Contemporary Dynamics of the Bou Kounta Qadiri Community
By Maria Grosz-Ngaté
201511_SidiMouhamedKounta
Audio File:
Download File: Download
Download File: Download
Translation:
Open/Close
Entretien : Sidy Mouhamed Kounta, Ndiassane, Octobre 2015
00 :01 : Daouda Faye (DF) : Aujourd'hui nous sommes à Ndiassane et nous recevons le président de l'association des parents d'élèves (APE). Monsieur, bonjour !
Sidy Mouhamed Kounta : Bonjour !
01 :10 : DF : Monsieur, est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Oui, je rends grâce à Dieu d'abord. Je vous salue et vous remercie. Je me réjouis de votre déplacement jusqu'à nous pour nous demander qui nous sommes. C'est avec plaisir que nous allons nous présenter. Je suis Sidy Mouhamed Kounta, fils d'Abdou Bécaye Kounta et de Marième Kounta. Mon arrière-grand-père paternel est le fondateur de Ndiassane, en d'autres termes, mon grand-père paternel est le fils ainé du fondateur de cette cité. J'ai vécu avec lui jusqu'à son décès à l'âge de 84 ans. Il m'envoya en Mauritanie dès mon jeune âge, j'étais dans un village appelé Meuréleu ou encore Sanga. C'est là-bas que j'ai appris le Coran en entier ainsi que quelques livres [traitant de la science religieuse] avant de revenir rester auprès de lui jusqu'à sa disparition il y a quelques années. En outre je suis les mêmes activités qui étaient les siennes, c'est-à-dire l'adoration de Dieu, la prière, la lecture du Coran, en somme, suivre les enseignements de son père [mon arrière-grand-père]. Voilà ce que je fais, en plus d'aller aux champs, à la mosquée et nourrir ma famille. Voilà ce que je fais.
01 :45 : DF : Depuis quand êtes-vous président de l'APE ?
Je peux dire qu'on m'a nommé président de l'APE depuis la création de l'école de Ndiassane du fait d'un espoir qu'ils ont placé en moi. Cet espoir qu'ils ont en moi, même si au départ je n'avais pas beaucoup de notions quant à la charge que j'avais, je pense que j'ai fait un travail assez remarquable, par la grâce de Dieu. Je pense qu'ils l'ont tous remarqué au point que plus personne ne se fait de soucis concernant le bon fonctionnement de l'école. Ils ont vu les résultats.
2 :17 : DF : Pouvez-vous nous parler un peu de votre rôle en tant que président ?
Oui, je peux en parler. Comme je viens de vous le dire, je suis le président de l'APE depuis la fondation de l'école. Je puis même dire que qu'on m'a forcé à être le président. Malgré ma réticence, et en présence de toute la famille, ils m'ont fait part de leur espoir que les choses iraient bien si j'étais président. Effectivement, par la grâce de Dieu, la baraka du Prophète et celle de notre vénéré Cheikh de Ndiassane beaucoup de choses ont été réalisées. Je me suis activité pour la clôture, l'eau, le téléphone et l'électrique et nous avons eu tout cela grâce à Dieu et aux bienfaits liés au cheikh. Un autre aspect sur lequel je peux intervenir, c'est que j'ai des disciples qui vivent aux USA et qui me viennent en aide. Le dernier à le faire m'a remis cinq ordinateurs tout neufs que j'ai remis aux responsables pour qu'ils enseignent aux enfants comment être en phase avec leur monde. Dans ce monde actuel, n'importe quel jeune, qui ne s'éduque pas et surtout ne maitrise pas les nouvelles technologies ne sera pas compétitif. Dieu nous a aidés dans ce sens. Une autre chose, c'est que nous, parents d'élèves, avec la participation de tout le monde, avons pu construire nous-même deux salles de classe. Tout le monde était très content. En outre, j'essaie de trouver 20, 30 voire 40 table-blancs chaque année que je leur donne en guise de soutien. Voilà ce que j'ai réalisé dans ce domaine pour le moment.
04 :19 : DF : Quand est-ce que l'association a-t-elle été créée ?
L'association, il semble que…. Je n'ai pas l'année exacte en tête mais cela remonte à longtemps. Depuis sa création, ça doit faire quelques années maintenant, nous avons réalisé beaucoup de choses et nous n'avons jamais eu de malentendu que ça soit entre nous et les professeurs ou entre moi et les parents d'élèves.
04 : 53 : DF : Comment l'association fonctionne-t-elle ?
Elle fonctionne bien grâce à la bonne communication et à l'entente car s'il n'y a pas d'entente entre des gens impliqués dans une activité donnée, celle-ci ne marchera pas. A mon sens, nous nous entendons bien car ils me font confiance, approuvent mes idées et actions car je leur montre quelque chose de concret, je leur montre les choses sur papier, sous forme d'enregistrement, quelque chose de palpable.
04 : 31 : Est-ce que vous pouvez nous parler de comment on est arrivé à avoir une école à Ndiassane ?
Oui, je puis vous dire qu'il y a très longtemps, nos anciens qui vivaient ici ne voulaient d'une école car ils avaient des proches qui venaient de partout, du Mali, du Burkina, de la Côte d'Ivoire, de la Guinée Bissau, de la Guinée de Sékou Touré [Guinée Conakry], qui laissaient derrière des familles et des écoles pour venir apprendre la science religieuse ici. Voilà pourquoi les anciens ne voulaient pas que l'école soit une entrave car si on vous confie quelque chose, vous avez une grande responsabilité. On dit que toutes les connaissances sont bonnes mais les anciens agissaient de la sorte pour se protéger et protéger leurs progénitures afin qu'elles ne soient pas impliquées dans beaucoup de choses qui se passent dans le monde d'aujourd'hui. Voilà pourquoi il y a tardivement eu une école ici.
06 :41: DF : Quelle est votre point de vue sur la création d'une école française ici, à Ndiassane ?
Grâce à Dieu ! J'en suis ravi. Comme je viens de vous le dire, les anciens n'en voulaient pas alors qu'à l'époque l'enseignement du français n'était pas aussi développé qu'il ne l'est aujourd'hui au point de les convaincre à s'y investir. Mon père nous a tous, moi et mes plus jeunes frères, envoyé à l'école française. En vérité, il a envoyé une partie à l'école française et une autre à l'école d'arabe. Dieu soit loué, nous avons des professeurs arabisants dans la famille. Pour l'école française aussi nous avons des professeurs et nous n'avons rien à envier à personne. En termes de connaissance, nous avons toujours un membre de la famille qui peut interagir avec quiconque qui vient vers nous quel que soit le domaine. Ils sont à la maison, nous sommes de même père et de même mère. Ils s'activent dans ce domaine et nous voyons l'utilité.
07 : 46 : DF : Est-ce qu'il y a des soucis ou malentendus dans votre façon d'interagir avec les talibés ainsi qu'avec les parents d'élève ?
Je puis dire qu'il y a aucun souci dans mes relations avec mes talibés ou avec les parents d'élève. Je traite mes fils de la même façon que mes talibés. Des fois, les relations que j'ai avec mes talibés sont plus avancées que celles que je peux avoir avec mon propre fils. Je souhaite même que le talibé qu'on amène de loin réussisse plus que mon enfant. Voilà comment je fonctionne et, Dieu soit loué, les enfants qui sont à la maison se débrouillent bien à l'école française mais je ne me suis pas limité à cela. Je les intègre à l'école d'arabe aussi pour qu'ils maitrisent les deux et je rends grâce à Dieu pour cela.
08 : 48 : DF : Est-ce qu'il y a des parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants à l'école française ?
S'il y a des cas à Ndiassane, je n'en suis pas au courant car il y a une Case des Tout-Petits et j'ai remarqué qu'on y envoie tous les enfants qui sont en âge d'y aller. Quand ils sont en âge d'aller à l'école primaire aussi, il y a beaucoup de parents qui viennent me demander ce qu'il faut faire pour scolariser les enfants. Je n'ai donc pas eu aucun souci ni aucun malentendu.
09 : 16 : DF : On peut donc dire que vous, vous en tant que président et les autres parents d'élèves, êtes en train de travailler pour que les choses aillent de l'avant ?
Nous travaillons très dure dans ce sens car l'éducation est importante, surtout celle en français dans ce contexte d'avancées technologiques. Quiconque ne sera pas éduqué sera exclu et c'est pour cela que ne devons pas dire que tel doit apprendre ceci et non cela. Nous travaillons sur les deux fronts [éducation coranique et laïque] et nous rendons grâce à Dieu pour son assistance.
09 :54 : DF : Monsieur, abordons un autre aspect. Parlez-nous un peu de votre enfance…
Oui, quand j'étais jeune…
10 :07 : DF : … comment et où est-ce que vous l'avez vécue, etc.
Quand j'étais jeune, je l'avais dit au début, mes parents m'avaient envoyé en Mauritanie. J'y suis resté jusqu'à terminer mes études. On ne cesse jamais d'apprendre mais j'avais l'essentiel là-bas et je suis venu me perfectionner ici. Après cela aussi, j'ai été en Casamance pendant sept ans. Pendant cette période, je travaillais et étudiais moi-même pour mieux apprendre à vivre et à apprécier ce monde car vivre avec ses parents qui vous prennent entièrement en charge rend paresseux. C'est ce que mon père savait et voulait me l'éviter. C'est par la suite, quand il a commencé à vieillir qu'il m'a demandé de venir à ses côtés pour que je puisse l'aider en s'occupant des champs, de la rédaction [des correspondances ?], des besoins divers des gens qui sollicitaient ses prières et autres.
11 :07 : DF : Donc, vous avez fait l'école française ?
Non, par la volonté de Dieu, je n'ai pas fait l'école française. Comme je vous l'avais dit, notre père nous avait divisés en deux groupes. Les plus âgés, il les avait envoyés à l'école d'arabe et les plus jeunes à l'école française1. Les ainés se débrouillent bien et parmi la jeune génération, il y en a qui sont des professeurs, Dieu soit loué. C'est des fils du vieux et ils sont ici à la maison. Il y a une sorte de complémentarité entre ces deux groupes : les arabisants interviennent en cas de besoin en arabe et les professeurs [ceux qui ont été à l'école française] s'occupent de tout ce qui touche au français.
11 : 44 : DF : Quels sont les changements que vous avez notés dans le village que ça soit en termes de religion et d'économie depuis votre enfance à nos jours ?
Je me souviens que pendant mon enfance le village était vert et prospère parce qu'à l'époque il y avait un cours d'eau qui était le fruit des prières de Cheikh Bou Kounta que le Seigneur avait exaucées. Il y avait un manque d'eau criard et il fit des prières et il y eut un cours d'eau. Les gens s'approvisionnaient et faisaient des cultures de subsistance. Je suis né et j'ai grandi dans ce contexte. Il semble même que tout cela est parti avec les anciens. Toutefois, les changements faisant partie de la vie et vu qu'ils nous avaient appris à vivre honnêtement en allant cultiver pour se nourrir au lieu de faire autre chose, on allait enseigner. Voilà ce que nous faisons et Dieu nous y assiste et nous n'envions personne. Dieu soit loué.
12 :47 : DF : Et le côté religieux ?
Pour le côté religieux, je dirais qu'il n'y pas de changements ou alors maintenant, il y a plus de jeunes qui s'activent dans le domaine de la religion. Quand j'étais jeune, je n'en voyais pas beaucoup à la mosquée. Aujourd'hui, j'ai remarqué que les jeunes qui fréquentent l'école française sont presque les plus assidus à la mosquée. Ceux qui ne vont pas l'école française viennent prier mais les élèves de l'école française sont les plus assidus, je dis donc qu'il y a des avancées significatives liées à l'école.
13 :25 : DF : Votre point de vue est donc que les jeunes ont embrassé la tarikha kountiyou en masse ?
Ils sont entrés en masse et font des choses que nous les anciens n'avions pas réussi à faire. Nous rendons grâce à Dieu pour cela car ils ont des idées sur des choses que nous avions laissées de côté et n'avions pas explorées. Eux ils se disent que leur devoir est de faire savoir aux autres qui ils sont et qui leur ancêtre était. Ils s'activent vraiment dans ce sens, surtout ces professeurs dont je vous ai parlé, en particulier Sidi Mokhtar. Il est d'ailleurs en voyage mais si vous discutez avec lui, vous vous rendrez compte que tout ce que je vous ai dit est vrai et que je ne vous ai rien dit juste pour vous plaire.
14 :11 : DF : Quel est votre point de vue sur l'avenir de la tarikha Kountiyou au Sénégal et dans le monde ?
Dieu soit loué ! Toutes les tarikhas sont légitimes. Nous aimons et respectons tout le monde comme le veut le Prophète. Les Kounta sont des descendants du Prophète. Notre ancêtre se nommait Oukhbatou Moustajab. On l'appelait ainsi car cela signifie « celui dont la prière est exaucée ». C'est à son jeune âge qu'on l'amena auprès du Prophète et ce dernier pria pour lui en disant « que ta bouche ait de la baraka » [que tout vœu que tu fasses soit exaucé]. Voilà pourquoi tout vœu qu'un Kounta fait pour vous sera exaucé sinon, sachez que ce Kounta n'a pas suivi le chemin tracé par son ancêtre ou son père.
14 :49 : DF : Quel est votre mot de la fin ?
Je termine par vous remercier, remercier le personnel de l'établissement en particulier les professeurs et le principal car ils sont tous mes collaborateurs. Je suis vraiment rassuré par ce que je vois au quotidien car ils m'informent des bonnes initiatives qu'ils prennent notamment l'interdiction des tenues indécentes et autres, des choses que nous avions déjà interdites. Nous vous remercions pour cela et prions pour que vous aillez des résultats satisfaisants dans votre travail car c'est votre honneur. C'est toujours un honneur pour un enseignant de rencontrer un(e) ancien(ne) élève qui a connu le succès et de pouvoir dire, « celui ou celle-ci fut mon élève » et ce ou cette dernière de répondre, « cette personne fut mon professeur, c'est lui qui m'a appris tout ce que je sais. » Nous vous remercions et prions pour que Dieu vous guide vers le succès. Que la paix soit avec vous !
~~~~~~~
1 A la 7e minute, on a l'impression qu'il faisait partie de ceux qui sont partis à l'école française.
Translation: Download (114 KB)
Courtesy of Maria Grosz-Ngaté
Related Essay
Education And DevelopmentCreator: Sidi Mouhamed Kounta
Daouda Faye
Daouda Faye
Contributing Institutions: Maria Grosz-Ngate; MATRIX: Center for Digital Humanities and Social Sciences at Michigan State University
Contributor: Gana Ndiaye
Description: Sidy Mouhamed Kounta is the President of the Parents’ Association (Association des Parents d'Élèves, or APE) of Ndiassane. His paternal grandfather was Bécaye Kounta, the eldest son of Ndiassane founder Bou Kounta, who became the first khalif after his father's death. Mr. Kounta discusses his role as president of the association, the creation of the school, improvements over time, and the support he receives from his followers for the school. He also explains that he is one of the Kounta sons who has studied in Mauritania and that he lived in Casamance for seven years until his father asked him to return to Ndiassane. At the end of the interview he speaks briefly about the changes he has witnessed in Ndiassane over the course of his life.
Interviewed in Wolof by Daouda Faye. Translated to French by Gana Ndiaye.
Date: January 1, 2016
Date Range: 2010-2019
Location: Ndiassane, Thies, Senegal
Format: Audio/mp3
Language: Wolof
Rights Management: For educational use only.
Digitizer: Maria Grosz-Ngaté