoumata Fall Coulibaly et j'ai remarqué qu'il y a des nouvelles concessions partout. Qu'est-ce que ça signifie pour vous ? Parce que moi je peux me faire une idée mais vous qui êtes de Ndiassane…
09 :08 : C'est vrai ! Ça montre qu'aussi, il y a une part de prospérité, les gens reviennent et investissent à Ndiassane. Celui qui veut aller à Dakar, à Keur Massar, acheter un terrain à 10.000.000, il dit: mais je vais à Ndiassane. Avec 1.000.000 j'ai mon terrain, il sera un peu plus grand, je suis à deux heures de Dakar. Et les gens donc reviennent parce que tout simplement on leur a offert sur assiette ce qu'il y a à faire. C'est-à-dire, il y a des routes, les parcelles sont sécurisées, vous avez un papier, vous avez un titre. Et je dis autant amener ma famille à Ndiassane que de laisser cette famille-là à Dakar, avec la location, etc. Les gens vont dire aussi Ndiassane plutôt que Tivaouane. Pourquoi ? Parce qu'à Tivaouane le terrain coûte cher, c'est 5.000.000. Ils vont dire, mais Ndiassane déjà ce n'est pas tellement urbain. On va là-bas, on peut avoir 400 mètres carrés à 1.000.000, 2.000.000, si c'est à Tivaouane c'est un peu plus cher. Donc autant prendre 5.000.000 avoir ma parcelle et construire et construire de façon moderne. Autre chose, les eaux de Ndiassane, ils sont dans le bâtiment.
[Interruption]
Troisième Partie
00 :01 : Mohamed Kounta : Qu'est-ce que je disais encore ?
00 :03 : Hady Sow : On parlait de l'extension des nouvelles constructions.
00 :06 : Justement ! Vraiment, il y a une sorte de contrat pour faire mieux. Je me rappelle au début du khalifat, il y a un de mes oncles qui voulait me conseiller. Il me dit « il ne faut pas faire de nouvelles constructions, il faut faire des « khaymas », les tentes des maures là à Ndiassane. Il disait que c'est un peu original. J'ai dit, quel retard ? Vous voulez nous faire retourner à l'antiquité. Parce que, il dit « non, ça va même avec la baraka, avec les prières, parce que le béton là partout etc., ce n'est pas... » J'ai dit « ah non, ça il y a un point de non-retour, si vous allez à la Mecque, vous allez y trouver de très belles maisons, vous allez trouver des choses en or, mais nous aussi, je pense il faut qu'on aille de l'avant. On ne sera jamais en retard pour être le village où il y a que des tentes. Nous, on va moderniser, on fera mieux : qualité plus quantité ». Vous l'avez vraiment, vous-même, constaté, ça veut dire qu'il y a des progrès. Avant il n'y avait pas de parcelles, il n'y avait pas de plan de développement.
Vous voyez, vous avez quelqu'un qui est venu me saluer tout de suite. Et c'est sûr qu'il dira je demande un rendez-vous. C'est sûr qu'il va dire je veux acheter, est-ce que c'est sûr, est-ce que vous n'avez pas de terrain disponible, etc. Vous voyez ça se développe, les gens de Thiès viennent pour avoir leur petite parcelle. Les gens disent quand vous avez une maison à Ndiassane, vous avez Ndiassane, vous avez Tivaouane, vous avez Pire. A partir de Ndiassane, vous allez plus vite vers Touba et vers Saint Louis. Autant avoir une maison à Ndiassane, ça va coûter moins cher et il y a de bons ouvriers ici. A chaque fois qu'il y a un chantier je demande à l'entrepreneur de recruter les gens de Ndiassane, sauf des postes d'ingénieurs, il y'en a pas. Mais en tout cas, les chefs de chantiers, le control bâtiment, tout ça, on peut le trouver ici. On peut faire les briques, il y a des gens qui sont là et qui ne font que ça, ils font de la qualité et aussi la main d'œuvre n'est pas très chère à Ndiassane, c'est un peu ce boom.
Et je vous remercie d'avoir pensé à ça, d'avoir avec l'œil de chercheur de dire : mais il y a une évolution. Parce que vous connaissez Ndiassane. Il y a 10 ans, vous êtes revenue, il y a des progrès et ça va continuer, Incha'Alla.
02 :18 : MGN : J'aimerai parler un peu du gamou maintenant. Quel est l'importance du gamou pour la vie religieuse ainsi que pour les rapports sociaux dans la tarikha ?
02 :34 : Effectivement, le gamou est un événement majeur dans la vie de la confrérie, sans gamou certainement, on n'allait pas se voir. C'est des moments où tous les disciples, la capitale se déplacent même pour Ndiassane qui est un peu la capitale de la tarikha khadriya, c'est des moments très forts. D'abord le rassemblement, le marché malien, qui est extrêmement important, qui n'est même plus un marché malien mais africain parce que les maures amènent aussi leurs tissus, les ivoiriens y amènent leurs tissus, donc c'est un marché de tissus et d'art parce qu'ils mettent aussi des vars en même temps, mais aussi de denrées : le tamarin, le karité en nature. Donc les gens viennent. Ça aussi ce n'est pas mal, parce qu'on ne l'a que pendant le gamou. Deuxièmement la foule, les pèlerins viennent, c'est des moments de rencontre, c'est des moments de rendez-vous partout à Ndiassane. Et c'est les seuls moments en tout cas où on nous écoute, les rares moments où on nous écoute. On nous dit, mais écoute il y a Monsieur le Préfet : « le gamou est là, nous sommes à trois mois, qu'est-ce qu'il faut faire ? » « Ah oui, on a besoin de ceci, on veut équiper le village, on a des problèmes d'électricité, on a tel problème. » Et on va au CRD au niveau du gouverneur, on valide des choses, on va en réunion nationale chez le ministre de l'intérieur et ça se termine à la présidence de la république où on valide des choses. Donc on attend le gamou comme le paysage attendrait les premières pluies. « Ah ce n'est pas réglé. Attendons le gamou, hein, ça va se régler ».
Nous avons maintenant deux gamous : le grand gamou qui va avec le Maouloud, la naissance du Prophète, et là aussi c'est très symbolique. Tivaouane célèbre le jour de la naissance, mais nous [célébrons] le huitième jour, on baptise. Pourtant on aurait pu faire ça le même jour. Les deux cheikhs se sont vus et ils disent « non, écoute-moi, c'est le jour même de la naissance mais vous, vous baptisez ». Et d'ailleurs, comme on dit que les Kounta sont des descendants du Prophète donc on dit « mais vous allez donner le baptême de votre grand-père », c'est une manière de dire. Quelqu'un qui était au septième siècle si on continue de faire son baptême, l'anniversaire de son baptême, vous voyez ce que cela fait. C'est des symboles très forts, c'est une manière de célébrer des choses, c'est le sens social de la fête, les gens sont là pendant deux, trois jours ensemble. Le commerce c'est vrai, mais aussi le commerce c'est des hommes. C'est important. On échange, on célèbre, on va au cimetière faire la ziara, on va aux mausolées, il y a des rangs même pour ces mausolées-là, pour prier, le rapport avec les morts, mais aussi surtout avec les vivants, les grandes traditions. Vous allez voir Bécaye va recevoir sa famille du Mali, etc., c'est extrêmement important. Et tout le monde se prépare et on leur dit : « vous recevez tout le monde. Ouvrez vos portes.
Accueillez tout le monde, ces quelques heures, et on vous donne les moyens, on vous donne parfois du riz, on vous donne de l'argent ». C'est l'occasion aussi de faire des cadeaux, de parler des problèmes de famille, c'est l'occasion où l'on discute d'avoir un terrain, est-ce qu'on peut avoir un terrain ? Les grands rassemblements mettent maintenant, … individuellement des gens un peu plus nantis, ils disent mais moi, je veux avoir ma propre maison, je vais faire une belle maison à Ndiassane pourvu que je puisse avoir un papier pour sécuriser un peu. Mais vraiment c'est un temps très fort, le grand gamou. Il y a un petit gamou à 15 jours du Ramadan ce qu'on appelle « Goudi Cheikh Bou » c'est-à-dire la nuit de Cheikh Bou, c'est l'anniversaire du décès du fondateur. Là aussi c'est des occasions, c'est un peu plus chaleureux parce que là, il y a moins de monde et les gens sont dans les maisons, c'est entre parents. Mais vraiment la fonction sociale de ce gamou-là n'est plus à démontrer, ça fait beaucoup de choses à la fois.
06 :39 : MGN : Et, est-ce qu'il y a eu des changements dans l'organisation des gamous depuis le temps que vous avez pu l'observer ?
06 :48 : Oui ! Oui ! Moi j'ai eu la chance de voir ce gamou pendant 30 ans. Avant, vraiment c'était des rassemblements, c'était des repas mais il n'y avait pas de cérémonies officielles.
Ce n'est pas mon père qui a inventé ça, c'est un peu ses oncles et surtout son père. On invite aussi le gouvernement, ça aussi c'est des temps forts, c'est des moments de visibilité pour le gouvernement, mais aussi pour la famille. C'était sans radios que cela se faisait et les radios sont venues et après maintenant la télévision. Et les images sont très fortes, elles sont parlantes. Un mois après on vous met le gamou, tout le monde regarde et dit : ah c'est bien organisé. Maintenant avec l'ouverture de la télévision, il y a toutes les télévisions, il y a le direct, même dans le net, on laisse pour la diaspora etc. On va vers un site où on mettrait de la vidéo, des photos, l'histoire de la famille etc. Mais je pense qu'on a fait des pas dans le domaine de la communication. D'abord, la cérémonie du soir, c'est politique, c'est une délégation ministérielle qui rencontre le khalife et il y a des échanges de propos parfois même centré sur l'actualité politique, souvent on met un parrain. Maintenant le soir c'est la veillée religieuse, on parle de sujets vraiment religieux, une sorte de table ronde où on dit : maintenant chacun prend 15 minutes. C'est des gens vraiment choisis dans la famille où ailleurs pour parler des Kounta, pour parler de la khadriya, l'histoire de wird, comment on devient khadre, les premiers khalifes. C'est des occasions. On a même pensé faire le message du khalife par une petite lettre qui vous rappelle que…, etc. Il y a des choses que les musulmans oublient, où on vous dit maintenant « écoutez, la zakat : les riches doivent aider les pauvres pour le dixième de leur richesse, etc. ».
C'est des piliers de l'Islam que l'on oublie. On va plus à la mer, on parle plus de foi, mais souvent les piliers en disant les riches ne nous aident même pas souvent. Est-ce que l'État ne pouvait pas aider à collecter tout cela et à le redistribuer ? Dans certains pays, ça existe. On peut choisir sur le terrorisme, mais souvent d'ailleurs les gens ont peur du mot, ils disent la paix. Mais souvent je leur dit, « mais quelle paix ? » « On veut lancer une formation sur… » Mais je dis, « où est le programme sur la paix. Mais écoutez, paix sociale où la guerre, ou quoi, ce n'est pas souvent très clair ». Mais on sent les soucis des gens, ce qui les inquiète, ce qu'ils veulent, ce qu'ils évitent, etc. Et je pense l'existence des tarikhas, cette existence a beaucoup aidé, donc pour avoir un Islam très pacifique et la Souna, le message des khalifes, « faites attentions, aimez vos frères », faites cela, je pense que cela a fait bouger les choses dans le sens d'un équilibre social. A Ndiassane ils ont parlé de paix, le khalife a exhorté les fidèles à donner la main aux autres, qu'il n'y ait pas de bagarre parce qu'écouter la terreur, etc. Le musulman qui le réveille un peu, cet esprit de belliqueux là, mais voilà, il sera condamné par Dieu et ça les gens font attention à ça.
10 :33 : MGN : A part des gamous, est-ce qu'il y a d'autres moyens pour renforcer le réseau des talibés ?
10 :40 : Oui ! Oui ! Les familles des anciens khalifes, parce que quand on dit khalife général, mon père est khalife général, il doit y avoir des khalifes particuliers. (Rires) Dans l'armée ça existe : le chef d'état-major des armées, le chef d'état-major de l'armée de terre, de la marine et de l'aviation, c'est un peu ce schéma-là. Il y a des khalifes qui ont été là, ils sont décédés mais les familles existent, il ne faut jamais les ignorer. Donc ces gens-là aussi ils ont une petite liberté, d'organiser un peu la vie interne de leur famille. Ils deviennent des khalifes de famille. Mais le khalife veille beaucoup sur eux, donc s'il y a des choses à distribuer ou à donner, il demande il y a combien de khalifes de famille ? Ils sont cinq ou six, mais il les convoque à une sorte de conseil restreint et il leur parle de vie de famille. C'est presque un gouvernement. [Il leur dit] « voilà un peu ce qu'il faut faire, faites attention, rappelez-vous de vos disciples directs », parce qu'eux ils ont des disciples directs, c'est différent des disciples en général. Donc chaque famille a aussi ses propres talibés. Bon là, quand il veut lancer un message il le fait. Ces gens-là sont des anniversaires, ça commence d'ailleurs à peser. Parce que chaque mois, on dit l'anniversaire du feu premier khalife, deuxième khalife, troisième, nous en sommes au sixième khalife, ça fait aussi des manifestations. Et aussi, ils se cotisent à l'interne, ils font appel à d'autres et chacun ne veut pas être le dernier. Là aussi, c'est des occasions de rassemblement et quand vous êtes devant ce public-là, c'est des publics spécifiques, vous n'allez parler que de ce khalife-là qui est décédé, (rires), en bien quand même. Et le khalife souvent il se déplace, et ça le fatigue. J'ai dit « maintenant non, parce que tu vas faire six gamous, ça va te faire beaucoup de choses ». De plus en plus ça s'élargit, la gendarmerie est convoquée, le préfet vient et ça, ça anime. Il y a un côté « dépensif », c'est vrai, ça anime aussi, ça ramène les gens. Au lieu d'accéder au grand khalife, ils passent par le khalife de famille, c'est lui qui les conduit. Et il faut le dire, ils croient plus, chacun croit plus en son khalife de famille qu'au khalife général qui est assez distant. Et ça, ça conserve aussi des amitiés, des alliances qu'il y avait, tout ça c'est extrêmement important, c'est une gestion de proximité. Or chez le khalife général c'est un peu à distance, les affaires générales c'est lui.
Parce que un ministre ne peut pas entrer à Ndiassane, aller voir un khalife de famille sans passer par le khalife. Ce serait vraiment très mal vu, il y aurait même un rappel à l'ordre en disant « mais le ministre-là, il ne passe pas par le khalife général ». Ils y'en a qui comprennent et qui disent « moi, je suis passé, j'ai dit bonjour au khalife mais je vais aller vers l'ancienne maison ». Bon ce qui est aussi dommage Maria, ce n'est pas dommage mais souvent quand un khalife décède, les gens abandonnent cette maison-là, ils vont vers le nouveau khalife, bon sauf les noyaux durs et ça, ça m'a fait très mal. Le khalife que mon père a remplacé et qui est mon beau-père parce que j'ai épousé sa fille, vous voyez c'est entre famille, il a fait une résidence mais personne n'y va maintenant, personne. Maintenant il a laissé son fils ainé qui est là, de temps en temps donc les gens viennent, c'est pourquoi aussi, ils sentent le besoin d'organiser un anniversaire pour voir la troupe, pour contrôler, pour recevoir quelques cadeaux aussi (rires). Et parfois aussi comme c'est centralisé, l' ‘État s'adresse plus au khalife général qu'aux autres. Ah Oui ! Parce qu'on a intérêt à parler au khalife général. Le khalife général, s'il ne fait pas attention aussi, s'il ne décentralise pas, mais il est critiqué, hein, on dit oui, mais il prend tout pour lui.
Bon je donne un exemple : du point de vu de la représentativité, moi quand je vais dans une cérémonie après le khalife on me présente. Pourtant il y a mes oncles, il y a les khalifes de familles, et c'est frustrant aussi. Et par modestie je leur dis « non, moi je ne suis pas le vice-khalife, le vice-khalife, c'est le plus âgé après le khalife. Il y a les khalifes de familles, vous êtes mes oncles ». Donc ça les gens le font comme ça par marketing. Parfois ça peut blesser, si celui-là il se prend pour une star, mais il veut prendre tout, il s'accapare de la parole mais on dit « celui-là il est arrogant, il se trompe, pourquoi il se comporte comme ça ». Il faut faire très attention, parce que ça crée des frustrations ; mais c'est comme ça, les gens croient qu'après le khalife vient son fils aîné. Ils disent d'ailleurs qu'il est là, accompagné de son… Or il y a une dizaine de gens, de khalifes, de petits khalifes, plus âgés qui devaient être peut-être plus proches, mais celui qui est venu faire des présentations peut-être il ne le sait pas. Il dit « mais où est le khalife, ah est-ce qu'il a un fils, où est-il ? » Ah Oui ! En plus, il est intellectuel, donc il peut s'exprimer en français, en arabe et en wolof. Mais s'il se prend pour le centre du monde ce n'est pas bon. J'ai même des expressions, je dis ici, il faut nommer le khalife du jour, des petits-fils de khalife du jour, des porte-paroles du jour. Ils disent, comment ça ? Je dis non, ce n'est pas le plus âgé, ce n'est pas le fils, à chaque occasion vous prenez quelqu'un qui fait partie de la famille et vous lui donnez la parole, pourquoi toujours le fils du khalife ? Ils disent non, c'est que ça passe mieux quoi. Maintenant si quelqu'un n'essaye pas de savoir ça, mais il va avoir le monopole du pouvoir, parce qu'aussi il faut le dire tout est pouvoir. C'est le pouvoir peut être religieux, de dire je donne, on arrête, on ne fait pas ça, vous voyez. Et parfois ça crée des inimitiés par rapport au khalife. Le khalife, il n'est pas toujours aimé, hein, par sa position. Surtout quand il travaille, s'il fait du bien, on dit ah, ils se disent, « nous notre père était là hein, il n'a pas fait beaucoup de choses, celui-là il est en train de faire tout, c'est une vedette ». On parle de lui. Or c'est le développement du média. Quelqu'un disait la violence n'a pas changé, elle existait, mais c'est surtout la médiatisation.
Il y a 50 ans, s'il y avait un crime ici, on restait trois mois pour savoir qu'il y avait un crime. Mais aujourd'hui à l'heure, on vous dit il y a un talibé qui a été égorgé à Thiès. Donc elle était là, la violence, mais c'est surtout… Aussi les phénomènes du khalifat, c'est surtout ça, les gens étaient dans leur retraite, ils étaient là, ils vivaient bien, maintenant c'est même le khalife qui a besoin de l'aide des médias. Est-ce qu'elle est là ? Est-ce qu'elle va venir ? Bon, vous téléphonez au directeur de… Parfois d'ailleurs sans formalité. Par ailleurs, on vous dit mais vous écrivez, vous faites une demande, il dit non « donnez-moi le directeur, allo, il dit, directeur j'ai un petit gamou là, il faut venir hein, faire le reportage ». Comme parfois c'est commercial aussi et les tarikhas, les khalifes, sont exemptés de ça, ils ne paient pas. Si un directeur essaye de mettre de l'ordre, mais il part, hein. Parce que à la première occasion ils vont dire au Président, le directeur de la RTS, « il n'est pas sérieux hein (rires). Il a mal filmé le truc, écoute, nous sommes des musulmans hein, nous sommes des sénégalais ». Et les politiques ont peur de ça, ah oui. Ils sont prêts à sanctionner quelqu'un qui n'a rien fait, qui n'a fait qu'appliquer les textes. C'est une culture, si par exemple le gouverneur de région a des problèmes avec le khalife, mais tout de suite il part, hein. Il dit « ah non, moi celui-là je ne peux plus travailler avec lui, ne l'envoyez plus à Ndiassane ». Il va à Thiénéba, il va à Tivaouane, mais on lui interdit le séjour à Ndiassane, persona non grata. Ils disent à leurs frères attention hein, il faut faire massla4 , il faut vraiment les écouter quoi. Parce que les talibés sont les électeurs, les politiques ne sont pas bêtes hein, ils ne le font pas par respect, ils n'y croient même pas, mais ils le font en disant « je veux gagner les élections. S'il y a une communauté qui vote contre nous ça peut poser problème. Et le khalife le dit même en public, à une occasion, il dit non, nous avons des problèmes. Ou bien ils vont déléguer quelqu'un qui va le dire, une brebis galeuse qui va dire « non on nous maltraite, etc. qu'est-ce qui se passe ? » Et les politiques ont peur de ça. Ils veulent la paix.
19 :51 : MGN : Bon, ma dernière question porte sur les médias. Vous avez évoqué la radio, la télévision. Et actuellement on utilise beaucoup de portables de toutes sortes, ce qu'on appelle les nouveaux médias, n'est-ce pas ? Comment est-ce que vous voyez le rôle de divers médias pour faire connaitre la tarikha et pour enrichir la vie religieuse et spirituelle des talibés ?Est-ce qu'il y a des projets dans ce sens ?
Oui ! Oui ! Nous, on a tellement appris auprès des médias, leur importance, et ça il faut le dire, ils viennent même filmer nos prières. « Pourquoi pas un message du khalife, pourquoi pas une conférence de presse, Mouhamed Kounta, sur ce qui se passe à Ndiassane ? » Mais ils préfèrent montrer quelqu'un qui prie, les khoubas [prêches] en arabe et puis c'est long et il faut traduire, ce qu'ils appellent les avant-premières. Ça on le sait, vers 19h il y a au moins 300.000 annonces pour dire qu'à Podor on organise un petit gamou, etc. Celui qui ne le fait pas, ils vont dire que le gamou n'est pas bon. Les gens sentent la nécessité mais ils n'ont pas de mode d'emploi. Il ne faut pas laisser que les médias viennent vers nous, mais nous devons aller vers les médias, mais les aider à organiser cela. Un gamou, comme le gamou de Ndiassane, peut-être le petit gamou, « Goudi Cheikh Bou », pourquoi ne pas le faire dans un salon, que les gens parlent, mais les gens sont là sur des chaises, c'est toi qui parle. Ah Oui, j'appelle… On dit maintenant comme il y a des communicateurs, des gens qui connaisse un peu la sociologie de la communication, ils disent « mais non, changeons les formes. Pourquoi ne pas convoquer toute la presse et faire une conférence de presse ? Disons la presse écrite, la radio, la télévision etc. ça passe, pourquoi ne pas faire un message du khalife lors des évènements, lors des crises ? Est-ce qu'il n'y a pas une autre manière d'être visible ? Et on a fait une commission de presse et de communication ». C'est surtout des jeunes et on leur dit il faut chercher. Même sur la manière de filmer les cérémonies, de prendre le khalife, la manière d'organiser un peu le plateau. Est-ce qu'il ne faudrait pas aussi lancer les gens à aller dans les radios faire des messages ? Mais qui coordonne ? Qu'est-ce qu'il faut dire ? Parce qu'il peut y avoir même des dérapages, contrôler tout cela, quand est-ce que le khalife doit parler ? Parfois il y a des sujets qu'il ne maîtrise pas. Si on dit au khalife que : « pensez-vous de l'émergence » ? Ceux qui parlent de l'émergence ne comprennent même pas l'émergence.
Mais qu'est-ce qu'il va dire ? Il peut même parler de gamou à la place d'émergence, mais si c'est un intellectuel, il parlera de l'émergence de Ndiassane. Tout ce que nous avons dit ça contribue à l'émergence de Ndiassane, au développement de Ndiassane. Il n'a pas été formé à ça. Il y a des choses, il ne faut jamais les dire. Le khalife peut le dire si vous ne l'encadrez pas, il peut dénoncer quelqu'un, s'il y a du direct, c'est la catastrophe. Dire nommément à quelqu'un qu'il ne fait pas son boulot, il est contre Ndiassane, il est contre la khadriya, ou bien peut-être changer des propos, parce que souvent les médias sont source de conflits, parce qu'il y a des gens qui racontent du n'importe quoi. Je donne un exemple, nous chez les Khadres on fume la pipe, donc on fume la cigarette. Dans d'autres localités, c'est interdit. Et si maintenant quelqu'un d'une autre confrérie, dit « oui écoute, les Khadres-là ou, en tout cas la cigarette là… ceux qui fument ne sont pas musulmans ». Ça veut dire qu'il a dit que nous ne sommes pas musulmans. C'est extrêmement grave. Nous on leur dit non, allez dans le Coran, donnez-nous le mot fumer le tabac. Ou bien ils assimilent le tabac à autre chose ou ils disent quelqu'un qui fume le tabac, il peut fumer autre chose, ce qui n'est pas vrai. Nous avons les tabalas, ces sortes de tambours et ça nous vient du Prophète. Quand quelqu'un dit « non, ça c'est du sabar ». Il faut avoir du respect. Nous avons des symboles trop forts, mais quelqu'un peut pervertir ça en tapant sur un autre tambour. Mais quand même, si quelqu'un attaque nos symboles, nous avons les tabalas là, ce n'est pas de l'animation, c'est ceci. On peut être astreint à répondre. Donc vous voyez, tout cela les médias peuvent faire ressortir cette idée-là. Ou bien quelqu'un, par inadvertance, nomme le cheikh d'une confrérie …
25 :11 : [On frappe à la porte]
Entrez !
Donc tout le monde fait attention et on le contrôle, nous le contrôlons très, très bien. Nous contrôlons cela en disant « faites attention aux propos, ne frustrez pas les autres, en attaquant, en disant, oui, ce qu'ils font là ce n'est pas fondé ». Moi, je fais très attention à ça en disant « ceux qui vont parler au nom de la famille, ils n'ont qu'à s'arrêter là ». Mais aussi quand on nous attaque, on dit « écoute, vous avez dit telle chose on vous a attaqué.»
Je donne un exemple très substantiel. Ils sont en train de faire la place de l'Islam dans l'Histoire Général du Sénégal5. On ne nous a pas consulté, vous allez voir, ils vont mettre deux lignes sur la khadriya, deux ! Qui est là-bas ? Iba Der. Ils devaient se déplacer comme vous, dire la khadriya qu'est-ce que vous avez fait, etc. Mais ils sont à l'hôtel Méridien Président6, ils convoquent des commissions, chacun tire la couverture sur lui, « oui, je suis le meilleur, je suis le etc. » Ce n'est pas ça. Paul Marty, il n'est pas un bon chercheur ? Il était là pour autre chose, il a fait l'historique sincère des familles. Evidemment, c'est l'interprétation qui pose problème. Mais quand il venait à Ndiassane, il allait voir d'autres pour dire qu'est-ce que vous pensez de … pour écrire des propos. Donc s'ils sont courtois, ils vont dire ce sont nos voisins hein, il y a un respect. S'ils tirent trop sur la couverture aussi... C'est une anecdote, c'est un fou qui arrive dans les cimetières, il dit : « mais vous là, vous ne faites que dormir, vous ne réagissez pas ». Personne n'a répondu. Il continue, « mais vous n'avez pas de téléphone là-bas (rires), pour nous dire qu'est-ce qui se passe, les résultats, qui est le meilleur etc. ? » Personne ne répond, il dit « moi, je vais vous dire ce qui se passe ici, les gens se sont partagé vos biens. Tout ce que vous cachiez, maintenant tout le monde le sait, les fonds de valises, les fonds de…, il dit … Mais ce qui est gênant c'est ce grand silence là, on n'a pas d'écho, il n'y a pas de feedback (rires). »
Mais j'ai dit ce ne sont pas des propos de fou, mais c'est la triste réalité. Les gens devaient faire attention mais aussi, l'espérance est là, je pense qu'il faut espérer, c'est vrai. Parce que s'il n'y avait pas ces confréries, s'il n'y avait pas Dieu, s'il n'y avait pas la foi, mais il y'aurait des problèmes. Un musulman indonésien, chercheur, nous dit, « moi je ne suis pas esclave de Dieu, je suis un homme. Parce que même s'il y avait un décret pour dire, lundi, on va arrêter l'Islam, moi je vais continuer. Avec l'Islam, j'ai la paix, j'ai l'hygiène, je fais des ablutions, on me dit de ne pas voler, on me dit de ne pas mentir, on me dit de respecter la personne, on me dit de travailler. S'il n'y avait même pas de paradis, c'est l'organisation sociale, cette sécurité qui est en l'Islam, c'est cela ». Je ne sais pas si vous avez compris mais j'ai beaucoup aimé ces propos-là. C'est un Indonésien, un religieux qui disait cela, c'est une adhésion volontaire. Et même si mon cheikh me dit « arrête lundi, il n'y a plus d'Islam maintenant, l'Islam c'est fini, moi je vais continuer, parce que ça me protège, cela me donne une raison de vivre, ça me permet d'adorer un Dieu que je n'ai pas vu, mais dans ma liberté, on ne me frappe pas pour être musulman, donc je ne suis pas esclave de Dieu, je suis un noble face à Dieu. C'est-à-dire ce que je fais, je le fais volontairement par adhésion mais au nom aussi de ma liberté ». Je pense qu'il faut aller dans ce sens-là.
29 :09 : MNG : Bon, je crois que c'est une bonne manière de terminer mais si vous voulez ajouter quelque chose.
Oui, moi je pense que, c'est cela, saluer un peu la démarche. C'est que de la recherche, mais ça nous permet aussi de nous exprimer, d'être entier, parce que tout ce que nous disons c'est très sincère, c'est très sincère. C'est un savoir qu'on va mettre à la disposition du monde.
L'histoire dira un jour, « Maria, tu venais des Etats-Unis et allais dans un petit village, insignifiant dans le Cayor, à coté de Thiès et de Tivaouane, écouter des gens ». Ça fait partie du commerce des gens. Eh oui, ça nous permet d'abord peut-être de dire ce que nous avons à dire, mais aussi de faire avancer l'humanité. Et ça, ça a un prix, vous devez prendre votre … aujourd'hui pour terminer cette interview. Peut-être si vous étiez rentrée sans que je vous voie, je dirai « Maria ne comprendra pas que je n'ai pas le temps ». J'ai voyagé, je suis là, j'avais la grippe. Mais vraiment ça, ça me permet de dire « ouf, enfin j'ai dit quelque chose ». Et peut-être on aura l'occasion encore de revenir et de dire qu'est-ce qu'on avait fait en 2015 au mois d'août. C'est ce contact-là, très sincère, et le salaire de cela c'est vraiment de se faire connaître, de dire que quelqu'un est venu d'un autr
00:03: Maria Grosz-Ngaté: Bonjour Monsieur Kounta!
00: 04: Mohamed Kounta: Bonjour Maria!
00 :05 : MGN : Je suis très contente que vous êtes disponible de faire cet entretien avec moi et je vais toute de suite commencer, n'est-ce pas, avec les questions que j'ai relevées. Et après on peut toujours ajouter. Si vous arrivez à la fin, vous pouvez dire un mot de fin, n'est-ce pas, s'il y a des sujets que je n'ai pas abordés.
Bon ! Votre père avait terminé sa première année au khalifat lors de notre interview en 2007, il est maintenant dans sa neuvième année comme khalife. Ayant été à son côté pendant tout ce temps, pourriez-vous réfléchir sur les huit dernières années ?
Oui ! Oui ! Maria, donc tous nos remerciements. Ma disponibilité est un peu à l'image de l'intérêt que vous portez à Ndiassane, la famille khadriya, à la famille Kountiyou, parce que vraiment vous vous êtes beaucoup intéressée à cette famille-là. C'est tout un honneur pour nous aussi de vous recevoir. Et vous êtes maintenant presque membre à part entière de cette famille Kountiyou. Vous avez même…uh, désisté à certains honneurs pour être dans le bain chez les Coulibaly, ça c'est extraordinaire. On vous avait préparé une chambre, on voulait vous accueillir, notre propre population… mais par votre personnalité et votre degré d'implication…
Comme vous l'avez dit en 2007 vous étiez là et cela nous a beaucoup frappés. Les gens, ils viennent, ils passent, ils ne mettent pas la main dans la pâte. Mais vous vraiment c'est un modèle de recherche, c'est un modèle de chercheur parce que vous acceptez le dépaysement et tout ça, on vous remercie. Je le fais au nom du khalife, au nom de la famille Kountiyou, au nom des disciples khadriya du Sénégal. Comme vous l'avez dit, je suis le fils ainé du Khalife, je suis le secrétaire général si on parlait d'un ministère de ce khalifat. Donc j'étais à son coté, je l'accompagne. C'était presqu'une nécessité, j'ai pris du recul par rapport à mon travail, Cissé peut en témoigner. J'ai laissé mon poste de chef de département pour venir à coté de mon père, parce que tout le monde sait que je suis universitaire. Et si je laisse ce khalifat entre les mains des autres, si je ne suis, si je suis pas présent cela pose des problèmes. Donc je suis partagé entre mon travail à l'université, à la FASTEF, et un peu ce qui se passe ici. Bon, vraiment c'est tout un plaisir, c'est même un don de Dieu; ça je le dis que mon père soit Khalife et que je sois à ses côtés pour l'aider, pour le conseiller, évidemment pour régler les affaires du khalifat, c'est important. Donc c'est un poste presque de secrétaire général dans un ministère. D'ailleurs, je me nomme coordonnateur général du gamou de Ndiassane. Parce que c'est en fonction des événements que l'on se présente. Bon, il y a un porte-parole, il y a un secrétaire particulier en arabe, c'est tout un gouvernement qui est là autour du Khalife.
Bon, la question me renvoie à un bilan, parce qu'en décembre il va faire 10 ans. Vraiment il faut le dire, avec la grâce de Dieu, moi je ne le pensais pas. Il est vieux, Dieu a fait qu'aujourd'hui, il est encore là, il est lucide, il a 91 ans. Depuis lors, comme vous l'avez dit les choses ont bougé dans le bon sens. D'abord, les gens l'appellent le Khalife chanceux, qu'il a de la chance. Quelle chance, c'est vrai ? Parce que c'est le premier petit-fils de Cheikh Bou Kounta à accéder à cette fonction qui est vraiment une fonction de prestige. Tout le monde n'est pas Khalife. Dans la lignée vous l'avez vu, il y en a qui ne seront jamais khalife. Par là aussi ça élimine certains. Et chaque fois qu'il y a changement de génération, les gens ont peur en disant « est-ce qu'il peut faire comme les autres » ? Cela veut dire son père ou ses oncles.
Mais je pense qu'avec la grâce de Dieu et il le dit modestement. Il dit « non, non ce sont mes oncles, mon père, ce sont mes oncles qui ont travaillé et c'est une continuité ». Mais une continuité avec des convergences. Des convergences d'abord politiques. Quand il est arrivé c'était le temps du mandat d'Abdoulaye Wade, qui était tellement ouvert aux chefs religieux, cela nous a aidé à faire pas mal de choses. Savez-vous que nous sommes traités comme une minorité ? Parce que les gens parlent de pourcentage, de 60%, 35%, la khadriya comme les Chrétiens 5%. C'est assez frustrant. Parce qu'en termes de foi on ne peut pas peser un homme par le nombre de kilogrammes. C'est son adhésion, c'est un peu son engagement par rapport à Dieu, c'est cela. Un élu peut valoir mille individus, mais c'est ainsi fait, on y peut rien. Mais ce qui est important pour cette khadriya et pour ce que mon père est en train de faire c'est l'ancienneté. La khadriya c'est le septième siècle marqué par Abdoul Khadre Diélani au 11e et 12e siècle, ça tout le monde le sais. Et depuis lors il y a un héritage. Et quand c'est ancien, il y a de l'usure, de temps en temps, il y a quelqu'un qui vient redémarrer les choses. En termes de rénovation, je pense que mon père a fait des choses à Ndiassane. D'abord la modernisation de la ville, c'était un petit village comme un nid d'oiseau entre des branches.
C'est une affaire familiale. Mais aujourd'hui, on a eu un tableau de bord, on a un peu urbanisé. Parce que la spécificité de Ndiassane c'est surtout une khadriya qui n'a pas de frontière qui va jusqu'en Ethiopie. Et puis, nous avons une forte colonie de maliens, de burkinabés, de guinéens qui viennent régulièrement au gamou parce que ça c'est ancien. Et je vous rappelle en passant que le village a été créé en 1883, le village de Cheikh Bou Kounta qui est décédé le 13 juillet 1914. D'abord, il s'est ouvert aux politiques parce qu'un khalifat ne peut pas marcher seul sans l'apport de l'État. Il y a des choses sérieuses, regardez, en termes d'infrastructures routières, un khalife ne peut pas se payer le luxe de faire des routes. En termes même de diplomatie, un khalifat s'ouvre, il faut des passeports diplomatiques pour contourner les visas pour aller vers les disciples. Dans la diaspora, il y'a toutes les confréries.
Nous sommes un ministère sans administration, et il fallait faire une maison des hôtes: la résidence du khalife. On est un peu comme l'administration et le Président Wade nous a aidés à le faire et cela tournait autour d'un milliard, avec des bureaux, des appartements, une petite télévision communautaire, une radio, surtout une bibliothèque parce que les Kounta ont beaucoup écrit, surtout, je le cite, notre grand-père Cheikh Sidi Makhtar al Kountiyou. Il est célèbre pour ses écrits, surtout sur l'astronomie, sur l'histoire, sur la géographie. C'est une des références. Et ce qui est important les autres le reconnaissent en tant que grand chef, il l'appelle « Cheikhou chouyouqi », le Cheikh des Cheikhs. Et ça c'est à l'unanimité. Bien ! Il fallait faire un daara parce que quand on parle de tarikha il faut une formation, un khadre il est formé quand il est petit pour avoir une culture de khadriya, donc d'écoles de daaras, disons. Il faut équiper le village. Regardez, cela fait des milliers de pèlerins qui viennent pour une nuit. Où est ce qu'il faut organiser les cérémonies ? Il faut évidemment embellir, nous avons notre mausolée, le fondateur, il est enterré au centre du village, nous l'avions un peu négligé mais on est en train de faire le mausolée, c'est important. Et tout de suite ça frappe les disciples Kounta. Ils disent « Ah enfin, vous êtes en train de faire le mausolée ». « Si celui qui est enterré là est content… » Les gens fonctionnent comme ça. C'est une culture populaire. Mais surtout un symbole. Nous n'avons pas encore de grande mosquée mais nous allons la faire, ça c'est sûr. Une vraie, une mosquée khadriya, comme celle des mourides, celles des tidianes.
Parce que jusqu'ici c'est par modestie, on n'était pas tellement visible. Mais on aimerait faire cette mosquée-là. Mais nous nous sommes dit, « On n'attend pas l'État pour faire des mosquées, c'est une affaire privée et de foi ». Est-ce que nous khadres avec les autres musulmans… Parce que quand les gens trouvent que vous êtes sérieux, ils viennent, ils réagissent, des individus etc., ils aiment faire des mosquées. Nous avons les plans, nous allons vraiment réaliser les fondements en attendant que les autres viennent. Parce qu'on se dit quand même il faut compter en commençant par soi, il ne faut pas attendre tout, une mosquée clé en main comme ça. Donc nous sommes en train de la faire. On a identifié la place, j'ai fait un sondage que le khalife m'a demandé. « Où est-ce que vous voulez votre mosquée ? » Parce qu'on avait choisi un endroit qui était un peu isolé, maintenant on revient au centre du village. Et à 99% les gens ont dit qu'il faut ramener ça parce qu'ils pensent un peu à un complexe : mausolée, mosquée et aussi abri des pèlerins là où on organise les cérémonies. Dans ce cas, il y a vraiment de grands progrès. L'État nous a aidés à faire l'abri, on est en train de le faire, le mausolée, c'était nous, sous forme de cotisation mais il y a de bonnes volontés qui ont participé. Si vous passez, vous allez voir que tout le monde est content pratiquement.
Il y a maintenant un marché malien, je ne sais pas sur le plan économique, les maliens et surtout les femmes maliennes viennent vendre leurs tissus « thioubs » ici. Ils ne le font pas à Touba, ils ne le font pas à Tivaoune. Le « thioub » ce tissu-là se vend mieux à Ndiassane qu'ailleurs. Et pourtant ce sont les mêmes commerçants qui sont à la gare mais quand ils viennent, ils vous disent : c'est le vrai « thioub », c'est le « thioub » de Ndiassane. Ils se déplacent les week-ends pour faire le reste. Le marché, il est là, souvent pour un mois. Cela crée des désagréments, c'est vrai, parce que la proximité, l'hygiène, le reste, la sécurité, la gendarmerie est là. Maintenant c'est bien installé. Peut-être on pense à faire une foire un jour, une foire de tissus etc. Je rêve dans ce sens-là à avoir un tableau de bord et à peut-être théoriser mais aussi à aller voir l'aspect pratique pour marquer ce Khalifat-là. Il [le khalife] tient beaucoup à cela. Il me dit Mohamed, « je dois marquer mon khalifat. D'abord, il n'y a pas une rupture, j'avais peur que les choses baissent mais au contraire, j'ai maintenu le niveau, je l'ai même un peu élevé par rapport aux autres. Cela ne veut pas dire que mes oncles n'ont pas bien travaillé ou que mon père n'a pas bien travaillé, cela veut dire que nous suivons un peu le cours de l'histoire et des progrès ». Je vous assure, un khalife, c'est très sérieux un khalifat, parce qu'il est interpelé tout le temps par des politiques qui, eux, ont des conseillers, qui eux ont été dans les grandes universités, lui il n'a pas le temps. Il a fait le daara. Donc si on l'interpelle sur des questions économiques, il passe à côté. Donc on a voulu conservé ce mythe-là, l'image du khalife, qu'il ne s'implique pas trop dans des choses qu'il ne maitrise pas. Parce que le sénégalais il pense que le khalife ne doit pas être trop proche du régime, [Rires] parce que cela crée des problèmes. « Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs, ah non pourquoi il est allé saluer le président ? Pourquoi il doit venir le voir ? Pourquoi il a dit merci ? » Même un petit merci, on dit non, il n'avait pas le droit de le dire, c'est le khalife de tout le monde. Tout le monde n'est pas du même côté politique etc. Donc c'est des sensibilités qu'il faut gérer, il sait les gérer. Il est très ouvert et aussi il a beaucoup fait pour l'alliance des familles.
Sa seconde épouse Aminata Mbacké, ma tante, est la fille du fils ainé de Serigne Touba. La tante à mon père, ma grande-mère était l'épouse de Serigne Babacar Sy. Il y a une maison à Tivaouane qui s'appelle Ndiassane. Et mes demi-frères, leur mère est de Touba. Vous voyez ce qu'il a fait et que les autres n'ont pas fait, et cette alliance existe. Aujourd'hui, quand il y a un débat, quand ils veulent échanger, ils appellent le porte-parole du khalife des tidianes Serigne Abdou Aziz al Amine. En tout cas, nous, on est là, on vous écoute, il n'y a pas de division. Et savez-vous que ça c'est extrêmement important au niveau des talibés. Au niveau supérieur, il n'y a pas de problème, ça marche, mais le talibé moyen, il ne comprend pas. Il va vers des comparaisons. « Ah mon marabout, c'est le meilleur, mon etc. ». Et ça, si souvent ce message-là passe, on leur dit faites attention, la paix… Quand il y a des dérapages, toute suite les khalifes réagissent. C'est des sapeurs-pompiers. Socialement, ils sont les sapeurs-pompiers et ça c'est extrêmement important. Et nous on est voisin directe de Tivaouane, maintenant on est juste à côté hein, mais on n'aimerait pas être un quartier de Tivaouane. Au nom de la khadriya, au nom de la……. de notre confréries on ne peut pas. C'est pourquoi souvent il y a des doublons. On fait des choses à Tivaouane, même un hôpital, souvent Ndiassane est assez réticent, faites-nous notre hôpital à nous. Des écoles on a dit ah non, nous aussi on a besoin d'un lycée et pourtant le lycée est là. Des choses comme ça et c'est tout à fait normal. Parce que c'est une question d'abord d'appartenance et puis maintenant les alliances vont venir après. Donc vraiment si vous faites un sondage, il a fait pas mal de choses en huit, neuve ans. Je pense qu'il a eu comme on le dit la baraka quand même, la chance. Les autres l'ont fait mais dans le domaine de la foi, peut-être, dans le domaine du rassemblement, mais l'ouverture c'est ça.
L'État a beaucoup aidé, par exemple à chaque gamou, on distribue à peu-prés 200 tonnes de riz, on n'oublie personne, c'est pour aider les gens à accueillir. C'est un petit village, ce n'est pas comme Touba, ce n'est pas comme Tivaouane qui sont presque des communes. Mais nous, on est même pas une communauté rurale. Mais qui quand même sensibilise aux problèmes d'eau, d'électricité, c'est aussi l'aide aux denrées alimentaires, c'est la modernisation parce que quand les gens voient qu'il y a une nouvelle route tout le monde est content. Parce qu'ils disent « il y a 20 ans, il y a 10 ans on n'avait pas tout cela. Mais tout ça, c'est maintenant très technique on ne peut pas laisser cela entre les mains de quelqu'un qui n'a pas été à l'école.
Donc vous voyez sur ce plan-là vraiment il est assisté par son fils ou par une équipe et, ça c'est extrêmement important. Ses voyages, il est vieux mais vraiment il se déplace. Il va vers Dakar, il assiste les talibés, il va voir des malades et quand il y a des évènements, il se déplace, même les petits baptêmes, je lui interdis, il faut déléguer, mais il dit non Mouhamed quand je peux le faire je le fais. Actuellement, il faut vraiment le dire, il est vieux, il a 91 ans, donc physiquement il est faible, mais intellectuellement, il n'a pas perdu la mémoire, en tout cas, il a une mémoire plus vive que la mienne. Pourquoi, parce qu'il te dit que j'ai vu un tel, il était en boubou blanc, moi je ne connais pas le numéro de ma voiture (Rires). Donc vous voyez, il est très chaleureux, hospitalier et il nous appelle vers ça. « Prenez, il faut que les gens viennent pour montrer un peu le patrimoine des Kounta, faites connaitre les Kounta parce que nous sommes dans nos coins, on ne sait pas quelle identité souvent… il connait tout au moins…il faut parfois utiliser la communication, ce qui est en train d'être fait. Donc vraiment pour les huit ans, Ndiassane s'est modernisé mais il reste des choses à faire. Moi je suis le responsable des chantiers, je coordonne un peu tout ça. Mais on voit encore plus loin. Nous avons fait la première étape, le début était difficile mais aujourd'hui il y a un rodage. On sait qui fait quoi etc. Son rôle aussi s'est simplifié et il a des relations normales avec les politiques et l'État. C'est important.
17 :28: MGN : Parmi les projets que vous avez mentionné, je veux tout simplement souligner que les maliens m'ont aussi parlé de ce marché permanent. Parce que vraiment ça leur tient à cœur.
Mais sans le marché, il n'y a pas de gamou. Il y a eu de petits problèmes parce qu'il fallait aussi déplacer le marché. Il y a eu des résistances, ce marché était accolé au mausolée et il n'y a pas de toilettes, ils sont un peu poussés à faire ça sur place et ça nous avait choqué. Le bavardage, les cris, les querelles, les bagarres autour du mausolée, et il y a quelqu'un qui a vu en rêve le fondateur qui lui dit « mais vraiment, déplacez-moi ce marché-là ». Ça c'est gênant, mais c'est un rêve hein ! Et moi cela m'a donné le courage de dire qu'on va vers le parking, plus tard on ira vers une foire. Et ils l'ont fait depuis 50 ans donc c'était un peu difficile de déménager ce marché-là. Et le khalife à un certain moment, il m'a appuyé, mais à un certain moment il a dit « non, arrête, tout ça va faire des histoires, on va dire que ce marché là c'est moi, j'ai créé des problèmes ». J'ai dit non, il faut le faire. On ne peut pas faire d'omelettes sans casser des œufs. Je lui ai dit «vous avez fait le lotissement du village », Il n'était pas khalife, mais c'est lui qui a fait ce petit lotissement-là. Sinon Ndiassane était entassé autour du… Mais aujourd'hui, regardez. Et quand il a fait le lotissement, il n'a pas pris les bonnes parcelles. Il dit moi je vais vers Tivaouane. Ici, c'était les greniers, c'était un champ, donc il a donné l'exemple en faisant cette maison-là. Mais il pouvait dégager des gens mais ça ne passait pas. Les gens vont dire regardez, ils ont fait des lotissements, ils ont fait partir des gens pour prendre leurs maisons. Et je lui ai dit, moi, je vous emboite le pas parce que vous avez fait l'alignement du village en petites concessions, les rues. Moi aussi je vais déplacer le marché malien, ce n'était pas facile hein ! On m'en voulait parce que les gens vendaient le mètre carré à 25.000F, 50.000 autour d'un espace, même autour de la mosquée, autour du mausolée. Et moi, j'ai fait le tour du monde, je n'ai jamais vu un mausolée envahi par un marché. Donc j'ai réussi ce pari-là. Avec l'aide de l'Etat, on a eu des bâches qui n'étaient pas destinées au marché, mais j'ai un peu forcé une cinquantaine, ça fait 300 commerçants, on s'est installé au parking, ça fait étroit. Mais aussi, il fallait commercialiser les places en disant on va de 60.000 à 33.000, mais la bâche c'est sur place donc ça fait à peu près 200.000. Les gens ont dit non, une bâche à 200.000 non, ils ont vu la bâche mais ils n'ont pas vu la place. La presse a fait écho, mais ce n'était pas ça. Nous ne sommes pas une communauté rurale, nous ne sommes pas une commune, nous sommes un gros village dans une commune. Donc on a voulu faire nos propres investissements. La mosquée, par exemple, il fallait faire le carrelage, il fallait acheter des tapis, un aspirateur, pour le mausolée, il fallait faire des carreaux et les carreaux le mètre carré c'est 8.000F et cela tournait autour de 5.000.000. Et tout ça, il n'y avait pas quelqu'un pour le faire. Donc il faut partir de ça, faire garder les plus-values par année jusqu'à 5.000.000 et investir avec un comité de gestion. L'autre problème qu'il y a, c'est le foncier, il l'a réglé aussi.
Le foncier c'est très délicat. Avant c'était des champs appartenant à toute la famille. Mais le khalife a dit non, avant de parler de champ, parlons d'habitation. Il faut que les gens aient leurs parcelles, etc. Avant, on vous donnait la parcelle il n'y avait pas de papiers, il n'y avait pas de titre de propriété. Et nous on a essayé de faire ça. Quand on vous donne la parcelle, on matérialise ça en disant vous êtes propriétaire ou bien vous êtes responsable des peines sur le… Or savez-vous que c'était titre foncier de 1902 ? Contrairement aux autres, c'est un titre foncier général de 1902 de 357 hectares. Donc vraiment bravo à Cheikh Bou Kounta qui déjà en 1902 pensait à nous laisser un patrimoine foncier. Moi, actuellement je suis universitaire, je ne sais pas comment on fait un titre foncier, je vous assure, je ne connais pas la démarche. Je me rends à Dakar, on m'a donné mon papier, j'ai dit « ah ça, c'est un titre foncier. Cela veut dire que vraiment je peux attester ». Lui, il dit « je pense que cela va progresser, je leur laisse au moins ce patrimoine-là ». Et ce n'était pas facile. Pourquoi il l'a fait ? Parce qu'il pense à l'évolution des choses. Il venait de Ndankh, c'était un maure en milieu wolof, un peu riche, il était très mal vu, il est arrivé d'ailleurs qu'on incendiait ses constructions en herbe qui n'étaient pas bâties. C'était des wolofs qui disaient, ce naar-là [maure], un maure qui vient, qui débarque, qui est chef religieux, qu'est-ce qu'il fait ici ? Ils ne connaissaient pas la khadriya. Mais il s'est imposé, c'était un homme pacifique. Il s'est imposé par la prière. C'est pourquoi d'ailleurs, essentiellement il n'y a pas beaucoup de wolofs khadres sauf chez les fadiliyas, parce qu'il y a deux branches khadriyas : il y a les fadiliyas, mais eux ils sont de Mauritanie, à Nimzath la capitale. Ils viennent chercher des disciples ici. Mais nous, comme autochtones, comme sénégalais, Ndiassane est la capitale de la khadriya, ça c'est sûr. Donc, il s'est imposé et c'est des maliens qui sont venus par le chemin de fer et même parfois avec des touffes, parce que c'était des animistes, et ils sont venus pour voir Cheikh Bou Kounta. Ils l'ont vu en rêve, il n'est jamais allé au Mali. Et il y a un quartier qui s'appelle Mbambara et eux ils connaissent leurs ancêtres. Mon arrière-grand-père qui a marché de Ségou à Ndiassane. Et quand ils étaient venus, ils étaient très bien hébergés. Et puis, ils conservaient leurs coutumes, ils continuaient à parler bambara et tout de suite, ils se convertissaient à l'Islam. Et d'ailleurs, on les appelait des animistes, et Cheikh Bou disait qu'eux quand ils épousent l'islam, ils sont sincères contrairement aux wolofs. Un Bambara, un lakk katt1, il est entier et c'est eux qui l'ont aidé à développer l'agriculture. C'était des gens très disciplinés. Il y a eu même des corvées, parce qu'il y a « Badjiga », c'était des champs, ils marchaient, ils coupaient des arbres etc. Il leur arrivait même de porter des pierres pour construire les bâtiments, et même construire des bâtiments pour les prières. C'était des maures, c'était des bambaras, des dioulas, ça dépend un peu des origines et même des peuls du Macina.
Donc pour revenir à notre khalifat, il est le sixième, mais c'est le premier petit fils à occuper cela. Et c'était une génération à Tivaouane, il y avait Serigne Mansour, à Touba il y'avait Serigne Bara. Ils avaient le même âge, c'était des gens qui sont nées entre 22 [1922] et 25 [1925]. Mon père, il est de 25. Mais vraiment, il faut le dire, cette culture, cette ouverture, cette compréhension des choses, mais vraiment ça l'a beaucoup aidé. Parce qu'il les a fréquentés, il y avait un model chez les mourides, c'était Serigne Cheikh Mbacké qui lui a donné sa sœur en mariage. Lui aussi, très tôt il a compris les choses. Il se réclame commerçant, il a modernisé. Je vous donne un exemple, à Touba on dit non il ne faut pas faire d'étage, c'est interdit, parce que du fait le fondateur est en bas, on l'a enterré, pourquoi être au-dessus de lui. Mais il a dit non, ça c'est du n'importe quoi, l'architecture n'a rien à voir avec le truc. C'était quelqu'un qui était là, qui était un petit fils très moderne, à un moment même on a pensé qu'il était khalife, tellement il avait une forte personnalité. Celui-là, il l'a côtoyé, c'est des cousins de par leur mère. C'est là où il y'a l'alliance entre les damels2 et les marabouts, les chrétiens avec les princes. C'est un peu ça. Mon père, du côté de sa mère est un descendant de Lat Dior [un damel], l'autre aussi, du côté de sa mère est un descendant de Lat Dior. Et comme on l'a dit, c'est des tiédos [animistes], mais quand un tiédo, comme le bambara, quand ils s'engagent, ils s'engagent. Et quand ils épousent la religion, ils sont entiers, il n'y a pas de demi-mesure. Donc, voilà pour un peu le bilan, vraiment on peut dire que c'est positif. Il y a eu de grands pas, il y a la paix, les gens sentent qu'on devient moderne quand même, il faut le dire. On devient moderne par la gestion, il y a des papiers maintenant, le titre foncier, il y a un plan du village, un plan de développement, quand il y a des réunions partout à Ndiassane, il y a des extensions de lots etc. Tout cela n'existait pas. Le foncier maintenant, on sait où est-ce que l'on se rend pour acquérir les papiers, qu'est-ce qu'il faut éviter, ils mettent des rues assez larges, moi je pense que c'est dans ce sens-là qu'on a… Aujourd'hui, c'est le khalife de tous les Kounta parce que souvent quand celui qui est à Ndankh est plus âgé, Ndankh devient autonome, le khalife devient le khalife de Ndankh. Mais quand lui, il est plus âgé, il est le khalife de Ndankh et de Ndiassane, c'est arrivé. Maintenant c'est le responsable suprême de la khadriya Kountiyou. Cela arrive rarement, c'est la troisième fois que cela arrive dans l'histoire.
27 :34 : MGN : Oui, Oui ! Vous disiez tout à l'heure que vous souhaitez que Ndiassane ait son propre lycée. Comment Ndiassane a évolué dans le domaine de la formation professionnelle et de l'éducation plus générale ? Est-ce que votre famille et le khalife y jouent un rôle, dans ce développement de l'éducation au sens large ?
Ah oui ! Moi, je suis enseignant de fonction, j'ai été instituteur, professeur de collège, professeur de lycée, professeur d'université, j'ai fait tout le cursus.
28 :06 : [l'entretien est interrompu par l'arrivée d'une tierce personne]
Deuxième Partie
00 :01 : Mohamed Kounta: Qu'est-ce que je disais encore ?
00 :03 : Hady Sow: Tu disais que tu es enseignant, tu as commencé par instituteur.
00 :05 : Donc j'ai fait tout le cursus, je suis un enseignant. Donc mon objectif c'était de doter Ndiassane d'une école. Ils étaient très réticents, l'école de type occidental, ils étaient très réticents. Il a fallu la formation d'un de mes oncles, on a le même âge, qui a été instituteur de carrière, mais j'ai dit : « pourquoi pas à Ndiassane » ? En ce moment l'autre khalife n'était pas très ouvert, mais on l'a un peu poussé à accepter çà, parce qu'il y avait un Kounta qui devait enseigner, ça il l'a un peu accepté. Parce qu'ils disent l'école de type occidental, l'école française détruit les mœurs et puis ça vous éloigne de la religion, etc. Mais il n'y avait pas de classes, on a utilisé les locaux de l'étage pour prendre les premiers élèves. Finalement, rapidement on a poussé pour qu'on fasse une école. Il y avait même un problème de localisation de l'école. Comme l'on a fait, il a accompagné les premières générations. Le collège, j'avais des relations personnelles avec Serigne Moustapha Sourang [ancien ministre de l'éducation]. Parce que ma tante là, c'est la tante de Moustapha Sourang, c'est la petite sœur de Moustapha Sourang. Donc cette alliance-là m'a beaucoup aidé à faire un collège. Les gens allaient au collège de Tivaouane, les filles surtout abandonnaient. Parce qu'ils n'y avaient pas de tuteurs, ils restaient toute la journée sous les arbres sans manger etc. Et ça, ça fait des dégâts parce que les filles étaient les premières à abandonner et j'ai dit que c'était dommage pour la scolarisation des filles, parce que je connais ça un peu mieux que les autres. Il me dit non, cherche-moi un terrain et je vous fais un collège clé en main et c'est ce qu'il a fait. Je suis allé voir l'inspecteur à Tivaouane, on a localisé le collège et c'est un très grand collège. Parce que tout simplement, on a trois hectares. Si on devait faire un lycée, on allait graduer seulement, aller de la troisième à la seconde etc. et il allait jusqu'au bout. Donc le problème d'espace ne se pose plus. Mais, le lycée de Tivaouane est là, il est plus proche de Ndiassane qu'ailleurs, on voulait le mettre sur la route de Mboro, j'ai convaincu discrètement le ministre à mettre ça du côté de Ndiassane, parce que si on le dit haut, ça peut créer des problèmes.
Pourquoi Ndiassane ? Mais ici, les gens restent jusqu'à moins cinq, ils partent au lycée. Les gens de Tivaouane, il y'en a qui se déplacent en bus pour venir au lycée. Je vous assure, il y a une certaine coordination entre le collège et le lycée et ça a fait du bien. Aujourd'hui, nous avons des bacheliers, nous avons des élèves de Ndiassane qui sont devenus étudiants. Donc vous voyez, on le sent même sur le plan de l'université. Il y a une association d'étudiants élèves de Ndiassane, ils organisent des conférences, ils invitent des sociologues comme Sidy Diakhaté, et ça, ça fait bouger. Moi je suis un peu derrière, je leur dit « il ne faut pas seulement que vous fassiez des conférences de religion, il faut de temps en temps une ouverture ». L'informatique aidant un peu, c'est des gens qui vont aussi à l'université de Thiès etc., ce n'est pas très bien diversifié, mais ils y vont, ils vont à Saint Louis, ils vont à Dakar et ça a fait un peu du progrès par rapport. Donc sur le plan de l'éducation, il y a un boom, ça il faut le dire. Voilà, il y a la qualité un tout petit peu tout juste on peut-être en terminale.
Maintenant, le problème du lycée, moi si je parle du problème du lycée, faire autre chose. Un lycée technique. Parce que vous avez parlé de formation professionnelle, jusqu'ici c'est théorique. Un Bac L', L2, mais si on avait un peu un volet technique à Ndiassane, un Bac G par exemple, comptabilité gestion, Bac agroalimentaire pour le manioc les champs, un Bac d'électricité en rapport peut-être avec le daara moderne. Parce qu'on a fait un daara moderne de 100.000.000, mais il n'y a pas de loi, on ne sait pas ce qu'on va faire, les locaux sont prêts, moi j'ai même installé un bureau. Mais on ne sait pas ce qu'il faut faire. Or l'idée c'était de dire chez les marabouts les gens ne veulent pas aller à l'école, l'école de type occidental. Mais il faut un peu peut-être associer la formation professionnelle, l'enseignement des langues, et les gens étaient d'accord. Parce qu'il est arrivé dans la région de Diourbel qu'on ferme les écoles pour faire des daaras. Parce que tout simplement on dit non, ça influe un peu sur la formation de nos futurs disciples etc. il y a une époque c'était 52 daaras et le khalife les avait rachetées, ils ne les ont pas boycottés mais ils les ont rachetées pour en faire de petits magasins. Parce qu'ils ont leur schéma, ce n'est pas l'école moderne avec table bancs. Ils disent non, apprendre c'est un peu souffrir, c'est lié à l'agriculture, c'est lié à une formation à l'endurance, au travail manuel. Et ils se disent aussi, « écoute, le Coran, d'accord c'est pour tout le monde, mais aussi nous avons une spécificité : les Khassaides, les petits poèmes de Serigne Touba qui encouragent… » Dans la formation, entre parenthèses, à l'Ecole Normale, moi je suis psychopédagogue. Mais je dis toujours à mes étudiants, un grand principe, parce qu'il y a dix principes, le principe du milieu, adaptez-vous à votre milieu. Je ne sais pas, vous sortez de l'école normale on vous envoie à Touba ou encore plus précisément à Mbacké. Si vous ne prenez pas en considération le mouridisme, vous échouez dans votre enseignement. L'enseignement, ce n'est pas que de la craie, ce n'est pas que des leçons, ce n'est pas que des exercices, mais l'environnement total. Je dis comment appliquer le principe du milieu ? C'est-à-dire montrer au jeune mouride que le Cheikh a dit qu'il faut travailler, qu'il faut respecter le maître, qu'il faut véritablement transpirer, si vous le faites dans ce sens-là ça marche. Mais si vous exigez en intellectuel, en voulant faire une évolution là-bas, vous allez partir. Les gens vont se liguer pour dire « cet enseignant, il est contre notre Cheikh ». Ils vont vous tabasser ou bien ils vont aller vers les radios pour vous dénoncer.
C'est le principe du milieu. J'ai dit de la même manière quand on envoie un enseignant à Popenguine, en milieu Chrétien, il doit pouvoir regarder les valeurs chrétiennes, les observer, aller vers l'évêque parce que c'est ça le Sénégal. Maintenant si vous vous érigez en disant oui, moi je suis un savant, je viens de l'école normale, machin, on va faire des évolutions, n'acceptez pas ça, c'est des idées... Ça vous le faites, vous échouez, ça c'est ce qu'on appelle un principe du milieu. Il faut l'intégrer. Qu'est-ce qu'il faut enseigner dans tel milieu ?
Comment est-ce qu'on respecte cela pour que les populations vous acceptent ? Il est arrivé que les populations se soulèvent en disant que l'inspecteur doit partir, tel enseignant doit partir parce qu'il est entrain de déformer nos enfants, etc. Ça je l'enseigne et j'insiste beaucoup sur le principe du milieu. Monsieur Faye, il a beaucoup appliqué le principe du milieu, il vous dit mais qu'est-ce qu'un Kounta ? Qu'est-ce que la khadriya ? Comment le khalife est choisi ? Si vous le dites à des élèves de sixième et si vous progressez, mais ils vont comprendre beaucoup de choses. Changer les choses de l'intérieur en disant avec la science, avec ce que vous connaissez si vous vous érigez en adversaire de mouride ou de khadre, ça ne marche pas. Si vous tenez des propos contre la confrérie ou bien en tout cas la confrérie dominante ça pose des problèmes.
Donc il y a beaucoup de progrès sur le plan de l'éducation et de la formation. Maintenant, il reste à faire de la formation professionnelle dans les daaras modernes. Parce que s'ils ne font que du Coran, c'est bien beau. Ils arrêtent, ils vont faire maintenant de la musculature3. La langue ça prend des années, s'il faut maintenant aller faire un métier pour être père de famille, il vous restera 10 ans pour aller à la retraite. Donc on peut faire des choses ensemble, raccourcir les délais d'apprentissage parce que ça existe, utiliser un peu ces outils, les nouvelles technologies pour l'apprentissage, c'est possible.
08 :41 : MGN : Oui ! Oui ! Dans le domaine de l'évolution de Ndiassane, j'ai remarqué qu'il y a beaucoup de nouvelles constructions un peu partout, n'est-ce pas ? Je me suis promenée avec Fatoumata Fall Coulibaly et j'ai remarqué qu'il y a des nouvelles concessions partout. Qu'est-ce que ça signifie pour vous ? Parce que moi je peux me faire une idée mais vous qui êtes de Ndiassane…
09 :08 : C'est vrai ! Ça montre qu'aussi, il y a une part de prospérité, les gens reviennent et investissent à Ndiassane. Celui qui veut aller à Dakar, à Keur Massar, acheter un terrain à 10.000.000, il dit: mais je vais à Ndiassane. Avec 1.000.000 j'ai mon terrain, il sera un peu plus grand, je suis à deux heures de Dakar. Et les gens donc reviennent parce que tout simplement on leur a offert sur assiette ce qu'il y a à faire. C'est-à-dire, il y a des routes, les parcelles sont sécurisées, vous avez un papier, vous avez un titre. Et je dis autant amener ma famille à Ndiassane que de laisser cette famille-là à Dakar, avec la location, etc. Les gens vont dire aussi Ndiassane plutôt que Tivaouane. Pourquoi ? Parce qu'à Tivaouane le terrain coûte cher, c'est 5.000.000. Ils vont dire, mais Ndiassane déjà ce n'est pas tellement urbain. On va là-bas, on peut avoir 400 mètres carrés à 1.000.000, 2.000.000, si c'est à Tivaouane c'est un peu plus cher. Donc autant prendre 5.000.000 avoir ma parcelle et construire et construire de façon moderne. Autre chose, les eaux de Ndiassane, ils sont dans le bâtiment.
[Interruption]
Troisième Partie
00 :01 : Mohamed Kounta : Qu'est-ce que je disais encore ?
00 :03 : Hady Sow : On parlait de l'extension des nouvelles constructions.
00 :06 : Justement ! Vraiment, il y a une sorte de contrat pour faire mieux. Je me rappelle au début du khalifat, il y a un de mes oncles qui voulait me conseiller. Il me dit « il ne faut pas faire de nouvelles constructions, il faut faire des « khaymas », les tentes des maures là à Ndiassane. Il disait que c'est un peu original. J'ai dit, quel retard ? Vous voulez nous faire retourner à l'antiquité. Parce que, il dit « non, ça va même avec la baraka, avec les prières, parce que le béton là partout etc., ce n'est pas... » J'ai dit « ah non, ça il y a un point de non-retour, si vous allez à la Mecque, vous allez y trouver de très belles maisons, vous allez trouver des choses en or, mais nous aussi, je pense il faut qu'on aille de l'avant. On ne sera jamais en retard pour être le village où il y a que des tentes. Nous, on va moderniser, on fera mieux : qualité plus quantité ». Vous l'avez vraiment, vous-même, constaté, ça veut dire qu'il y a des progrès. Avant il n'y avait pas de parcelles, il n'y avait pas de plan de développement.
Vous voyez, vous avez quelqu'un qui est venu me saluer tout de suite. Et c'est sûr qu'il dira je demande un rendez-vous. C'est sûr qu'il va dire je veux acheter, est-ce que c'est sûr, est-ce que vous n'avez pas de terrain disponible, etc. Vous voyez ça se développe, les gens de Thiès viennent pour avoir leur petite parcelle. Les gens disent quand vous avez une maison à Ndiassane, vous avez Ndiassane, vous avez Tivaouane, vous avez Pire. A partir de Ndiassane, vous allez plus vite vers Touba et vers Saint Louis. Autant avoir une maison à Ndiassane, ça va coûter moins cher et il y a de bons ouvriers ici. A chaque fois qu'il y a un chantier je demande à l'entrepreneur de recruter les gens de Ndiassane, sauf des postes d'ingénieurs, il y'en a pas. Mais en tout cas, les chefs de chantiers, le control bâtiment, tout ça, on peut le trouver ici. On peut faire les briques, il y a des gens qui sont là et qui ne font que ça, ils font de la qualité et aussi la main d'œuvre n'est pas très chère à Ndiassane, c'est un peu ce boom.
Et je vous remercie d'avoir pensé à ça, d'avoir avec l'œil de chercheur de dire : mais il y a une évolution. Parce que vous connaissez Ndiassane. Il y a 10 ans, vous êtes revenue, il y a des progrès et ça va continuer, Incha'Alla.
02 :18 : MGN : J'aimerai parler un peu du gamou maintenant. Quel est l'importance du gamou pour la vie religieuse ainsi que pour les rapports sociaux dans la tarikha ?
02 :34 : Effectivement, le gamou est un événement majeur dans la vie de la confrérie, sans gamou certainement, on n'allait pas se voir. C'est des moments où tous les disciples, la capitale se déplacent même pour Ndiassane qui est un peu la capitale de la tarikha khadriya, c'est des moments très forts. D'abord le rassemblement, le marché malien, qui est extrêmement important, qui n'est même plus un marché malien mais africain parce que les maures amènent aussi leurs tissus, les ivoiriens y amènent leurs tissus, donc c'est un marché de tissus et d'art parce qu'ils mettent aussi des vars en même temps, mais aussi de denrées : le tamarin, le karité en nature. Donc les gens viennent. Ça aussi ce n'est pas mal, parce qu'on ne l'a que pendant le gamou. Deuxièmement la foule, les pèlerins viennent, c'est des moments de rencontre, c'est des moments de rendez-vous partout à Ndiassane. Et c'est les seuls moments en tout cas où on nous écoute, les rares moments où on nous écoute. On nous dit, mais écoute il y a Monsieur le Préfet : « le gamou est là, nous sommes à trois mois, qu'est-ce qu'il faut faire ? » « Ah oui, on a besoin de ceci, on veut équiper le village, on a des problèmes d'électricité, on a tel problème. » Et on va au CRD au niveau du gouverneur, on valide des choses, on va en réunion nationale chez le ministre de l'intérieur et ça se termine à la présidence de la république où on valide des choses. Donc on attend le gamou comme le paysage attendrait les premières pluies. « Ah ce n'est pas réglé. Attendons le gamou, hein, ça va se régler ».
Nous avons maintenant deux gamous : le grand gamou qui va avec le Maouloud, la naissance du Prophète, et là aussi c'est très symbolique. Tivaouane célèbre le jour de la naissance, mais nous [célébrons] le huitième jour, on baptise. Pourtant on aurait pu faire ça le même jour. Les deux cheikhs se sont vus et ils disent « non, écoute-moi, c'est le jour même de la naissance mais vous, vous baptisez ». Et d'ailleurs, comme on dit que les Kounta sont des descendants du Prophète donc on dit « mais vous allez donner le baptême de votre grand-père », c'est une manière de dire. Quelqu'un qui était au septième siècle si on continue de faire son baptême, l'anniversaire de son baptême, vous voyez ce que cela fait. C'est des symboles très forts, c'est une manière de célébrer des choses, c'est le sens social de la fête, les gens sont là pendant deux, trois jours ensemble. Le commerce c'est vrai, mais aussi le commerce c'est des hommes. C'est important. On échange, on célèbre, on va au cimetière faire la ziara, on va aux mausolées, il y a des rangs même pour ces mausolées-là, pour prier, le rapport avec les morts, mais aussi surtout avec les vivants, les grandes traditions. Vous allez voir Bécaye va recevoir sa famille du Mali, etc., c'est extrêmement important. Et tout le monde se prépare et on leur dit : « vous recevez tout le monde. Ouvrez vos portes.
Accueillez tout le monde, ces quelques heures, et on vous donne les moyens, on vous donne parfois du riz, on vous donne de l'argent ». C'est l'occasion aussi de faire des cadeaux, de parler des problèmes de famille, c'est l'occasion où l'on discute d'avoir un terrain, est-ce qu'on peut avoir un terrain ? Les grands rassemblements mettent maintenant, … individuellement des gens un peu plus nantis, ils disent mais moi, je veux avoir ma propre maison, je vais faire une belle maison à Ndiassane pourvu que je puisse avoir un papier pour sécuriser un peu. Mais vraiment c'est un temps très fort, le grand gamou. Il y a un petit gamou à 15 jours du Ramadan ce qu'on appelle « Goudi Cheikh Bou » c'est-à-dire la nuit de Cheikh Bou, c'est l'anniversaire du décès du fondateur. Là aussi c'est des occasions, c'est un peu plus chaleureux parce que là, il y a moins de monde et les gens sont dans les maisons, c'est entre parents. Mais vraiment la fonction sociale de ce gamou-là n'est plus à démontrer, ça fait beaucoup de choses à la fois.
06 :39 : MGN : Et, est-ce qu'il y a eu des changements dans l'organisation des gamous depuis le temps que vous avez pu l'observer ?
06 :48 : Oui ! Oui ! Moi j'ai eu la chance de voir ce gamou pendant 30 ans. Avant, vraiment c'était des rassemblements, c'était des repas mais il n'y avait pas de cérémonies officielles.
Ce n'est pas mon père qui a inventé ça, c'est un peu ses oncles et surtout son père. On invite aussi le gouvernement, ça aussi c'est des temps forts, c'est des moments de visibilité pour le gouvernement, mais aussi pour la famille. C'était sans radios que cela se faisait et les radios sont venues et après maintenant la télévision. Et les images sont très fortes, elles sont parlantes. Un mois après on vous met le gamou, tout le monde regarde et dit : ah c'est bien organisé. Maintenant avec l'ouverture de la télévision, il y a toutes les télévisions, il y a le direct, même dans le net, on laisse pour la diaspora etc. On va vers un site où on mettrait de la vidéo, des photos, l'histoire de la famille etc. Mais je pense qu'on a fait des pas dans le domaine de la communication. D'abord, la cérémonie du soir, c'est politique, c'est une délégation ministérielle qui rencontre le khalife et il y a des échanges de propos parfois même centré sur l'actualité politique, souvent on met un parrain. Maintenant le soir c'est la veillée religieuse, on parle de sujets vraiment religieux, une sorte de table ronde où on dit : maintenant chacun prend 15 minutes. C'est des gens vraiment choisis dans la famille où ailleurs pour parler des Kounta, pour parler de la khadriya, l'histoire de wird, comment on devient khadre, les premiers khalifes. C'est des occasions. On a même pensé faire le message du khalife par une petite lettre qui vous rappelle que…, etc. Il y a des choses que les musulmans oublient, où on vous dit maintenant « écoutez, la zakat : les riches doivent aider les pauvres pour le dixième de leur richesse, etc. ».
C'est des piliers de l'Islam que l'on oublie. On va plus à la mer, on parle plus de foi, mais souvent les piliers en disant les riches ne nous aident même pas souvent. Est-ce que l'État ne pouvait pas aider à collecter tout cela et à le redistribuer ? Dans certains pays, ça existe. On peut choisir sur le terrorisme, mais souvent d'ailleurs les gens ont peur du mot, ils disent la paix. Mais souvent je leur dit, « mais quelle paix ? » « On veut lancer une formation sur… » Mais je dis, « où est le programme sur la paix. Mais écoutez, paix sociale où la guerre, ou quoi, ce n'est pas souvent très clair ». Mais on sent les soucis des gens, ce qui les inquiète, ce qu'ils veulent, ce qu'ils évitent, etc. Et je pense l'existence des tarikhas, cette existence a beaucoup aidé, donc pour avoir un Islam très pacifique et la Souna, le message des khalifes, « faites attentions, aimez vos frères », faites cela, je pense que cela a fait bouger les choses dans le sens d'un équilibre social. A Ndiassane ils ont parlé de paix, le khalife a exhorté les fidèles à donner la main aux autres, qu'il n'y ait pas de bagarre parce qu'écouter la terreur, etc. Le musulman qui le réveille un peu, cet esprit de belliqueux là, mais voilà, il sera condamné par Dieu et ça les gens font attention à ça.
10 :33 : MGN : A part des gamous, est-ce qu'il y a d'autres moyens pour renforcer le réseau des talibés ?
10 :40 : Oui ! Oui ! Les familles des anciens khalifes, parce que quand on dit khalife général, mon père est khalife général, il doit y avoir des khalifes particuliers. (Rires) Dans l'armée ça existe : le chef d'état-major des armées, le chef d'état-major de l'armée de terre, de la marine et de l'aviation, c'est un peu ce schéma-là. Il y a des khalifes qui ont été là, ils sont décédés mais les familles existent, il ne faut jamais les ignorer. Donc ces gens-là aussi ils ont une petite liberté, d'organiser un peu la vie interne de leur famille. Ils deviennent des khalifes de famille. Mais le khalife veille beaucoup sur eux, donc s'il y a des choses à distribuer ou à donner, il demande il y a combien de khalifes de famille ? Ils sont cinq ou six, mais il les convoque à une sorte de conseil restreint et il leur parle de vie de famille. C'est presque un gouvernement. [Il leur dit] « voilà un peu ce qu'il faut faire, faites attention, rappelez-vous de vos disciples directs », parce qu'eux ils ont des disciples directs, c'est différent des disciples en général. Donc chaque famille a aussi ses propres talibés. Bon là, quand il veut lancer un message il le fait. Ces gens-là sont des anniversaires, ça commence d'ailleurs à peser. Parce que chaque mois, on dit l'anniversaire du feu premier khalife, deuxième khalife, troisième, nous en sommes au sixième khalife, ça fait aussi des manifestations. Et aussi, ils se cotisent à l'interne, ils font appel à d'autres et chacun ne veut pas être le dernier. Là aussi, c'est des occasions de rassemblement et quand vous êtes devant ce public-là, c'est des publics spécifiques, vous n'allez parler que de ce khalife-là qui est décédé, (rires), en bien quand même. Et le khalife souvent il se déplace, et ça le fatigue. J'ai dit « maintenant non, parce que tu vas faire six gamous, ça va te faire beaucoup de choses ». De plus en plus ça s'élargit, la gendarmerie est convoquée, le préfet vient et ça, ça anime. Il y a un côté « dépensif », c'est vrai, ça anime aussi, ça ramène les gens. Au lieu d'accéder au grand khalife, ils passent par le khalife de famille, c'est lui qui les conduit. Et il faut le dire, ils croient plus, chacun croit plus en son khalife de famille qu'au khalife général qui est assez distant. Et ça, ça conserve aussi des amitiés, des alliances qu'il y avait, tout ça c'est extrêmement important, c'est une gestion de proximité. Or chez le khalife général c'est un peu à distance, les affaires générales c'est lui.
Parce que un ministre ne peut pas entrer à Ndiassane, aller voir un khalife de famille sans passer par le khalife. Ce serait vraiment très mal vu, il y aurait même un rappel à l'ordre en disant « mais le ministre-là, il ne passe pas par le khalife général ». Ils y'en a qui comprennent et qui disent « moi, je suis passé, j'ai dit bonjour au khalife mais je vais aller vers l'ancienne maison ». Bon ce qui est aussi dommage Maria, ce n'est pas dommage mais souvent quand un khalife décède, les gens abandonnent cette maison-là, ils vont vers le nouveau khalife, bon sauf les noyaux durs et ça, ça m'a fait très mal. Le khalife que mon père a remplacé et qui est mon beau-père parce que j'ai épousé sa fille, vous voyez c'est entre famille, il a fait une résidence mais personne n'y va maintenant, personne. Maintenant il a laissé son fils ainé qui est là, de temps en temps donc les gens viennent, c'est pourquoi aussi, ils sentent le besoin d'organiser un anniversaire pour voir la troupe, pour contrôler, pour recevoir quelques cadeaux aussi (rires). Et parfois aussi comme c'est centralisé, l' ‘État s'adresse plus au khalife général qu'aux autres. Ah Oui ! Parce qu'on a intérêt à parler au khalife général. Le khalife général, s'il ne fait pas attention aussi, s'il ne décentralise pas, mais il est critiqué, hein, on dit oui, mais il prend tout pour lui.
Bon je donne un exemple : du point de vu de la représentativité, moi quand je vais dans une cérémonie après le khalife on me présente. Pourtant il y a mes oncles, il y a les khalifes de familles, et c'est frustrant aussi. Et par modestie je leur dis « non, moi je ne suis pas le vice-khalife, le vice-khalife, c'est le plus âgé après le khalife. Il y a les khalifes de familles, vous êtes mes oncles ». Donc ça les gens le font comme ça par marketing. Parfois ça peut blesser, si celui-là il se prend pour une star, mais il veut prendre tout, il s'accapare de la parole mais on dit « celui-là il est arrogant, il se trompe, pourquoi il se comporte comme ça ». Il faut faire très attention, parce que ça crée des frustrations ; mais c'est comme ça, les gens croient qu'après le khalife vient son fils aîné. Ils disent d'ailleurs qu'il est là, accompagné de son… Or il y a une dizaine de gens, de khalifes, de petits khalifes, plus âgés qui devaient être peut-être plus proches, mais celui qui est venu faire des présentations peut-être il ne le sait pas. Il dit « mais où est le khalife, ah est-ce qu'il a un fils, où est-il ? » Ah Oui ! En plus, il est intellectuel, donc il peut s'exprimer en français, en arabe et en wolof. Mais s'il se prend pour le centre du monde ce n'est pas bon. J'ai même des expressions, je dis ici, il faut nommer le khalife du jour, des petits-fils de khalife du jour, des porte-paroles du jour. Ils disent, comment ça ? Je dis non, ce n'est pas le plus âgé, ce n'est pas le fils, à chaque occasion vous prenez quelqu'un qui fait partie de la famille et vous lui donnez la parole, pourquoi toujours le fils du khalife ? Ils disent non, c'est que ça passe mieux quoi. Maintenant si quelqu'un n'essaye pas de savoir ça, mais il va avoir le monopole du pouvoir, parce qu'aussi il faut le dire tout est pouvoir. C'est le pouvoir peut être religieux, de dire je donne, on arrête, on ne fait pas ça, vous voyez. Et parfois ça crée des inimitiés par rapport au khalife. Le khalife, il n'est pas toujours aimé, hein, par sa position. Surtout quand il travaille, s'il fait du bien, on dit ah, ils se disent, « nous notre père était là hein, il n'a pas fait beaucoup de choses, celui-là il est en train de faire tout, c'est une vedette ». On parle de lui. Or c'est le développement du média. Quelqu'un disait la violence n'a pas changé, elle existait, mais c'est surtout la médiatisation.
Il y a 50 ans, s'il y avait un crime ici, on restait trois mois pour savoir qu'il y avait un crime. Mais aujourd'hui à l'heure, on vous dit il y a un talibé qui a été égorgé à Thiès. Donc elle était là, la violence, mais c'est surtout… Aussi les phénomènes du khalifat, c'est surtout ça, les gens étaient dans leur retraite, ils étaient là, ils vivaient bien, maintenant c'est même le khalife qui a besoin de l'aide des médias. Est-ce qu'elle est là ? Est-ce qu'elle va venir ? Bon, vous téléphonez au directeur de… Parfois d'ailleurs sans formalité. Par ailleurs, on vous dit mais vous écrivez, vous faites une demande, il dit non « donnez-moi le directeur, allo, il dit, directeur j'ai un petit gamou là, il faut venir hein, faire le reportage ». Comme parfois c'est commercial aussi et les tarikhas, les khalifes, sont exemptés de ça, ils ne paient pas. Si un directeur essaye de mettre de l'ordre, mais il part, hein. Parce que à la première occasion ils vont dire au Président, le directeur de la RTS, « il n'est pas sérieux hein (rires). Il a mal filmé le truc, écoute, nous sommes des musulmans hein, nous sommes des sénégalais ». Et les politiques ont peur de ça, ah oui. Ils sont prêts à sanctionner quelqu'un qui n'a rien fait, qui n'a fait qu'appliquer les textes. C'est une culture, si par exemple le gouverneur de région a des problèmes avec le khalife, mais tout de suite il part, hein. Il dit « ah non, moi celui-là je ne peux plus travailler avec lui, ne l'envoyez plus à Ndiassane ». Il va à Thiénéba, il va à Tivaouane, mais on lui interdit le séjour à Ndiassane, persona non grata. Ils disent à leurs frères attention hein, il faut faire massla4 , il faut vraiment les écouter quoi. Parce que les talibés sont les électeurs, les politiques ne sont pas bêtes hein, ils ne le font pas par respect, ils n'y croient même pas, mais ils le font en disant « je veux gagner les élections. S'il y a une communauté qui vote contre nous ça peut poser problème. Et le khalife le dit même en public, à une occasion, il dit non, nous avons des problèmes. Ou bien ils vont déléguer quelqu'un qui va le dire, une brebis galeuse qui va dire « non on nous maltraite, etc. qu'est-ce qui se passe ? » Et les politiques ont peur de ça. Ils veulent la paix.
19 :51 : MGN : Bon, ma dernière question porte sur les médias. Vous avez évoqué la radio, la télévision. Et actuellement on utilise beaucoup de portables de toutes sortes, ce qu'on appelle les nouveaux médias, n'est-ce pas ? Comment est-ce que vous voyez le rôle de divers médias pour faire connaitre la tarikha et pour enrichir la vie religieuse et spirituelle des talibés ?Est-ce qu'il y a des projets dans ce sens ?
Oui ! Oui ! Nous, on a tellement appris auprès des médias, leur importance, et ça il faut le dire, ils viennent même filmer nos prières. « Pourquoi pas un message du khalife, pourquoi pas une conférence de presse, Mouhamed Kounta, sur ce qui se passe à Ndiassane ? » Mais ils préfèrent montrer quelqu'un qui prie, les khoubas [prêches] en arabe et puis c'est long et il faut traduire, ce qu'ils appellent les avant-premières. Ça on le sait, vers 19h il y a au moins 300.000 annonces pour dire qu'à Podor on organise un petit gamou, etc. Celui qui ne le fait pas, ils vont dire que le gamou n'est pas bon. Les gens sentent la nécessité mais ils n'ont pas de mode d'emploi. Il ne faut pas laisser que les médias viennent vers nous, mais nous devons aller vers les médias, mais les aider à organiser cela. Un gamou, comme le gamou de Ndiassane, peut-être le petit gamou, « Goudi Cheikh Bou », pourquoi ne pas le faire dans un salon, que les gens parlent, mais les gens sont là sur des chaises, c'est toi qui parle. Ah Oui, j'appelle… On dit maintenant comme il y a des communicateurs, des gens qui connaisse un peu la sociologie de la communication, ils disent « mais non, changeons les formes. Pourquoi ne pas convoquer toute la presse et faire une conférence de presse ? Disons la presse écrite, la radio, la télévision etc. ça passe, pourquoi ne pas faire un message du khalife lors des évènements, lors des crises ? Est-ce qu'il n'y a pas une autre manière d'être visible ? Et on a fait une commission de presse et de communication ». C'est surtout des jeunes et on leur dit il faut chercher. Même sur la manière de filmer les cérémonies, de prendre le khalife, la manière d'organiser un peu le plateau. Est-ce qu'il ne faudrait pas aussi lancer les gens à aller dans les radios faire des messages ? Mais qui coordonne ? Qu'est-ce qu'il faut dire ? Parce qu'il peut y avoir même des dérapages, contrôler tout cela, quand est-ce que le khalife doit parler ? Parfois il y a des sujets qu'il ne maîtrise pas. Si on dit au khalife que : « pensez-vous de l'émergence » ? Ceux qui parlent de l'émergence ne comprennent même pas l'émergence.
Mais qu'est-ce qu'il va dire ? Il peut même parler de gamou à la place d'émergence, mais si c'est un intellectuel, il parlera de l'émergence de Ndiassane. Tout ce que nous avons dit ça contribue à l'émergence de Ndiassane, au développement de Ndiassane. Il n'a pas été formé à ça. Il y a des choses, il ne faut jamais les dire. Le khalife peut le dire si vous ne l'encadrez pas, il peut dénoncer quelqu'un, s'il y a du direct, c'est la catastrophe. Dire nommément à quelqu'un qu'il ne fait pas son boulot, il est contre Ndiassane, il est contre la khadriya, ou bien peut-être changer des propos, parce que souvent les médias sont source de conflits, parce qu'il y a des gens qui racontent du n'importe quoi. Je donne un exemple, nous chez les Khadres on fume la pipe, donc on fume la cigarette. Dans d'autres localités, c'est interdit. Et si maintenant quelqu'un d'une autre confrérie, dit « oui écoute, les Khadres-là ou, en tout cas la cigarette là… ceux qui fument ne sont pas musulmans ». Ça veut dire qu'il a dit que nous ne sommes pas musulmans. C'est extrêmement grave. Nous on leur dit non, allez dans le Coran, donnez-nous le mot fumer le tabac. Ou bien ils assimilent le tabac à autre chose ou ils disent quelqu'un qui fume le tabac, il peut fumer autre chose, ce qui n'est pas vrai. Nous avons les tabalas, ces sortes de tambours et ça nous vient du Prophète. Quand quelqu'un dit « non, ça c'est du sabar ». Il faut avoir du respect. Nous avons des symboles trop forts, mais quelqu'un peut pervertir ça en tapant sur un autre tambour. Mais quand même, si quelqu'un attaque nos symboles, nous avons les tabalas là, ce n'est pas de l'animation, c'est ceci. On peut être astreint à répondre. Donc vous voyez, tout cela les médias peuvent faire ressortir cette idée-là. Ou bien quelqu'un, par inadvertance, nomme le cheikh d'une confrérie …
25 :11 : [On frappe à la porte]
Entrez !
Donc tout le monde fait attention et on le contrôle, nous le contrôlons très, très bien. Nous contrôlons cela en disant « faites attention aux propos, ne frustrez pas les autres, en attaquant, en disant, oui, ce qu'ils font là ce n'est pas fondé ». Moi, je fais très attention à ça en disant « ceux qui vont parler au nom de la famille, ils n'ont qu'à s'arrêter là ». Mais aussi quand on nous attaque, on dit « écoute, vous avez dit telle chose on vous a attaqué.»
Je donne un exemple très substantiel. Ils sont en train de faire la place de l'Islam dans l'Histoire Général du Sénégal5. On ne nous a pas consulté, vous allez voir, ils vont mettre deux lignes sur la khadriya, deux ! Qui est là-bas ? Iba Der. Ils devaient se déplacer comme vous, dire la khadriya qu'est-ce que vous avez fait, etc. Mais ils sont à l'hôtel Méridien Président6, ils convoquent des commissions, chacun tire la couverture sur lui, « oui, je suis le meilleur, je suis le etc. » Ce n'est pas ça. Paul Marty, il n'est pas un bon chercheur ? Il était là pour autre chose, il a fait l'historique sincère des familles. Evidemment, c'est l'interprétation qui pose problème. Mais quand il venait à Ndiassane, il allait voir d'autres pour dire qu'est-ce que vous pensez de … pour écrire des propos. Donc s'ils sont courtois, ils vont dire ce sont nos voisins hein, il y a un respect. S'ils tirent trop sur la couverture aussi... C'est une anecdote, c'est un fou qui arrive dans les cimetières, il dit : « mais vous là, vous ne faites que dormir, vous ne réagissez pas ». Personne n'a répondu. Il continue, « mais vous n'avez pas de téléphone là-bas (rires), pour nous dire qu'est-ce qui se passe, les résultats, qui est le meilleur etc. ? » Personne ne répond, il dit « moi, je vais vous dire ce qui se passe ici, les gens se sont partagé vos biens. Tout ce que vous cachiez, maintenant tout le monde le sait, les fonds de valises, les fonds de…, il dit … Mais ce qui est gênant c'est ce grand silence là, on n'a pas d'écho, il n'y a pas de feedback (rires). »
Mais j'ai dit ce ne sont pas des propos de fou, mais c'est la triste réalité. Les gens devaient faire attention mais aussi, l'espérance est là, je pense qu'il faut espérer, c'est vrai. Parce que s'il n'y avait pas ces confréries, s'il n'y avait pas Dieu, s'il n'y avait pas la foi, mais il y'aurait des problèmes. Un musulman indonésien, chercheur, nous dit, « moi je ne suis pas esclave de Dieu, je suis un homme. Parce que même s'il y avait un décret pour dire, lundi, on va arrêter l'Islam, moi je vais continuer. Avec l'Islam, j'ai la paix, j'ai l'hygiène, je fais des ablutions, on me dit de ne pas voler, on me dit de ne pas mentir, on me dit de respecter la personne, on me dit de travailler. S'il n'y avait même pas de paradis, c'est l'organisation sociale, cette sécurité qui est en l'Islam, c'est cela ». Je ne sais pas si vous avez compris mais j'ai beaucoup aimé ces propos-là. C'est un Indonésien, un religieux qui disait cela, c'est une adhésion volontaire. Et même si mon cheikh me dit « arrête lundi, il n'y a plus d'Islam maintenant, l'Islam c'est fini, moi je vais continuer, parce que ça me protège, cela me donne une raison de vivre, ça me permet d'adorer un Dieu que je n'ai pas vu, mais dans ma liberté, on ne me frappe pas pour être musulman, donc je ne suis pas esclave de Dieu, je suis un noble face à Dieu. C'est-à-dire ce que je fais, je le fais volontairement par adhésion mais au nom aussi de ma liberté ». Je pense qu'il faut aller dans ce sens-là.
29 :09 : MNG : Bon, je crois que c'est une bonne manière de terminer mais si vous voulez ajouter quelque chose.
Oui, moi je pense que, c'est cela, saluer un peu la démarche. C'est que de la recherche, mais ça nous permet aussi de nous exprimer, d'être entier, parce que tout ce que nous disons c'est très sincère, c'est très sincère. C'est un savoir qu'on va mettre à la disposition du monde.
L'histoire dira un jour, « Maria, tu venais des Etats-Unis et allais dans un petit village, insignifiant dans le Cayor, à coté de Thiès et de Tivaouane, écouter des gens ». Ça fait partie du commerce des gens. Eh oui, ça nous permet d'abord peut-être de dire ce que nous avons à dire, mais aussi de faire avancer l'humanité. Et ça, ça a un prix, vous devez prendre votre … aujourd'hui pour terminer cette interview. Peut-être si vous étiez rentrée sans que je vous voie, je dirai « Maria ne comprendra pas que je n'ai pas le temps ». J'ai voyagé, je suis là, j'avais la grippe. Mais vraiment ça, ça me permet de dire « ouf, enfin j'ai dit quelque chose ». Et peut-être on aura l'occasion encore de revenir et de dire qu'est-ce qu'on avait fait en 2015 au mois d'août. C'est ce contact-là, très sincère, et le salaire de cela c'est vraiment de se faire connaître, de dire que quelqu'un est venu d'un autr
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Courtesy of Maria Grosz-Ngaté
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Continuity And ChangeCreator: Kounta, Mouhamed
Grosz-Ngaté, Maria
Grosz-Ngaté, Maria
Contributing Institutions: Maria Grosz-Ngate; MATRIX: Center for Digital Humanities and Social Sciences at Michigan State University
Contributor: Gana Ndiaye
Description: Mouhamed Kounta was first interviewed by Maria Grosz-Ngate in 2007 as part of the project on the Qadiriyya Community of Bou Kounta, funded by a TICFIA grant. His father had become khalif the previous year, the first grandson of Bou Kounta to assume the khalifate. Mr. Kounta now reflects on the accomplishments and challenges during the intervening years, including his own role as the eldest son of the khalif. He also offers his perspective on the development of Ndiassane and projects yet to be realized, such as the creation of a permanent regional market and a technical high school, and the need of support by the state. During the last part of the interview Mr. Kounta speaks about the annual gammu and its importance in strengthening relationships with the members of the Bou Kounta community as well as the role of the media.
Interviewed in French by Maria Grosz-Ngaté. Transcribed by Gana Ndiaye.
Date: August 15, 2015
Date Range: 2010-2019
Location: Ndiassane, Thies, Senegal
Format: Audio/mp3
Language: French
Rights Management: For educational use only.
Digitizer: Maria Grosz-Ngaté