Bou Khalifa Kounta – deuxième entretien
Première piste
00 : 00 : Madame Toba Diagne Haïdara : Nous aimerions savoir la où tu as reçu ta formation au Maroc et si d’autres membres de la famille Kounta ont pu aller étudier au Maroc, en Egypte, Algérie ou au Tunisie ? Nous aimerions savoir, par ailleurs, l’expérience que vous avez eue qui vous permet d’être un conférencier. Quel est votre cursus ? Avez-vous fréquenté l’école coranique avant d’aller à l’école laïque ? Nous aimerions savoir aussi les personnalités qui vous ont marquées dans votre vie.
Je vous salue. C’est un plaisir de vous accueillir une deuxième fois ici chez moi suite à l’entretien que nous avons eu il y a quelques mois. J’ai étudié au Maroc entre 1977 et 1987. J’ai vécu au Maroc pendant dix ans. J’avais déjà fréquenté l’école coranique à Njassane quand je partais au Maroc. J’avais déjà aussi subi une formation coranique à Mbour auprès de mon « pàppa bu ndaw » qui m’envoya à Dakar par la suite. J’ai fréquenté des écoles coraniques à Dakar aussi.
02 :47 : MH : Pourriez-vous nous dire l’école coranique que vous avez fréquentée à Njassane ?
J’étais à l’école du vieux Bécaye Samaké. C’est dans son école que j’ai «dale ba». Après avoir reçu une formation coranique assez poussée auprès de lui, mon oncle paternel Serigne Babacar Kounta m’amena à Mbour où il vivait. Une fois là-bas, il me confia au maître coranique Pape Lèye, l’actuel imam de la grande mosquée de Mbour. C’est un érudit et un homme généreux, et c’est lui qui m’enseigna à Mbour, et c’est à la suite de cela que j’allai à Dakar. Et c’est à l’école Abdoulaye Niasse, qui se trouvait sur la rue Rafanel angle escarpet que je m’inscris pour continuer mes études coraniques. On y retrouvait plusieurs maîtres coraniques dont El Hadji Moustapha Gueye. J’ai été élevé là-bas pendant deux ans, et à la suite de cela je continuai mes études avec la méthode majalise. Cette forme d’enseignement est fait par des gens qui se mettent à la mosquée ou chez eux avec des livres religieux (téere) et dispensent a quiconque veut ces téere. Cet enseignement est général. J’ai eu cette expérience aussi. C’est au terme de tout ce parcours que je partis au Maroc. Je suis d’abord allé en Algérie mais je n’ai pas étudié là-bas. Une fois arrivé au Maroc, je me rendis dans la ville de Fass pour étudier au lycée Kharaouine où j’obtins mon brevet et mon baccalauréat en 1982. Apres cela, je partis à Marrakech pour étudier à l’université Kadi et Yatt où j’obtins une licence en droit privé en 1987 après quatre ans d’études. Je suis revenu au Sénégal après cela pour subir une formation pédagogique d’une année à l’Ecole Normale Supérieure ce qui me permit d’obtenir le CAEM et de devenir professeur de CEM (collège d’enseignement moyen). Dieu merci.
MH : 05 :35 : Est-ce que vous appreniez à la fois le Coran et l’Arabe à Njassane et à Mbour ?
Je n’apprenais que le Coran à Njassane parce que j’étais plus jeune à cette époque. Je venais de démarrer mes études coraniques et j’avais mon àlluwa [tableau pour écrire le Coran]. On allait chercher du bois que l’on utilisait la nuit pour étudier. On se retrouvait à l’école coranique le matin après la première prière de la journée, et celle du tisbaar [première moitié de l’après-midi]. Voilà ce qu’il en est concernant Njassane. C’est quand je suis allé à Mbour que je mis à étudier l’arabe en même temps que le Coran. J’avais le sentiment d’avoir acquis une certaine connaissance de l’arabe quand je quittais Mbour et c’est cela qui a fait que je n’ai pas eu de difficultés quand je l’apprenais à l’école Abdoulaye Niasse dont j’ai fait mention tout à l’heure. Je prenais en même temps des cours d’enseignement laïque [l’école française dans ce cas] le soir. Je vivais à la Medina à la rue 7 angle 8 chez un disciple du nom de Sidy Diop. La nuit, j’allais à la mosquée Ngarakh à la rue 15 où des personnes dispensaient des cours en Français le soir. C’est quand je suis allé au Maroc que j’ai reçu une formation qui comprenait l’arabe, le français (comme deuxième langue) et l’anglais (comme troisième langue). J’ai étudié l’anglais pendant 3 ans mais maintenant j’ai oublié ce que j’en connaissais.
07 :31 : MH : Est-ce qu’il y a des membres de la famille qui ont fait des études à l’étranger ?
Oui, il y a d’autres membres de la famille qui ont étudié à l’étranger. Certains d’eux sont partis avant moi. D’autres on été à l’étranger en même temps que moi. D’autres y sont partis après moi. Certains des anciens sont passés en Tunisie dans la ville de Kairouan. Ce sont des oncles à moi et certains d’entre eux sont à Njassane, d’autres sont à l’étranger. Il y en a qui ont étudié au Caire, en Egypte.
08 : 02 : MH : Ce sont des universitaires ?
Oui, ce sont des universitaires. Ils évoluent entre Dakar, Njassane et Ndankh actuellement. Certains ont étudié au Maroc comme moi. Mon frère Abdourahmane, par exemple, a été formé en Algérie puis à Bagdad, en Iraq. Il y en a plusieurs qui ont fait des études supérieures, et aujourd’hui, ils mettent leur connaissance et autres au service de la famille. Ils s’investissent dans le domaine culturel, mais surtout dans le domaine du prêche.
08 :42 : MH : Nous avons remarque que vous avez donne beaucoup d’informations lors de notre première rencontre, et Maria aimerait savoir comment vous avez pu accumuler et apprendre tout ce que vous savez. Est-ce qu’il y a une personne qui vous renseigne sur l’histoire de la famille ?
C’est grâce à des sources qui m’ont été indiquées que j’ai obtenu cette connaissance. Quand je me rendis compte qu’il y avait un trésor dans la confrérie dont je fais partie, et que beaucoup n’en avaient pas conscience ou avaient la paresse de faire des recherches, je sentis la nécessité de faire mes propres explorations. Je fus motivé dans cette quête par le fait que mon père a accompli une œuvre importante dans ce domaine que la famille reconnait. C’est grâce à lui que les Aliwou Kounta sont connus aujourd’hui au Sénégal. Il s’appelait Serigne Mouhammed Bouna, c’était mon père. Grace à Dieu, il a pu écrire sur la confrérie et cela m’a motivé. Un des textes qui l’a écrit, kachifoulan wal hamamati wal hayati, ou il raconte la vie de Cheikh Bounama qui est l’ancêtre de tout Kounta vivant au Sénégal en ce moment. C’est le premier Kounta à arriver au Sénégal. Dans cette œuvre, il retrace le périple que Cheikh Bounama a fait de la Mauritanie, où il vivait chez son grand frère Cheikh Mokhtar Al Kounta qui l’avait envoyé, jusqu’au Cayor en passant par le Fouta. La lecture de ce texte m’encouragea à m’investir davantage à mes recherches. Par ailleurs, l’entente qui existe entre nous trois (mes frères Abdourahmane, Bouna Mohammed Bouna, l’imam ratibe de Ndankh et moi), et je rends grâce à Dieu pour cela, a créé un cadre d’échanges d’idées et de textes entre nous qui nous encourage à approfondir nos recherches sur la famille. Nous faisons des conférences partout au Sénégal pour des disciples de la famille mais aussi pour toute personne animée par le désir d’élargir sa connaissance dans le domaine religieux. J’ai déjà eu à recevoir des intellectuels arabisants pour des entretiens similaires à celui que vous faites en ce moment. J’ai récemment fait une conférence au Centre Culturel Douta Seck. Elle est entrain d’être éditée en ce moment et je pense que nous allons aborder le thème dont j’ai parlé ce jour tout à l’heure.
11 :45 : MH : Nous avons remarque que plusieurs membres de la famille ont été envoyé en Mauritanie pour leur formation, et nous aimerions savoir la où ils allaient apprendre en Mauritanie. Est-ce qu’ils ont maintenu des liens d’amitié avec ceux qui les ont enseignés là-bas ? Est-ce que la famille est restée en contact avec eux ?
Oui, il y a plusieurs membres de la famille que l’on amène étudier en Mauritanie quand ils atteignent l’âge de 5 ou 6 ans. Ce sont de petits enfants quand on les amène et les confie à des maîtres coraniques. A cette époque, les Maures quittaient la Mauritanie et venaient jusqu'à Njassane ou Ndankh. Une fois là-bas, les anciens choisissaient des enfants et les leur confiait. Chaque année, les Maures venaient prendre la nourriture et l’habillement des enfants chez le Khalife. La première raison pour laquelle on faisait cela est qu’on voulait que l’enfant acquière l’accent de la langue arabe, et qu’il puisse bien dire le harf [l’alphabet arabe]. La deuxième raison est qu’on voulait que l’enfant connaisse son origine et tradition. C’est pour cela que le choix de l’établissement où l’on envoyait les enfants était très important. D’habitude, on choisissait une école où les Kountas avaient de très bonnes relations. On les envoyait chez les Deyeman, Kouyleyli, Sankhaja et nos parents les Babous, Soubous qui sont des érudits très distingués en Mauritanie. Les Maures ont toujours fait honneur à la confiance que nous leur donnons. Ils donnaient une importance particulière à tout enfant de la famille Kounta qui était envoyé chez eux pour des raisons éducatives. Et c’est à cause de cela que les enfants maitrisaient bien le Coran et l’arabe quand ils revenaient de la Mauritanie. C’est pour cela que les Maures se rendent a Njassane et Ndankh quand ils viennent au Sénégal parce qu’ils savent qu’ils vont retrouver des parents et amis là-bas. Cette relation continue toujours. Au moment où je vous parle, il y a des enfants Kountas qui sont en Mauritanie.
15 :13 : MH : Est-ce que vous envoyiez des enfants chez Cheikh Sidya Baba ?
Nous avons une relation particulière avec la famille de Cheikh Sidiya Baba mais nous n’envoyions pas d’enfants là-bas. Leur grand père, Cheikh Sidiya Al Kébir senior, avait de bonnes relations avec Cheikh Sidy Mokhtar Kounta. C’est Cheikh Sidiya Al Kebir qui a quitté Boutilimit pour venir s’offrir à Cheikh Sidiya Mokhtar Kounta à Khawdou. Ce dernier l’a formé. Malheureusement, leur amitié n’a pas duré longtemps parce que Cheikh Sidiya Mokhtar est mort peu de temps après. Son fils Cheikh Sidy Mohammed devint Khalife, et il continua à former Cheikh Sidiya Al Kébir. Il paraît que Cheikh Sidiya Al Kébir est resté auprès de lui pendant 15 ans.
16 :12 : MH : Donc personne n’est allé étudier là-bas ?
Je ne peux vous dire qu’il y a un membre de la famille Kounta qui est allé étudier là-bas. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas mais je n’en connais pas.
16 :43 : MH : Pourriez-vous nous donner des noms de personnes qui ont étudiées en Mauritanie ? Elle aimerait savoir aussi si tous les khalifes ont étudié en Mauritanie.
Oui, je peux affirmer que tous les khalifes qui ont régné à Ndankh et Njassane ont étudié là-bas. A l’époque de Cheikh Bounama, on envoyait les enfants en Mauritanie. Il vivait à Ndankh en ce moment. C’est pour cela que chaque khalife savait comment bien s’acquitter des responsabilités liées au khalifat. Ils connaissaient leurs origines. A Njassane aussi, c’est la même culture qui existait à Njassane aussi. Cheikh Bou aussi envoyait ses enfants en Mauritanie. Son premier khalife Cheikh Al Bécaye a étudié là-bas. Cheikh Sidy Lamine a étudié là-bas.
17 :47 : MH : Quel est l’endroit exact en Mauritanie où il a étudié ?
D’habitude, ils allaient étudier chez les Kouyleyli. J’ai lu aussi que l’amour et le respect que Cheikh Bou avait pour la famille Al Koultiwou faisaient qu’il ne laissait pas ses enfants restaient longtemps dans un gàdd (campement de Maures). Il évitait que l’influence de ce dernier sur l’enfant soit trop forte. J’ai lu ceci dans le livre Kounta Orient de Paul Marti. Je pense que vous le connaissait. El Hadji Mohammed Kounta, le khalife de Cheikh Sidy Lamine Kounta et le père d’Elhadji Mame Bou (l’actuel Khalife), aussi a été en Mauritanie. Cheikh Sidy Yakhya, Cheikh Bou Mohammed Kounta qui vient de nous quitter et Elhadji Mame Bou, l’actuel khalife aussi a étudié là-bas. C’était une tradition et personne n’osait concevoir qu’un enfant naisse et grandisse ici sans qu’il ne parte étudier en Mauritanie. C’est la difficulté de la vie qui fait que qu’il n’y a que quelques enfants qui partent là-bas maintenant.
19 :11 : MH : Mais il paraît que cette tradition est entrain d’être ressuscitée ?
Effectivement. Il y a plusieurs enfants qui sont allés là-bas. D’ailleurs certains de ces enfants qui ont entre 16 et 18 y sont allés avec leurs propres moyens. Il y en a deux qui sont partis de Njassane tout récemment. Mon jeune frère est là-bas aussi. Il est vrai qu’il avait été envoyé en Mauritanie quand il était enfant mais il y est retourne de son propre gré parce qu’il aime cela.
19 :53 : MH : Quelle est la durée de leur formation ?
Il n’y a pas de durée spécifique pour la formation. Comme vous avez bien dit, tout dépend de l’intelligence de l’enfant et du maître. Les méthodes et les talents diffèrent mais il est rare qu’un enfant prenne 10 ans pour terminer la formation. D’habitude, ils ne passent que 5 à 6 ans là-bas. Le nombre maximum d’années est 8 ans de manière générale. Certains d’entre eux reviennent ici après avoir récité le Coran (tari alxuraan) et s’inscrivent à l’école. D’autres récitent le Coran ici, et après avoir renforce ce qu’ils ont appris de la Mauritanie, on les envoie à l’étranger pour qu’ils poursuivent leurs études.
20 :50 : MH : Est-ce qu’il y a des enfants qui partent en Mauritanie non pas pour apprendre le Coran mais pour acquérir une connaissance ?
Oui, il y en a. C’est ce dont je vous ai parlé tout à l’heure. Il y en a qui partent apprendre le Coran là-bas, reviennent ici au terme de cette formation et repartent en Mauritanie pour acquérir la connaissance cette fois. Il y avait un grand érudit à Nouakchott qui s’appelait Bouddha. C’était l’imam ratibe. Il est très vieux maintenant, et c’est pour cela qu’il n’enseigne plus. Il gérait une école coranique à Nouakchott et beaucoup d’enfants de la famille Kounta ont étudié auprès de lui. Mon grand frère Abdourahmane, Bouna Imam, l’imam ratibe de Ndankh ont étudié à l’école coranique de Bouddha.
22 :00 : MH : Quels sont les rapports que les Kountas de Njassane et de Ndankh entretiennent avec ceux de Walata.
Il faut dire que la relation n’est pas parfaite mais les anciens prennent des initiatives pour qu’elle s’améliore. Il y a 8 ou 10ans, Cheikh Bou Mohammed Kounta (Baye Bou) s’est rendu à Bamako avec une forte délégation pour rencontrer le khalife Kounta qui était là-bas. Il s’appelait Khamadi. Il y avait une tension entre les Kountas qui étaient là-bas, et Baye Bou s’était rendu à Bamako pour aider à réconcilier tout le monde. Grâce à Dieu, il attint son objectif. Ceci montre qu’il y avait un lien entre les familles.
La famille qui se trouve à Tombouctou maintenant est celle de Cheikh Sidy Mokhtar Sakhir junior. Ce dernier a la même mère et le même père avec Cheikh Ahmad El Bécaye qui avait rencontré Cheikh Omar Foutiwou. C’est d’ailleurs à Tombouctou que Cheikh Sidy Mokhtar a été enterré. Grâce à Dieu, j’ai pu aller me recueillir à sa tombe en 2006. Cheikh Ahmed El Bécaye vivait dans les environs de Gao alors beaucoup de gens pensent qu’il vivait à Tombouctou. C’est son jeune frère qui était à Tombouctou. La distance fait que peut être notre relation avec la famille qui vit au Mali n’est pas très bonne mais les anciens ne restaient pas une année sans aller au Mali, et à chaque fois, qu’ils partaient au Mali, ils s’abritaient chez ses familles.
25 :03 : MH : Et au Mali, ils partaient à Tombouctou ?
Ils partaient jusqu'à Tombouctou, Gao et à Boulanoir, dans le Sahara, où Cheikh Sidy Al Mokhtar a été enterré. Ils faisaient cela.
Concernant notre relation avec la famille de Walata, je dirais que c’est une vieille relation, et ce sont les anciens qui la maintenaient. Ceux de Walata et ceux de la localité d’Adrar en Algérie ont exprimé le souhait de rétablir les relations il y a quelques années.
Grâce à Dieu, je suis allé en Adrar, en Algérie en 2002, où j’ai rencontré beaucoup d’Al Kountiwou avec qui nous partageons le même ancêtre, Cheikh Bounama.
26 :01 : MH : Est-ce que ceci veut dire que Cheikh Bounama avait derrière une petite avant qu’il ne vienne s’établir ici ?
Non, je parle de Cheikh Bounama senior. Cheikh Bounama qui a fondé Ndankh avait le même nom que son grand père. En d’autres termes, ce dernier était son homonyme aussi. Sidy Ahmed (Ahmed El Bécaye) est le père de Cheikh Bounama qui a fondé Ndankh . En fait le vrai nom de Cheikh Bounama est Sidy Ahmed, et Ahmed El Bécaye est son père. Ahmed El Bécaye est le fils de Cheikh Sidy Mohammed. Cheikh Abdourahmane est le fils de Cheikh Bounama senior. C’est ce dernier qui avait monté l’autruche. Il paraît qu’une fois il devait quitter l’Algérie pour aller faire le pèlerinage à la Mecque. Vous savez qu’a cette époque les chameaux et chevaux servaient de moyens de transport. Tout le monde excepté lui avait un moyen de transport (soit un chameau ou un cheval) mais malgré cela et le soleil qui chauffait, il resta très déterminé à faire le voyage. Et quand il n’en pouvait plus, il s’assit et dit le tawassoul, et dit à son Créateur : je Vous adresse la même prière que le prophète Yancouba avait fait quand son fils fus enlevé. Quand on est venu dire au prophète Yancouba que son fils Youssoufa avait été mangé par des chacals et qu’il pleura jusqu'à perdre la vue, il finit par cette prière : je confie toute ma tristesse et consternation à mon Créateur. C’est grâce à cette prière que Youssoufa est devenu roi et qu’il réussit à ramener son père et sa mère la où il régnait. Cheikh Bounama dit qu’il remettait tout entre les mains de Dieu aussi. C’est à cet instant qu’une autruche vint s’asseoir tout prés de lui et il le monta. Quand l’autruche se déplace, c’est comme s’il volait, et quand il dépassa ses paires, ils se mirent à dire : wasahi bou nakha, voilà le propriétaire de l’autruche, voilà le propriétaire de l’autruche. C’est le mot sakhi bou kha na qui est devenu Bounama, Bou kha na en Arabe. Et comme le Wolof ne peut pas dire Bou kha na, il dit Bounama. D’ailleurs certains disent Bouna seulement. C’est sakhi bou kha na. Ce vieil homme s’appelait Sidy Ahmed. Un autre miracle est arrivé avec un autre vieil homme, Mohammed El Alawi. Il était aveugle et quand il chercha à se soigner en vain, il fit un tawassoul [recueillement] et pria Dieu en évoquant le nom de 40 saints de la famille Kounta pour recouvrer la vue. J’en ai parlé une fois durant une conférence, et pour montrer que cela était possible, j’ai donné l’exemple du prophète Jacob qui a retrouvé la vue après que le vêtement du prophète Youssoufa fut jeté prés de lui. Ceci montre que rien n’est impossible à Dieu. Quand Mohammed El Alawi fit la litanie de ses 40 saints de la famille Kounta, il dit une prière spéciale quand il arriva au nom de Cheikh Bounama. C’est avoir prononcé ses paroles que ses yeux s’ouvrirent. La parole voulait dire ceci : toi la personne qui cherche à résoudre tes problèmes, ne pars nulle part, adresse –toi à ton Créateur mais par l’intermédiaire de la personne que nous avions vu dans la brousse montant l’autruche. Voilà un khassida [poeme ou cantique] dont on fait référence au sein de la famille. Donc ce Cheikh Bounama est l’arrière grand père de Cheikh Bounama de Ndankh.
Quand je suis allé en Algérie en 2002, j’y ai rencontré la famille de Cheikh Bounama senior celui qui avait monté l’autruche. Elle est dans la ville d’Akablit. D’après ce qu’ils m’ont dit, Akablit est à 300 mètres de la localité d’Adrar. Cheikh Bounama de Ndankh est né à Akablit. C’est quand il grandit qu’il partit retrouver Cheikh Sidy Mokhtar en Mauritanie, et après avoir l’enseigné, ce dernier l’envoya au Sénégal.
31 :57 : MH : Est-ce que le Cheikh Sidy Mokhtar qu’il est allé retrouver en Mauritanie est le même que le Cheikh Sidy Mokhtar qui était a Tombouctou ?
Non, ils sont différents. Cheikh Sidy Mokhtar qui est en Mauritanie est le grand père de Cheikh Sidy Mokhtar qui est à Tombouctou
32 :11 : MH : Donc c’est Cheikh Sidy Mokhtar Al Kabir qui était en Mauritanie?
Cheikh Sidy Mokhtar Al Kabir est le père de Cheikh Sidy Mohammed qui est le père de Ahmed El Bécaye et Sidy Mokhtar Sakhir. Et c’est Cheikh Ahmed El Bécaye qui était en conflit avec Cheikh Omar Foutiwou. Cheikh Ahmed El Bécaye et Cheikh Sidy Mokhtar Sakhir junior sont des frères. Cheikh Sidy Mohammed est leur père.
32 :37 : MH : Ce sont leurs enfants qui ont émigré donc ? Comme il n’y avait pratiquement pas de frontières ?
Effectivement, il n’y avait pas de frontières à cette époque. Ils étaient toujours à la recherche de la meilleure pâture.
32 :50 : MH : Est-ce que vous connaissez l’endroit exact où se trouvait Cheikh Sidy Al Mokthar en Mauritanie ?
Il m’est difficile de vous dire le lieu exact mais j’entends parler de Khowdeu. Vraiment, je n’en sais pas grand-chose. Je serai en mesure d’en parler si je fais quelques recherches.
33 :35 : MH : Est-ce que vous savez quand est-ce qu’il a installé Boulanoir ?
En 1800.
33 : 55 : MH : Est-ce que Boulanoir est une ville ?
Je pourrais dire que ce n’est pas une ville mais juste un puits. C’est un endroit avec un puits.
34 :08 : MH : C’est un oasis ?
Voilà. Vous savez que l’eau était une denrée rare autrefois. Tout endroit où une source apparaissait était vu comme une place bénie et les gens venaient s’installer là-bas. C’est le puits qui s’appelait Boulanoir et c’est là-bas qu’il mourut alors qu’il priait. Il fut enterré à la même place. La localité se trouve maintenant au Mali après l’érection des frontières. C’est dans le Sahara que se trouvait ce puits et il restait aux alentours priant Dieu et autres. Sa famille était là-bas avec lui aussi.
34 :56 : MH : Est-ce que les gens y habitent jusqu'à présent ?
On y trouve maintenant que la tombe et le « rawdu ». Je ne suis pas arrivé là-bas mais ceux qui se sont rendus sur les lieux disent qu’il y a aucune habitation là-bas maintenant. Personne n’habite là-bas. C’est un désert. La tombe qui ressemble un peu à une maison est maintenant couverte par le sable mais si on entre à l’intérieur on y trouve son corps, celui de sa femme Laïla Aïcha et de leur fils Cheikh Sidy Mohammed. Les Maures y laissent leurs affaires quand ils sont fatigués et qu’ils doivent continuer un voyage, et personne n’y touche.
Je vais vous donner un exemple. Un « père » à moi qui vit à Mermoz, il m’a raconté cette anecdote une fois. Il vient de Tombouctou mais sa famille réside au Sénégal maintenant. Il s’appelle Serigne Mohammed Kounta plus connu sous le nom de Mohammed Kagnaba.
35 :55 : MH : Vous parlez de Kagnaba en Casamance ?
Non, au Mali. Il m’a dit qu’il s’est une fois rendu à la tombe de Cheikh Ahmed El Bécaye dont je parlais tout à l’heure, le petit fils de Serigne Sidy Al Mokhtar. Quand il est à la tombe où l’on peut demander de passer la journée ou la nuit, le vieil homme qui la gardait refusa de lui ouvrir la porte. A force d’insister, il finit par lui ouvrir la porte. Pour expliquer son attitude, ce dernier lui raconta cette histoire : « si j’ai refusé de vous ouvrir la porte, c’est parce que nous avons fait la même faveur à une personne que l’on jugeait être de bonne foi une fois et c’était pour nous rendre compte plus tard que nous nous étions trompés sur son cas. Il avait volé et emporté les bagages que des gens avaient laissés ici. Heureusement, nous avons réussi à retrouver les objets volés. On n’a pu le retrouver mais étendu mort comme on alla à sa poursuite. »
Nous pouvons dire donc que ce sont les objets qu’il avait volé qui l’ont fait condamner. Serigne Mohammed m’a par ailleurs dit que Cheikh Ahmed El Bécaye lui ait apparu à deux reprises au cours de la nuit qu’il a passé là-bas. Il a dit que tout ce qu’il lui ait apparu au cours de ce rêve s’est réalisé. Il avait trouvé un enfant touareg malheureux qui ne connaissait pas la religion, l’avait adopté et lui enseignait mais au cours du rêve Cheikh Ahmed El Bécaye lui fit comprendre que l’enfant n’était pas une bonne personne et cela s’est confirmé le lendemain parce qu’il avait déjà fui quand Serigne Mohammed s’est réveillé. Serigne Mohammed dit que quand il se recoucha, Cheikh Ahmed El Bécaye lui apparut une deuxième fois et cette fois ci il était accompagné d’un vieil homme qu’il ne connaissait pas. Et quand il me demanda si je connaissais le vieil homme, je dis non, il me dit que c’était Cheikh Tourate qui a été enterré à Soumbédioune. Serigne Mohammed me dit que c’est ce jour qu’il connut Cheikh Tourate qui se mit à lui parler à l’instant même. Et quand il se mit à parler Serigne Mohammed lui dit que sa manière de s’exprimer (langage gestuel) confirmait ce que Dieu avait dit concernant les morts, c'est-à-dire qu’IL leur enlèverait le pouvoir de s’exprimer oralement. Cheikh Tourate lui dit qu’effectivement, il lui parlait avec des gestes pas avec des mots. Serigne Mohammed me dit que c’est ce jour qu’il comprit que tous les saints sont les mêmes. Pour lui ceci était illustré par le fait que Cheikh Tourate qui était enterré à Soumbédioune et Cheikh Ahmed El Bécaye qui était entouré près de Gao se retrouvaient ensemble pour lui parler.
38 : 43 : MH : Est-ce que vous gardez jusqu'à présent le poème que Cheikh Bounama avait écrit quand Cheikh Sidy Mokhtar est mort ?
Nous gardons ce poème jusqu'à présent. C’est en 1800 que Cheikh Bounama est venu au Sénégal, et c’est en 1811 que Cheikh Sidy Mokhtar mourut. Donc c’est onze ans après que Cheikh Bounama est retourné en Mauritanie pour faire de Cheikh Sidy Mokhtar un martyr. Durant cet évènement, il chanta ses louanges où il disait ceci à propos de Cheikh Sidy Mokhtar : je vais vers Dieu et c’est Cheikh Sidy Mokhtar que j’utilise comme mon escalier pour arriver à Lui. Il est tout à fait normal de se servir d’une telle personne comme support pour accéder à Dieu. Tout le monde sait que Cheikh Sidy Mokhtar a fait des pas énormes dans le chemin de la sainteté. Il est par conséquent légitime de glorifier Cheikh Sidy Al Mokhtar qui est mon rempart contre tout ce qui me fait peur et que j’évite. Il dit par ailleurs que Cheikh Sidy Mokhtar avait réalisé des actions de zahirs [visible, apparent] et de baatins [secret, caché ou occulte]. Comme preuve, je peux, moi-même (Bou Khalifa), dire que l’une des actions (zahirs) qu’il a accompli est la construction d’écoles coraniques entre le fleuve Sénégal et le fleuve Niger. C’est lui qui entretenait ses écoles. Il nourrissait et habillait les enfants, et sa femme Laïla Aïssa l’aidait dans cette tâche. Dieu lui avait donné une certaine fortune et il était généreux. Son fils Cheikh Sidy Mohammed a dit une fois que les gens ont une fois dit à son père Cheikh Sidy Mokhtar qu’ils ne parvenaient à concilier le fait qu’il soit un saint et un homme riche en même temps. Pour eux le fait que Cheikh Sidy Mokhtar soit riche et saint voulait dire qu’il tenait au monde matériel/ physique/mondain et à Dieu à la fois. La réponse de Cheikh Sidy Mokhtar était qu’il ne tenait pas à sa richesse. Qu’il n’était pas séduit par sa fortune. Cheikh Sidy Mohammed dit que cela n’était pas surprenant parce qu’un regard sur l’histoire de l’Islam montrera que plusieurs saints de l’Islam étaient riches. Le prophète Youssoufa en est une parfaite illustration. Un autre exemple serait le prophète Souleymane qui avait tout à sa disposition. Les djinns et autres le servaient, et lui donnaient tout ce qu’il voulait or, diamant et autres. Des Sabbaths tels qu’Aboubacry Sadith, Osman Ibn Fall, et Abdourahmane Ibn Aff étaient très riches. C’est pour cela que Cheikh Sidy Mohammed leur dit qu’il n’est pas contradictoire d’être riche et un saint ou sainte en même temps. D’ailleurs Dieu encourage les croyants à être riche parce qu’Il a dit que l’on doit se préparer contre l’ennemi. Pour appliquer cette recommandation à notre époque, on dirait donc que le croyant doit avoir à sa disposition, si possible, des chars de combat et autre pour se préparer contre une éventuelle attaque de la part de l’ennemi. Cheikh Sidy Mohammed continua en disant que l’important est de faire bon usage de la fortune que Dieu confie à la personne. L’essentiel est que l’argent soit bien gagné et qu’il soit en retour utilisé à des causes nobles aussi. Cheikh Sidy Mokhtar avait justement gagne sa fortune et il l’investissait dans la construction et maintenance des écoles coraniques. Il faisait du tourisme aussi non pas pour s’amuser mais pour travailler.
44 :29 : MH : Donc Cheikh Sidy Mokhtar Al Kabir est venu jusqu’au niveau du fleuve Sénégal ?
Il paraît qu’il est venu jusqu’au fleuve Sénégal et fleuve Niger. Il se rendait là-bas pour le dawa [l’appel à Dieu, a la religion ; enseigner et répandre l’Islam]. C’est pour cela que son jeune frère Cheikh Bounama dit que Cheikh Sidy Mokhtar avait aidé des gens, construit des écoles coraniques et enseigné. Et même en étant mort il continuait à venir en aide aux gens. Si on demande à Dieu en demandant l’intercession de Cheikh Sidy Mokhtar, Dieu exauce les prières. Des gens quittent ici pour aller jusqu'à Boulanoir pour prier devant sa tombe et leurs prières sont exaucées.
45 : 34 : MH : Il y a un chercheur du nom de Brenner qui a confirmé ce que vous venez de dire. Maintenant nous aimerions savoir si Cheikh Bou avait arrêté de faire du commerce suite à son établissement à Njassane ? On nous a dit qu’il n’est plus sorti de Njassane après s’y être établi et nous aimerions savoir s’il avait des personnes qui s’occupaient des ces affaires à Dakar et à Saint Louis sachant qu’il avait des propriétés là-bas.
Il est vrai qu’il ne sortait plus de Njassane une fois qu’il s’établit là-bas mais il avait des représentants partout ou il avait une/des propriété (s). A Tivaouane, Dakar, Saint Louis, Rufisque et à Kayes, il était représenté par quelqu’un. Je pourrais vous donner les noms des personnes qui le représentaient plus tard. J’ai des documents sur cela, et je vais vous les donner plus tard. Cheikh Bou était quelqu’un de très intelligent.
47 :16 : MH : Les Blancs en ont parlé.
Il était très intelligent parce qu’il est vrai qu’il n’avait pratiquement que des disciples bambaras mais il faisait des affaires avec tout le monde. Parmi les personnes avec qui ils faisaient des affaires, on retrouve des Bambaras mais aussi des Sarakholés, Wolofs, et Socés. Et c’est pour cela que je peux dire si on parle d’intégration Africaine, je pourrais dire que Cheikh Bou était déjà dans cette dynamique.
Deuxième piste
00 :00 : MH : Pourriez-vous nous parler des personnes qui le représentaient dans ces villes ou il avait des propriétés ?
A Dakar, il était représenté par Diafara Dramé qui était un Sarakholé. C’est ce dernier qui s’occupait de sa propriété ici à Dakar, et cela permit à Cheikh Bou d’acquérir une richesse ici à Dakar. Professeur Iba Der Thiam nous a fait une conférence à Keur Mbaye Fall, il y a quelques années, et il nous a exhorté, ce jour, à réclamer la propriété de Cheikh Bou à Dakar. Il nous a appris ce jour que Thionk appartenait à Cheikh Bou. L’hôtel de la poste à Saint Louis aussi lui appartenait. A Rufisque, il était représenté par Ibrahima Cissé, à Sébikotane, Djibril Ndoye, a Thiès Mamadou Lamine Senghor. La famille de ce dernier est toujours à Thiès, et c’est Cheikh Bou qui fit de lui un Cheikh. Il faisait partie des conseillers municipaux de la ville de Thiès. A Diourbel, il était représenté par Karamoko Traoré qui venait de Sikasso, Mali. A Saint Louis, Mohammed Camara le représentait, et à Tivaoune, Ma Djama Diop qui selon certaines sources, n’était pas khadre mais tidjane mais cela n’empêcha pas Cheikh Bou de travailler avec lui.
01 :54 : MH : Il l’utilisait comme un agent économique ?
Effectivement. A Kayes, au Mali, il était représenté par Boubacar Bangali. C’est lui qui dirigeait le groupement des Sarakholés à Kayes. Vous pouvez voir donc que Cheikh Bou ne travaillait pas uniquement avec des personnes de sa confrérie. Il mettait l’accent davantage sur la capacité et l’honnêteté de la personne. Il se pourrait aussi qu’il ait voulu rapprocher les nations.
02 :52 : MH : Est-ce qu’il avait des personnes proches de lui a l’exemple des sabbats du prophète Mohammed ( psl) qui étaient proches de lui ?
Le vieux Malamine Senghor faisait partie des personnes qui étaient plus proches de lui. D’ailleurs, sa maison qui s’appelait « Keurgou Mag » est toujours là-bas à Thiès. Le vieux Ansou Thiam aussi faisait partie de son cercle. Sa famille réside aujourd’hui à la rue 11 angle 8. Sa famille représente le khalife aujourd’hui ici dans la région de Dakar. C’est parce qu’ils étaient proches de Cheikh Bou qu’il fit d’eux des Cheikhs et leur donna l’ordre d’aller s’implanter ailleurs. C’est ainsi que Malamine Senghor alla s’établir à Thiès, Ansou Thiam alla s’établir à Campement Nguékhoh. C’est là-bas qu’il a été inhumé. C’est son fils El Hadji Cheikh Thiam (Cheikh Sidy Mokhtar Thiam) que Baye Sidy avait installe à la rue 11. C’est son fils qui l’a remplacé et c’est lui qui dirige les disciples qui se trouvent à Dakar. Voilà donc quelques personnes qui étaient proches de Cheikh Bou. Il y en avait d’autres. Ses enfants aussi l’aidaient parce qu’il les avait formés aussi. Il avait éprouvé son fils Cheikh Al Bécaye de manière particulière. Après avoir testé ce dernier quand il est revenu de sa formation religieuse en Mauritanie, il l’envoya chez Mame Borom Touba pour que ce dernier puisse voir s’il avait maitrisé son sujet. Vous pouvez voir donc qu’il ya une bonne entente entre eux. Tout récemment, une « mère » à moi me raconta l’histoire et je lui fis savoir que je n’aurais jamais osé la raconter si je ne l’avais entendu d’elle. Elle m’a dit que c’est le vieux Kadjali Dabo qui lui avait raconté cela. Kadjali Dabo faisait partie des grands disciples. Quand Cheikh Al Bécaye partait en Mauritanie pour étudier, c’est au vieux Kadjali Dabo que Cheikh Bou l’avait confié. Elle m’a dit que c’est le vieux Kadjali Dabo qui lui a dit que Cheikh Bou lui a demandé d’accompagner Cheikh Al Bécaye en Mauritanie et de veiller à ce qu’il ne fasse rien d’autre qu’étudier. Il lui dit par ailleurs de s’occuper de lui. Et comme les disciples sont très motivés et obéissants, il s’acquitta de cette tache. Cheikh Al Bécaye aussi accepta de partir. A la fin de cette formation, il revint au Sénégal mais comme son père n’était pas satisfait après l’avoir l’évalué, il le renvoya en Mauritanie une deuxième fois. Et c’est quand il est revenu au Sénégal après cette seconde formation en Mauritanie que son père l’envoya auprès de Mame Borom Touba afin qu’il soit évalué par ce dernier également. Et c’est le vieux Kadjali Dabo qui l’avait accompagné a Touba. Quand ils arrivèrent, Serigne Touba les accueillit et après avoir fait cela, il appela Al Bécaye , Cheikh Al Bécaye mais c’est quand il l’appela Cheikh Al Bécaye une troisième fois que le vieux répondit. Quand Serigne Touba lui demanda la raison pour laquelle il attendit le troisième appel pour répondre, il dit à Serigne Touba qu’au premier appel, il a vu les anges de Dieu se diriger vers lui, au deuxième appel il les vit se poser sur ses épaules et c’est au troisième appel, qu’ils firent de lui un Cheikh. Il m’a dit que c’est Serigne Touba qui l’appelé Cheikh mais que c’est les anges qui lui mirent le grade de Cheikh. C’est la dame qui m’a raconté tout ceci et comme c’est du vieux Kadjali Dabo qu’elle reçut cette anecdote. Au retour quand Serigne Touba rebroussa chemin après les avoir raccompagné, Cheikh Al Bécaye s’agenouilla et sortit sa pipe pour fumer. Comme les Maures ont du respect pour les personnalités et ne fument pas devant elles, Cheikh Al Bécaye attendit ce moment pour fumer. Quand il se mit à fumer ils virent Serigne Touba revenir vers eux, et immédiatement, il appuya la pipe sur le sol et l’éteint. Et c’est à cet endroit même que Serigne Touba planta le fruit d’un baobab et dit que toute personne qui allait s’asseoir sous cet arbre allait prospérer. C’est le baobab texe (guy texe) qui se trouve à Touba aujourd’hui.
08 :02 : MH : Il est toujours à Touba ?
C’est un quartier, mais je pense que le baobab doit être mort maintenant. C’est l’endroit qui s’appelle « guy texe » maintenant. J’ai dit à cette « maman » qui avait plus de 70ans que je n’aurai parlé de ceci à quiconque si je ne l’avais pas entendu d’elle. Je pense que la chose la plus essentielle ici est la relation qui a existé entre les anciens. J’accorde beaucoup d’importance à cela. Je pense que si cette entente existait aujourd’hui, on aurait pu éviter beaucoup de problèmes.
08 :48 : MH : Vous me disiez tout a l’heure que Sokhna Laïla Aïcha était une savante parce qu’elle avait beaucoup appris, et j’aimerais savoir si, aujourd’hui, vous permettez aux femmes de la famille Kounta d’étudier ?
Vous venez de poser une très importante question. C’est une très importante question parce que l’Islam valorise la connaissance et il ne fait pas de distinction entre les genres quand il s’agit de cela. Il y a beaucoup de femmes érudites dans l’histoire de l’Islam. Sokhna Aissa, la femme du prophète Mohammed (psl), en fait partie. Il disait à ses fideles d’aller consulter Sokhna Aissa s’ils voulaient connaitre la moitie de ce qui constitue l’Islam. Sokhna Aïssa était une érudite et elle enseignait des hommes et des femmes sous certaines conditions. Partant de ceci donc, je pense, tout musulman, pas seulement les Al Kountiwou, doit étudier. Malheureusement, ceci n’arrive pas souvent maintenant mais il y a quand même des femmes qui étudient. A Ndankh, par exemple, une de nos jeunes sœurs étudiait. Maintenant, elle est mariée ce qui va rendre cela plus difficile. A Njassane, il y a quelques cas aussi. A Ndankh, il y a Sokhna Marième Kounta. Elle a toujours refusé de fréquenter l’école laïque préférant étudier la religion. Notre nièce Fatimata Kounta a aussi acquis une bonne connaissance de la religion. Elle craint Dieu aussi. Elles sont toutes jeunes parce qu’elles doivent avoir 30 à 40ans. Ma cousine Marième Kounta , qui vit à Njassane, a été recruté comme enseignante d’arabe par l’état. Elle était de Serigne Mourtada mais elle travaille pour l’état maintenant. Voilà des exemples que je peux vous donner. Il y en a d’autres qui font des efforts même si elles leur reste du chemin à faire. Comme je l’ai dit au début il me semble qu’il y a un regain d’intérêt par rapport aux études religieuses. On a recommencé à envoyer les garçons en Mauritanie mais les filles sont instruites aussi.
12 : 17 : MH : Nous savons que les femmes de la famille de Dame Fodjo étudiaient, et c’étaient des érudits. Nous savons, par ailleurs, que celles de la famille de Baye Niasse étudiaient également. Seydina Marième Niasse constitue une bonne illustration.
Troisième piste
00 : 00 : MH : En quoi constituait le commerce de Bou Kounta ? On en parle mais nous ne savons pas le genre de commerce qu’il faisait.
Il parait qu’il faisait du commerce d’arachide. Grâce aux séanes, il parvenait à faire de l’agriculture et ces disciples vendaient ses produits agricoles au marché. Il avait aussi des magasins et des boutiques ou il vendait du riz, du mil et autres. Il lui arrivait d’aider ses disciples avec les bénéfices qu’il tirait de ses ventes. Il faisait crédit à certains. Quand certains de ses disciples n’arrivaient pas à payer leurs crédits, il le leur donnait. Il parait que Cheikh Bou intervenait dans le conflit qui opposa le Cayor aux français en 1886. Il faisait libérer des captifs et les placer dans des localités où ils pouvaient vivre en paix. En plus de cela, il les aidait financièrement afin qu’ils réussissent leur vie aussi, et s’il arrivait qu’il échoue aussi, il les pardonnait toujours.
02 :22 : MH : Donc il avait des boutiques à Dakar ?
Oui, il avait des boutiques à Dakar, Rufisque et Saint Louis, et c’est les personnes dont je parlais tout à l’heure qui le représentaient auprès des clients et blancs.
02 :42 : MH : Nous savons qu’il avait installe des villages de culture dans quelques localités, et y avaient laissé des représentants, et nous aimerions savoir si ces villages envoyaient le zakat à Njassane à la période des récoltes. Quand nous sommes allés à Bargny, on nous a dit qu’ils amenaient le zakat et il revenait à ce dernier de décider ce qu’il fallait en faire.
C’est ce qui arrivait. Les disciples n’étaient satisfaits que s’ils amenaient une part de leur récolte chez le khalife. Le khalife entretenait des écoles coraniques à/et en dehors de Njassane. Et à chaque fois qu’une personne en détresse allait à Njassane pour avoir de l’aide, il lui donnait le support qu’elle cherchait. Les Maures aussi venaient fréquemment à Njassane. Je vous ai dit, tout à l’heure, qu’il envoyait des enfants issus de plusieurs familles à Njassane en Mauritanie. Il y a des disciples qui vivent à Grand Dakar, qui ont une parfaite maîtrise de l’Arabe. C’est de Njassane qu’ils sont partis en Mauritanie pourtant ils ne font pas partie de la famille Kounta. C’est pour cela que les disciples amenaient leur « assaka » à Njassane et Cheikh Bou le redonnait à ceux qui en avaient vraiment besoin qu’ils soient des disciples ou des parents. Comme il était le plus riche à cette époque, il venait en aide à ses frères consanguins qui vivaient entre Ndankh, Nder et d’autres localités.
04 :36 : MH : Parce qu’il était plus riche que ceux de Ndankh ?
Effectivement. Dieu a fait que Cheikh Bou a pu nouer des liens avec le blanc des son établissement à Njassane en 1885. Et cette relation fit qu’il eut une situation sociale et financière que les autres n’avaient pas. Il était plus connu à cause de cela. Il faut se rappeler que le frère de Cheikh Bou, Khalifa gérait la famille qui se trouvait à Ndankh.
05 :28 : MH : Pourriez-vous nous citer les villes que Cheikh Bou a créées ?
Le village de Baliga en fait partie. Baliga n’est pas loin de Lam Lam, dès que vous dépassez Lam Lam , vous trouverez Baliga. C’est un village mais un gros village quand même. Leur khalife est mort il y a quelques jours, et El Hadji Bou Mame Kounta a pu se rendre là-bas pour présenter ses condoléances et choisir un nouveau représentant pour la famille Kounta, la semaine dernière. Thiawone Bambara, qui se trouve dans les environs de la ville de Thiès, aussi en fait partie. Keur Serigne Thiam aussi est l’un des villages qu’il avait fonde et c’est le vieux Ansou dont je parlais tout à l’heure qui le représentait là-bas. A chaque fois qu’il faisait d’un de ses proches un cheikh et qu’il l’envoyait s’établir quelque part, il lui disait que Dieu allait le trouver là-bas. L’école coranique est toujours là-bas, et on peut trouver dans ce village plusieurs érudits. Malikounda Sérère aussi en fait partie et il était représentait dans cette communauté par le vieux Abdoulaye Thiandoum. Je pense qu’il s’appelait Abdoulaye. Ce n’est pas Cheikh Bou en personne qui l’avait envoyé là-bas mais c’est Serigne Abdourahmane, le fils de Cheikh Bou. Il s’appelait Moustapha Thiandoum, et il était connu au Sénégal parce que les gens venaient de partout avec des problèmes et il les aidait à régler leur situation. Chaque jour, on préparait une très grande marmite. D’ailleurs, il est mort l’année dernière. Grâce à Dieu, il maîtrisait les sciences occultes et écrivait aussi, et il parvenait à guérir beaucoup de maladies. Voilà une autre localité établit par Cheikh Bou. Le vieux Malamine Senghor avait ouvert une école coranique à Thiès où il était envoyé par Cheikh Bou. Voilà quelques uns des villages créés par Cheikh Bou. Il y a aussi des villages qu’il a créés au Mali. Les Bambaras venaient ici, et après les avoir enseigné, il les renvoyait au Mali avec l’ordre de créer un village à leur tour, ou d’aller résider dans une localité bien précise.
08 :31 : MH : Qu’est ce qui justifie le fait que Cheikh Bou ait eu plus de disciples au Mali qu’ici ?
Quand Cheikh Bou est venu s’établir ici, il y a trouvé ses pairs. La majorité de la population était Wolof aussi. Malgré le fait qu’il était plus âgé que Serigne Touba et Mame Elhadji Malick, il les respectait et ne voulait pas qu’il n’y ait aucun tiraillement entre eux. D’ailleurs, les villes ne sont pas loin l’un de l’autre. S’il regroupe plus de disciples au Mali qu’au Sénégal, c’est grâce à Dieu. C’est Dieu qui donne et c’est Lui qui a projeté la lumière de Cheikh Bou au Mali. C’est Dieu qui pointait les maliens vers Cheikh Bou au cours de rêves dans lesquels il leur fut indiqué que leurs problèmes allaient être réglés s’ils venaient retrouver Cheikh Bou. Et c’est ainsi qu’ils se rendaient à Njassane à dos d’âne, ou par pied. Ce qu’Issa Diouf vous a dit est vrai aussi. Cheikh Bou disait que ses disciples se trouvaient à l’extérieur du Sénégal parce qu’il évitait les compétitions et autres. Une autre raison qui ait poussé Cheikh Bou à avoir cette perspective est le fait que l’Islam était déjà répandu ici et la seule chose qui restait était de propager les confréries, et il trouvait cela ne pouvait être comparé à l’obligation de répandre la religion. L’essentiel pour lui était que la personne soit exposée à l’Islam. Et comme il trouvait que l’Islam n’était pas connu au Mali, il pria afin que Dieu lui donne la grâce d’atteindre les maliens. Et grâce à Dieu, il put propager la religion au Mali et en Casamance. Et c’est pour cela que tout le monde pense aux maliens aujourd’hui quand le gàmmu de Njassane approche. Un auditeur m’a appelé, une fois que j’étais invité par une station de radio locale, pour me demander si les Kountas étaient des bambaras. Après avoir souri, je lui donnai une réponse équivoque lui disant que les Kountas étaient des bambaras mais n’étaient pas des bambaras aussi. Vu que les Kountas entretiennent avec les bambaras une relation qui a duré longtemps, nous pouvons dire qu’ils sont des bambaras. A force de vivre avec une personne, on finit par devenir son parent. D’ailleurs, il y a avait à Njassane, un quartier appelé Bambara ou vivait des Bambaras et Moussis, les Burkinabés.
12 :36 : MH : Est-ce que le quartier est toujours là-bas ?
Le lotissement qui a eu lieu ici a presque fait disparaître le quartier. Ceci démontre que la relation a duré. Par conséquent, je peux dire que les Kountas sont des bambaras qui sont leurs disciples. Mais, vu que les Kountas n’ont pas le même ancêtre que les Bambaras, on voit qu’ils ne sont pas des Bambaras parce qu’ils ne viennent ni du Mali, ni du Burkina Faso. Ils viennent d’ailleurs. Mais grâce à Dieu et à Cheikh Bou nous avons de bonnes relations avec eux.
13 :24 : MH : Nous pouvons dire, par conséquent, qu’il était plus intéressé à propager l’Islam ?
13 :44 : MH : Maria a cherché à savoir la raison pour laquelle les bambaras ne sont pas allés adhérer à la confrérie d’Elhadji Malick Sy ou celle de Serigne Touba. La réponse que nous avons reçue est que c’est le commerce d’arachide qui existait à cette époque, et qu’il était facilité par l’existence des chemins de fer, qui les a amenés à joindre Cheikh Bou. Cela ne semble constituer une réponse plausible vu qu’ils pouvaient aller chez Elhadji Malick Sy et Serigne Touba aussi.
Surtout si l’on remarque que c’est eux qui se trouvaient dans les grandes villes. Serigne Touba était à Diourbel, Serigne Elhadji Malick à Tivaouane.
14 :38 : MH : Dans le bassin arachidier ?
Voila. Pourquoi n’ont-ils pas choisi d’aller chez eux? Comme je vous ai dit tantôt, c’est Dieu qui donne. Je vais vous donner un exemple que j’ai tiré d’une livre que j’ai lu. Adama Traoré, un bambara, à d’un seul coup mis fin à sa carrière de militaire pour aller se faire Cheikh par Cheikh Bou. Au bout d’un séjour de 15 jours à Njassane, il fut instruit et élevé au rang de Cheikh par Cheikh Bou, et il retourna chez lui. Par conséquent, je peux dire que leur adhésion à la confrérie de Cheikh Bou n’était pas animée par un désir d’obtenir un gain économique. Diourbel et Tivaouane étaient économiquement plus puissants que Njassane à cette époque. Ceci ne veut pas dire que certains n’ont joint la confrérie parce qu’animes par un intérêt économique.
15 :34 : MH : Tout a fait parce que certains sont peut être venus parce qu’ils avaient entendu parler du Cheikh et des abris qu’ils donnaient à ceux qui en cherchaient auprès de lui.
15 :48 : MH : Est-ce que la famille d’Adama Traoré est toujours membre de la confrérie ?
Je ne connais pas ses enfants parmi les disciples de la confrérie mais je sais que sa famille adhère à Njassane jusqu'à présent. Je sais aussi qu’il ya beaucoup de Traoré parmi les disciples. D’ailleurs, il y a des Bambaras qui vivent derrière chez moi, dans une maison, et je sais qu’ils ont Traore comme nom de famille. Leurs ancêtres viennent du Mali mais se sont des sénégalais maintenant. Leurs enfants et petits enfants sont ici. Il y a des Coulibalis parmi eux aussi. Avant-hier seulement, on discutait de cet aspect de la relation qui unit les bambaras et Njassane. Il y a une chose dont on ne parle pas ouvertement mais le baatin existe. Dieu le donne a qui Il veut, et Il en avait gratifie les anciens de la famille Kounta. Il en avait donné à d’autres mais les Kountas en avaient beaucoup reçu. Avec ce baatin, Il leur avait donné le courage et le don de faire face à Satan. Il est connu que les bambaras sont très forts en matière de magie. Ils avaient de très mauvaises idoles. Ils en parlent eux-mêmes.
Mon oncle paternel, Cheikh Boubacar, le jeune frère à mon père Cheikh Mohammed Bouna et la personne qui m’a élevé m’a raconté cette histoire. Il m’a dit qu’il s’était, une fois, rendu dans un village malien avec l’objectif de convertir les villageois. Ces derniers répondirent qu’ils n’osaient pas se convertir si le chef de village qui détenait les idoles ne devenait pas musulman en premier lieu. Quand le vieux est allé lui faire part de son intention de le convertir, le chef de village rit. Il demanda au vieux ce que la conversion voulait dire, et après lui avoir expliqué ce dont il s’agissait, il demanda au vieux ce qu’il allait faire de ses idoles. Et quand le vieux lui dit qu’il allait bruler les idoles, cela lui fit peur et il dit au vieux qu’il risquait d’avoir des problèmes s’il les brûlait. Avec confiance, le vieux lui dit qu’il était prêt à assumer les conséquences. Le chef de village lui dit qu’il allait devenir musulman s’il brulait les idoles. Selon lui, tous les villageois ont fui le village quand le vieux a mis du bois et de la paille sous l’arbre pour détruire les idoles. Il était accompagné par des disciples et de son frère Serigne Boubacar qui est l’homonyme de mon fils aîné. Le vieux lui dit, Serigne Boubacar, c’est toi-même qui va mettre le feu à ce tas. Aucun disciple ne le fera ainsi tout mésaventure qui s’en suivra retombera sur toi et moi, pas sur les disciples. Le Serigne m’a dit qu’à l’ instant où il demandait à son frère d’allumer un brin d’allumette et de mettre le feu au tas, il tenait son chapelet dans sa main et priait en même temps. Quand il alluma le brin d’allumette et le jeta au tas, le vieux faisait le wirdi avec son chapelet. Quand l’arbre fut brûlé par le feu, ils entendirent un bruit qui provenait d’une corne qui jaillissait du feu.
18 :57 : MH : Une corne ?
Oui, une corne. Elle tomba par terre et refroidit après avoir jailli dans l’air à trois reprises. Tout l’arbre fut brûlé. Quand les villageois s’aperçurent que rien n’était arrivé, ils revinrent au village. Il a dit que la tête du chef de village était plein de gris gris quand ils enlevèrent son chapeau pour le raser. Ils le rasèrent et ouvrirent une école coranique là-bas.
19 :20 : MH : Quel est le nom de ce village ?
Je ne connais vraiment pas le nom. Je n’ai pas fait des recherches par rapport à cela.
19 : 29 : MH : Espérons que la prochaine fois, vous pourrez nous dire le nom du village (rires). Cela est important parce que ce cas constitue une preuve tangible qui pourrait aider.
C’est vrai. Je vais me renseigner Inchallah. C’est juste pour vous illustrer que c’est Dieu qui donne le baatin. Cet évènement ne constitue pas un cas isolé concernant les faits accomplis par les anciens de la famille Kounta.
Si vous partez du 16e siècle, par exemple, du temps d’Ahmed Al Bécaye senior - une époque où ils étaient tous des saints- jusqu'au 20 siècle, vous verrez que l’évènement qui a lieu dans ce village malien n’est pas unique chez les Kountas. Ce que j’essaie de dire est qu’ils n’ont pas peur d’entreprendre certaines aventures. Ils osaient aller vers des animistes et parfois même chez des cannibales pour les conduire à abandonner leurs pratiques animistes et à adopter l’Islam. Voilà des faits qui étaient difficiles à accomplir à cette époque et ils parvenaient à le faire. Il y a des choses que nous ne pouvons pas expliquer.
20 :31 : MH : Une approche rationnelle à des faits similaires ne marche pas ?
Voilà.
20 :35 : MH : Est-ce que les fils de Cheikh Bou Kounta ont créés des localités aussi?
Je vais dire que seulement certains de ses enfants ont créé des localités. Cheikh Sidy Yakhya a créé Lat Mengue. Il est vrai que Lat Mengue est un très ancien village mais il est allé créer un village prés de Lat Mengue et l’a appelé Lat Mengue Bambara.
21 :43 : MH : Il a trouvé des bambaras là-bas ?
Oui, il a trouvé des bambaras là-bas, il les convertit et y créa une école coranique. La maison est toujours là-bas au moment ou je vous parle. ElHadji Mohammed Kounta, le père de l’actuel Khalife, a créé le village de Kamatane ou vous allez trouver des bambaras aussi. C’est toujours les bambaras qu’ils visaient.
22 :07 : MH : Est-ce que ces localités étaient déjà habitées quand ils allaient habiter là-bas ?
Voila ce qu’ils faisaient. Ils trouvaient une vaste clairière, la nettoyaient, y installaient une école coranique, et amenaient des enfants bambaras là-bas. ElHadji Bou Mohammed Kounta, qui nous a quittés il y a deux ans, est allé vers les sérères. Il a trouvé un village sérère, Cariyade, y installa une école coranique et y amena des enfants de disciples pour qu’ils viennent habiter avec les sérères. La maison, l’école coranique et la famille sont toujours là-bas.
Certains de ses enfants n’ont pas créé de villages mais ils sont allés s’installer dans les localités où l’Islam n’était pas très connu pour propager la religion.
Serigne Abdourahmane, par exemple, est le premier à aller à Sédhiou, et c’est quand Cheikh Al Bécaye est devenu Khalife qu’il est allé le ramener à Njassane afin qu’il puisse l’aider.
23 :40 : MH : Cheikh Bou était toujours en vie quand il partit s’installer là-bas ?
Cheikh Bou était toujours en vie quand il est allé s’installer là-bas.
23 :47 : MH : Est-ce qu’Abdourahmane fait partie de ceux qui ont étudié en Mauritanie ?
Il a étudié en Mauritanie. Ils ont tous été en Mauritanie.
23 : 53 : MH : N’est-ce pas qu’il est le premier à gérer l’école coranique ?
Effectivement, c’est lui qui gère l’école coranique en premier. C’était lui qui gérait les écoles coraniques de Baye Birane Diop et Bécaye Samaké. Il a été à Sédhiou le premier et Cheikh Al Bécaye l’a ramené à Njassane. C’est le fils de Cheikh Al Bécaye, Cheikh Bounama, qui s’est finalement installé là-bas. La maison est toujours là-bas. Si vous descendez à Sédhiou, tout chauffeur connait Kounta Kounta. C’est une grande maison et vous pourrez y trouver les tabalas et l’école coranique. Quand Cheikh a quitté Sédhiou, Cheikh Sidy Yakhya y plaça un autre Kounta, Cheikh Bounama. Après sa mort, Cheikh Bou y installa Mohammed Bouna, qui est notre enfant. Sa maison est à Njassane mais il part à Sédhiou pour assister à tout évènement qui a lieu là-bas.
Je pourrai, en conséquence, dire que les enfants de Cheikh Bou n’ont pas créé plusieurs villages individuellement comme furent les anciens mais ils ont réussi, tout de même, à créer des villages où ils ont ouvert des mosquées et des écoles coraniques. Et des disciples qui vivaient dans ses villages avec eux ont pu créer plusieurs villages chacun. Et même s’ils ne créaient pas d’autres villes, ils revenaient dans leurs villages d’origine où l’Islam n’était pas bien connu pour y renforcer la religion.
25 :28 : MH : Est-ce qu’ils devenaient propriétaires des villages qu’ils créaient ? S’occupaient-ils du patrimoine foncier ?
Bien sûr. Ils géraient le patrimoine foncier parce qu’il devient difficile de s’implanter dans une localité si on reste les bras croisés.
25 :43 : MH : Je sais que Cheikh Bou avait cherche un titre foncier pour Njassane et je me demande si cela a servi d’exemple à sa famille ?
La famille a pris cela en compte. A chaque fois qu’il s’installait quelque part, il demandait aux blancs colonisateurs, et plus tard à leurs remplaçants une terre où il cultivait. Ainsi les disciples pouvaient cultiver et se nourrir parce qu’on ne peut passer toute la journée à la mosquée. Il faut se nourrir et la meilleure manière de le faire est le travail, pas la mendicité. Le travail ne consistait en rien d’autre que l’agriculture et c’est pour cela qu’il faisait tout pour obtenir de vastes terrains. Mais ils ne pensaient pas à chercher un titre foncier pour les terres qu’ils cultivaient. A cette époque, les gens ne se souciaient pas de cela parce que les terres que l’on occupait pendant longtemps finissaient par devenir les miennes.
26 :43 : MH : C’est ce qui se passe jusqu'à présent.
Effectivement. Les terres qu’ils détenaient dans ces localités sont toujours les leurs et les disciples y pratiquent l’agriculture. A cause de la sécheresse, ces terres sont de moins en moins utilisées maintenant.
26 :57 : MH : Est-ce qu’il y a des membres de la famille Kounta qui ont reçu l’ordre de participer à la première guerre mondiale qui a coïncidé avec le règne de Cheikh Al Bécaye ou durant la seconde guerre qui s’est passe durant le khalifat de Cheikh Sidy Lamine?
C’est durant le règne de Cheikh Al Bécaye que la première guerre mondiale (1914-18) a eu lieu parce que c’est en 1914 que Cheikh Bou Mohammed est mort. Quand les blancs sont venus recruter à Njassane, par prudence, il choisit d’abord son jeune frère avant de regarder du côté des disciples. C’est Sidy Mokhtar, fils de Cheikh Bou Mohammed, qu’il désigna d’abord. Il est de même père et même mère avec Cheikh Al Bécaye. C’est lui qu’il envoya et grâce à Dieu, il est revenu de la guerre. Dieu lui avait donné des dons aussi. On dit qu’il pouvait mettre sa main dans une marmite qui bouillait, y retirait ce qu’il voulait et avançait sans aucun problème. Il paraît aussi qu’il guérissait ceux qui souffraient d’une maladie mentale après qu’il fut attaqué par un esprit. Il suffisait qu’il les regarde et les frappe très légèrement à la tête pour qu’ils guérissent.
Il y a aussi des disciples qui sont partis en guerre sous l’ordre de Cheikh Al Bécaye. Le vieux Ndiaye (je pense qu’il s’appelait Ali Ndiaye) qui est mort tout récemment nous a raconté plein de choses sur la guerre.
29 :06 : MH : Nous savons que Cheikh Sidy Lamine avait choisi de rester à l’ écart des affaires de l’état, et nous aimerions savoir s’il avait des disciples.
Je ne pourrai pas donner une réponse claire concernant cela. La seule chose que je sais, Cheikh Sidy Lamine ne s’entendait avec l’état, et je pense que cela a couté à Njassane et Ndankh. Dieu a fait que c’est lui qui était Khalife à Njassane et Ndankh à cette époque. Njassane et Ndankh auraient bénéficié de certaines choses s’il s’entendait avec Senghor. C’est parce qu’ils les voyaient comme des ennemis de la religion qu’il ne collaborait pas avec eux. Il n’allait pas mettre ses enfants au service de l’état non plus vu le regard qu’il portait sur les autorités étatiques. Et comme il savait qu’il faisait partie d’un pays, et avait des droits et devoirs envers la nation, il faisait tout pour s’acquitter de ses obligations. C’est lui-même qui collectait l’ensemble que les habitants de Njassane devaient à l’état et le remettait à qui de droit.
31 :08 : MH : Parce qu’on m’a dit que Cheikh Bou payait les taxes aussi ?
Vous savez, c’est maintenant que l’on considère Njassane comme un village mais auparavant on disait la maison de Cheikh Bou « kër Cheikh Bou » ce qui veut dire la maison de Cheikh Bou. Tout Khalife qui régnait prenait tout le village comme sa propre maison. Et c’est pour cela que tous les khalifes jusqu'à Cheikh Al Bécaye avaient l’habitude de donner la dépense quotidienne à tout le monde. Cheikh Bécaye le faisait et en plus de cela il tuait autant de moutons et de bœufs que possible, et remettait à chacun sa part. Toute la famille (le village) respectait ses ordres. C’est durant le règne de Cheikh Sidy Lamine que cette coutume commença à disparaitre et c’est à partir de ce moment que chaque famille commença à se prendre en charge. Mais il avait appliqué cela quand il s’agissait de payer la taxe. Il déterminait ce que Njassane devait payer comme taxe et le remettait à l’état. Il lui arrivait d’acheter de l’arachide parfois.
32 :07 : MH : Parce que Bécaye Coulibaly m’a dit que c’est le khalife qui lui donne la dépense jusqu'à présent.
32 : 33 : MH : Est-ce que Njassane et Ndankh participaient à l’effort de guerre ? Nous savons que plusieurs localités au Sénégal contribuaient à cela volontiers ou de force et nous aimerions savoir si Njassane et Ndankh le faisaient.
Mes recherches ont montré que Cheikh Bou Mohammed était tellement riche qu’il donnait une participation financière à la trésorerie qui était gérée par les blancs.
33 :45 : MH : C’était un don ou une dette ?
Je pense que c’était un prêt.
33 :51 : MH : Parce que nous savons qu’il faisait des prêts à certains politiciens et financer la campagne électorale de certains d’entre eux aussi.
Il aidait les avocats qui géraient ses affaires durant les campagnes électorales. Par ailleurs, il donnait son opinion sur la campagne électorale aussi.
34 :10 : MH : Et cela lui permit d’avoir une bonne influence sur les blancs.
34 :15 : MH : Pensez-vous que c’est dû aux rapports qu’il entretenait avec les blancs que les disciples qui était à Njassane avait peur de lui ?
Je ne pense pas. Je vous ai dit tout à l’heure que Cheikh Bou aidait ceux qui étaient opprimés par les blancs. Quand il y avait des crises sociales, certaines personnes inculpées, se retrouvaient en prison. Mais Cheikh Bou ne tenait pas cela en compte et faisait tout pour les sortir. En plus de cela, ils les établissaient dans certaines localités, et leur donnait un peu d’argent pour qu’ils puissent se prendre en charge.
Je ne pense pas que son action était motivée par la peur. C’était un pacifiste et il entretenait de bons rapports avec les disciples des autres marabouts. Il entretenait des relations posées et pacifiques avec tous les villages avoisinants. Tu ne les entends proférer de mauvaises paroles à l’ endroit de Cheikh Bou. Je pense, par conséquent, que ce n’est pas la peur. Il me semble que cela est dû à ce qu’Issa Diouf vous a dit : Cheikh Bou a choisi de se tourner vers l’extérieur. Le baatin a aussi contribué à cela, selon moi. C’est à cela que je peux croire jusqu'à ce que je voie quelque chose de nouveau.
36 :31 : MH : Est-ce que les enfants de Cheikh Bou faisaient de l’agriculture et du commerce comme leur père ?
Je sais que Cheikh Sidy Lamine était un grand agriculteur. Il avait des matériels, et il était très fort physiquement parlant.
37 :58 : MH : Des tracteurs et autres ?
Oui. Il achetait l’arachide qui était cultive à Njassane et Ndankh aussi.
37 :10 : MH : L’arachide que les disciples cultivaient ?
Il l’achetait et le revendait.
37 :20 : MH : Nous savons qu’il fournissait de l’arachide aux blancs ?
Effectivement. Les jeunes frères à Cheikh Sidy Lamine s’étaient davantage concentre sur l’agriculture. Cheikh Sidy Yakhya qui était à Lat Mengue, ElHadji Mohammed à Kamatane, Baye Bou à Cériyade cultivaient l’arachide et le mil surtout.
Cheikh Sidy Lamine et ceux qui étaient à Njassane de manière générale pouvaient faire le maraichage et la riziculture au bord des rivières. C’est grâce à cela qu’il pouvait gérer tout le village et cela a d’ailleurs conduit les gens à dire que la plupart des familles recevait la dépense quotidienne de lui.
38 :28 : MH : Quand est-ce le premier gàmmu de Njassane a eu lieu ?
On m’a dit que de la période allant du règne de Cheikh Bou jusqu'à celui, il y avait un gàmmu mais ce n’était le même que celui d’aujourd’hui.
Le gàmmu, à cette époque, consistait à regrouper les disciples qui se trouvaient à Njassane, à la mosquée le jour de la naissance du prophète Mohammed, et à réciter le Coran, le bourtou wala xamzia [récital de poèmes ou cantiques écrits par le fondateur de la confrérie en prélude de la commémoration de l’anniversaire du Prophète (PSL)] qui a été écrit par Mohammed Bou Seyri et à parler un peu du prophète. C’est à partir de Cheikh Sidy Lamine, qui a commencé à régner en 1929 après la mort de Cheikh Al Bécaye, que le gàmmu tel que l’on connait aujourd’hui a commence. C’est lui qui a fait du gàmmu un évènement de trois jours. Le gàmmu se tenait pendant deux nuits et trois journées, pendant qu’il était khalife, et cela se passait sur l’étage qu’il avait construit. Nous pouvons dire que c’est entre 1929 et 1973 quand il est mort, que le gàmmu a été transformé.
Quatrième piste
09 :00 :MH : Est-ce que la participation des maliens au gàmmu du temps de Cheikh Sidy Lamine était la même que leur présence au gàmmu aujourd’hui ?
Oui, ils venaient au gàmmu mais comme il n’y avait pas beaucoup de moyens de transport, ils n’étaient pas aussi nombreux qu’aujourd’hui. Leur participation n’était pas aussi importante qu’aujourd’hui. Mame Elhadji Malick a beaucoup contribué à faire du gàmmu ce qu’il est aujourd’hui. J’ai, une fois, entendu Sidy Wélé de Gaya dire à la télévision que Mame Elhadji Malick Sy est allé voir son grand frère Cheikh Bou Mohammed avant de démarrer le gàmmu. Mame Elhadji Malick est allé voir Cheikh Bou pour lui faire part de son désir de célébrer la naissance du prophète Mohammed (psl). Cheikh Bou lui dit qu’il allait soutenir cette initiative tant que ça n’amenait pas les hommes et les femmes à se mélanger et se livrer aux pêchés. C’est a cet instant que Mame Elhadji Malick dit cette chanson : célébrez la naissance du prophète Mohammed dans la sainteté et la beauté, si votre objectif est de célébrer, cela ne doit pas vous poussez à l’obscénité. Ceci a eu lieu en 1912. Je pense donc que la personne qui donne son accord pour que l’on célèbre le gàmmu ne peut pas saboter une telle initiative. Du règne de Cheikh Bou jusqu'à celui de Cheikh Al Bécaye le gàmmu regroupait quelques personnes et ne consistait qu’à tenir les khamzis, mimis, et les bourdeus. Vous devez savoir que les khamzis, et les bourdeus ont été écrits par Bousseyri.
02 :10 : MH : Est-ce que les femmes allaient à la mosquée à cette époque ?
Non, les femmes ne venaient. Seuls les hommes y participaient parce que c’était pratiquement qu’une seule maison et ils n’étaient pas nombreux. Et seuls les résidents de Njassane y participaient. Entre 1929 et 1973, durant le règne de Cheikh Sidy Lamine, les disciples ont commencé à faire venir de Dakar, Rufisque, Saint Louis, de la Casamance et du Mali pour assister au gàmmu. C’est en 1973 quand il est mort que le gàmmu a pris une plus grande ampleur parce que les moyens devinrent plus sophistiqués et l’économie s’améliora à cette époque. C’est à partir de ce moment aussi que le gàmmu devint une foire aussi parce que l’on commença à y vendre toute sortes de marchandises.
03 :02 : MH : Après cela, on l’amena à un seul jour.
Effectivement, c’est durant l’époque de Cheikh Sidy Yakhya que la durée du gàmmu fut réduite à un seul jour parce que la vie est devenue plus dure.
Cinquième piste
00 :00 : MH : Quels sont les critères de choix des Cheikhs ?
Le Cheikh équivaut au Moukhadam dans la confrérie tidjane. Le Cheikh est celui que l’on éleva au statut de serigne. La première personne qui devint Cheikh chez les khadres est Seydina Abdoul Khadre. C’est quand il a quitté l’Iran et qu’il alla a Bagdad pour être formé par Tajil Arefine Aboulwafa que ce dernier fit de lui un Cheikh. Il paraît que le jour où il devait faire de lui un Cheikh, il lui remit un chapelet, une natte réservée à la prière (sijaada) et une bouilloire (satala). Il parait qu’à chaque fois qu’il posait son chapelet par terre chaque perle disait : souhanala soubhanala. C’est à partir de ce moment que le nom de Cheikh Abdoul Khadre Djeylani est né. Tajil Arefine Aboulwafa fit de lui un cheikh parce qu’il craignait Dieu et faisait des efforts dans le cadre de la confrérie. C’est de cet évènement que les anciens depuis le règne de Cheikh Sidy Mokhtar sont partis pour faire de certaines personnes des cheikhs. Et élever une personne au grade de Cheikh est une occasion pour eux d’encourager la personne. Le mot Cheikh est écrit en trois lettres : Chi-ya-kha. Le Chi veut dire rendre grâce à Dieu. Et comme il est dit dans le Coran, rendre grâce à Dieu veut simplement dire faire ce qui Lui plait. C’est aussi accepter les difficultés que Dieu nous impose et les joies qu’Il nous donne. Le ya veut dire que le Cheikh doit à chaque fois faire le bien et s’opposer au mal. Kha veut dire que le Cheikh doit toujours craindre Dieu. C’est pour cela que la personne qui devenait Cheikh se voyait attribuer des disciples ou était affecté dans une localité où il pouvait donner le wirdi aux gens et devenir leur marabout. Le vieux Malamine Senghor à Thiès et le vieux Ansou Thiam au campement Nguékokh faisaient partie de ceux qui avaient reçu l’autorisation de donner le wirdi. Cheikh Sidya Baba qui se trouvait à Boutilimit a été fait Cheikh par Cheikh Sidy Mohammed, le fils de Cheikh Sidy Mokhtar, et c’est après cela qu’il lui fut donné le privilège de donner le wirdi et d’être un guide pour les disciples. Serigne Touba a d’ailleurs étudié chez eux.
03 :28 : MH : Est-ce qu’il y a des catégories de Cheikh ?
Il y a des différences. Je vous ai dit tout à l’heure qu’on fait de la personne un cheikh pour l’encourager. Certaines personnes méritent le grade de cheikh plus que d’autres. Il arrive que l’on fasse d’une personne négligente un cheikh et qu’il finisse par changer et devenir une bonne personne. Quand on devient, on doit craindre Dieu, et d’être très conscient que les gens prêtent attention à ceux qu’on dit et fait. Au fil du temps le titre de Cheikh change la personne parce qu’en imitant ceux qui font le bien, on finit par être quelqu’un de bien aussi. C’est une politique à laquelle les marabouts font très souvent recours aujourd’hui.
03 :35 : MH : Est-ce que le wirdi peut être donné par tous les cheikhs ?
C’est le marabout qui donne à la personne l’autorisation de donner le wirdi. Une personne peut attribuer le wirdi à une autre même si elle n’est pas un Cheikh.